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Est-ce qu’on tip pour tout et pour rien?

15 %, 20 %... 30 % pour un muffin au café du coin?

Par
Gabrielle Tremblay-Baillargeon
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L’autre jour, lors de mon passage à la caisse, on m’a, comme à l’habitude, presque intimidée avec un iPad. OK, ça sonne gros dit de même, mais vous reconnaîtrez clairement le topo.

On me propose des choix de pourboire (15 %, 20 % et même 30 %), tous identifiés par des qualificatifs accordés selon le pourcentage proposé : « bon service », « service vraiment super » « meilleur service à vie ». C’est-tu moi, ou 30 % de pourboire, même pour un repas au resto, c’est beaucoup?

Le service était bien, mais est-ce que si je laisse « juste » 20 %, j’ai l’air cheap? La machine me fait certainement sentir comme ça, même si je sais au fond de moi que 20 %, c’est ben en masse!

Il se passe quoi avec le pourboire, coudonc? On fait le point.

Soutenir les employé.e.s, mais jusqu’à quel point?

Récemment, un article de La Presse sur le sujet a fait tout un tabac sur le web, assez pour que la journaliste Marie-Eve Fournier publie un autre papier la semaine suivante pour dénoncer certaines pratiques mises en place par les commerçants durant la pandémie.

La moyenne de « tip » a d’ailleurs augmenté durant la pandémie au Québec, passant de 16,6 % à 18,1 % en seulement quelques mois.

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C’est vrai qu’en mars 2020 et dans les mois qui ont suivi, on voulait faire preuve de plus de générosité envers les travailleur.euse.s essentiel.le.s, qui, contrairement à d’autres personnes privilégiées, n’avaient pas le luxe de rester en isolement à la maison et s’exposaient donc à des risques sanitaires élevés. La moyenne de « tip » a d’ailleurs augmenté durant la pandémie au Québec, passant de 16,6 % à 18,1 % en seulement quelques mois. L’affaire, c’est que maintenant que (presque) tout le monde est vacciné et de retour – du moins partiellement – en présentiel, on commence à sentir une « tipping fatigue ».

Parallèlement à ça, de nombreuses entreprises n’ont pourtant pas adapté leurs mesures de pourboire au retour à la normale, laissant les pourcentages suggérés drôlement élevés au moment du paiement sur terminal. Un autre aspect décrié par la clientèle, c’est le fait que le montant suggéré est calculé sur la facture avec taxes alors qu’habituellement, on doit calculer le pourboire à partir de la facture de base.

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Pour un bill de 50 $, par exemple, 15 % équivaut à 7,50 $, alors que si on calcule le pourboire sur la facture taxée de 57,49 $, on se retrouve à ajouter 8,62 $ à la facture. Vous allez me dire que c’est juste 1 $, mais c’est quand même 15 % de plus que ce que vous devriez (et pensiez) donner à la base! Pas besoin de noter que plus la facture est élevée, plus cette différence paraît.

Ce que dit la loi

Ça, c’est sans compter toutes les entreprises qui demandent du pourboire lors du passage à la caisse sans en avoir besoin. On parle ici des boulangeries, des baristas, des gens qui installent votre pompe à piscine ou même des fleuristes.

Petit rappel législatif : seul.e.s les salarié.e.s à pourboire, dont le taux horaire est calculé en fonction de leur revenu incluant le tip, doivent obligatoirement recevoir le fameux 15 %. Pour tous les autres, c’est du bonus!

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Ceci dit, généralement, on recommande tout de même de laisser environ 18 % aux serveurs et serveuses de restaurant et de bar et 10 % aux livreurs et livreuses et aux personnes qui prodiguent des services d’esthétique et de coiffure.

Le pourcentage suggéré au terminal numérique nous fait sentir mal de refuser.

Pour tout le reste, c’est à votre discrétion, mais disons que le montant devrait être modulé selon le service reçu – mettre un croissant dans un sachet, par exemple, ne devrait pas être récompensé à même échelle que de donner des conseils sur un gâteau.

C’est quoi, la solution?

L’article de La Presse souligne un point important : la demande pour le pourboire vient souvent des employé.e.s, qui ont le gros bout du bâton sur le marché du travail présentement. Entre fermer ses portes quelques jours ou quelques heures par semaine par manque de personnel ou faire des concessions au terminal de paiement, les entrepreneurs et entrepreneuses se tournent parfois vers le deuxième choix, même s’ils sont conscients que leur clientèle n’est pas toujours à l’aise avec la façon de faire.

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C’est vrai qu’on est loin du petit pot de change où on laissait une couple de 25 sous après avoir commandé notre baguette : le pourcentage suggéré au terminal numérique nous fait sentir mal de refuser, surtout quand l’employé.e sourit devant nous en attendant qu’on termine la transaction.

Alors c’est quoi, la solution à cette « crise du pourboire »? Certains commerces ont décidé d’abolir le pourboire, de l’intégrer au prix du menu fixe ou encore de le redonner à la communauté, mais ils font encore figure d’exceptions.

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Le vrai truc, ce serait peut-être de se faire confiance : non, on n’est pas cheap si on laisse 18 % au resto ou si on ne donne pas de pourboire pour recevoir une chocolatine. Entre la générosité et la culpabilité, la ligne est parfois mince.