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Est-ce qu’on devrait arrêter de faire croire au Père Noël ?

Est-ce que c’est vraiment néfaste de « mentir » à ses enfants au nom de la magie des Fêtes?

Par
Brigitte Hébert-Carle
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Pour la première fois depuis la naissance de ma fille, j’ai fait entrer un lutin coquin dans la maison. Je ne sais pas trop pourquoi je me battais contre cette idée; la Grinch en moi ou l’impression d’une charge mentale supplémentaire non nécessaire, probablement. Mais cette année, j’ai décidé d’y aller all in!

Sauf que ce n’est pas un choix unanime chez les parents. Certains préfèrent ne pas alimenter la croyance entourant le père Noël, et je respecte leur décision. Mais est-ce que c’est vraiment néfaste de « mentir » à ses enfants au nom de la magie des Fêtes?

Une magie bénéfique

Pour Nathalie Parent, psychologue clinicienne et chargée de cours à l’Université Laval, stimuler l’imagination des enfants a des effets positifs sur leur développement. Le père Noël qui descend par la cheminée, le traîneau tiré par les rennes, les lutins coquins… toute cette féérie génère beaucoup de questions chez nos bouts de chou. C’est l’occasion idéale de leur poser des questions, d’encourager leur réflexion et de faire aller leur imagination! En tentant de comprendre comment le père Noël peut livrer autant de cadeaux en une seule nuit, par exemple, l’enfant développe sa capacité imaginative, « ce qui l’aidera plus tard à “imaginer” ou à trouver des solutions aux difficultés qu’il va rencontrer dans la vie », avance la psychologue.

Certains parents préfèrent éviter de cultiver cette féérie et préfèrent que leurs enfants soient confrontés à la réalité le plus tôt possible, pour mieux les préparer à l’avenir.

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Toutefois, selon Jasmine Gaudet-Boulay, neuropsychologue, psychothérapeute et enseignante à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), « d’un point de vue développemental, l’enfant utilise le monde imaginaire pour se construire et se réguler. C’est donc tout à fait utile d’accompagner son enfant dans ses croyances, plutôt que de le forcer à entrer trop vite dans un monde “réel” qu’il n’est pas prêt cognitivement à comprendre. »

Des mensonges blancs (comme neige)

Certains estiment que faire croire au père Noël revient à légitimer le mensonge. Ils trouvent difficile d’encourager la franchise lorsqu’ils ne donnent pas l’exemple, comme quand ils laissent entendre que c’est papa Noël qui a mangé tous les biscuits pendant la nuit, et non papa tout court.

Raconter plusieurs petits mensonges « innocents » en décembre leur crée un malaise, et ils redoutent de perdre la confiance de leurs enfants.

« Ce n’est pas un événement unique qui va encourager les mensonges chez l’enfant, explique Nathalie Parent. C’est beaucoup plus l’action au quotidien, les tabous, les non dits et l’accumulation de messages contradictoires qui favorisent le mensonge et le sentiment de trahison. »

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Autrement dit, un enfant sera davantage porté à mentir si ses parents ont l’habitude de le faire tout au long de l’année. Mais faire croire qu’un lutin a mis du papier de toilette partout dans le sapin ne scrappera pas le cerveau de nos enfants. Vous m’en voyez rassurée.

La méthode danoise

Pour d’autres parents comme Michèle et Émilie, ne pas donner le crédit au père Noël pour les cadeaux enseigne davantage la gratitude et accentue une connexion entre la personne qui offre le cadeau et l’enfant.

« La reconnaissance est enseignée quand ma fille sait qui a offert le cadeau, explique Émilie. Elle dit beaucoup de mercis et chaque fois qu’elle reprend le cadeau, elle dit “c’est grand-maman qui l’a donné” ». Pour Michèle, « un cadeau, c’est une façon de connecter avec l’enfant. Mon père lui a donné un vélo parce qu’il fait beaucoup de vélo. C’est important que ma fille comprenne ce lien. »

Les Danois semblent avoir trouvé l’équilibre entre la magie et la réalité: le père Noël offre un seul cadeau aux enfants, et tous les autres présents proviennent de la famille. De cette façon, les enfants peuvent remercier leurs proches et reconnaître leur générosité, et Saint-Nicolas ne vole la vedette à personne.

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Des traditions bien ancrées

La magie des Fêtes fait partie de notre imaginaire collectif depuis belle lurette. Malgré son côté mercantile ou parfois moralisateur (avez-vous été sage cette année?), cette période est remplie d’espoir, de beau et de bon. Il ne faut pas oublier qu’à la base, Saint-Nicolas aurait redonné sa fortune aux enfants dans le besoin. Et même si on préfère ne pas alimenter la croyance dans notre maison, nos enfants en entendront parler ailleurs.

« Libre à chacun de faire les choses à sa façon en tenant compte de ses propres valeurs familiales, précise Nathalie Parent, mais il ne faut pas oublier que les enfants y seront confrontés à la garderie et à l’école, et les parents doivent faire attention de ne pas faire vivre le “rejet” à son enfant. »

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Bien entendu, il ne faut pas forcer les choses. Si notre enfant de trois ans nous dit qu’il n’en a rien à cirer de Rudolph, on doit respecter son choix. S’il ne veut rien savoir de s’asseoir sur les genoux d’un vieux barbu au centre d’achat, c’est correct aussi. Et si trouver un nouveau tour de lutin chaque jour pendant un mois vous donne des maux de tête, oubliez ça.

Le but, c’est de trouver une formule qui vous convienne, qui respecte vos valeurs et votre niveau d’énergie. Votre enfant se contentera bien de ce que vous avez à lui offrir.

Le moment de vérité

Et si vous avez peur de le décevoir lorsqu’il découvrira enfin la vérité, accompagnez-le dans son cheminement. Votre enfant finira par vous poser la question de lui-même, à savoir si le père Noël existe vraiment, oui ou non. Quand vous le sentirez prêt, dites-lui la vérité.

À ce sujet, il y a le livre Affectueusement, père Noël, un album magnifiquement illustré qui raconte toute la vérité sur le père Noël, sans briser la magie des Fêtes. Certains enfants auront de la peine ou ressentiront de la colère. Il faut se rappeler qu’ils traverseront une courte période de deuil. Mais c’est aussi une belle occasion de les mettre dans le coup et de poursuivre la féérie chez les plus jeunes de la famille. Vous deviendrez encore plus complices.

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Il y a des parents pour qui Noël est synonyme de mauvais moment à passer. C’est peut-être plus difficile de transmettre une joie qu’on n’a pas vraiment connue. Mais personnellement, les lutins, le sapin, Mariah Carey et nourrir les rennes de la Place Versailles m’aident à éloigner la grisaille de fin d’année. C’est presque thérapeutique. Et voir le visage de ma fille s’illuminer le matin quand elle découvre le mauvais tour que Tourbillon le lutin lui a joué, ça vaut toutes les minutes à scroller TikTok en quête d’inspiration farfadine.