L’an dernier à pareille date, un débat a éclaté dans l’espace public au Québec alors que deux enseignantes d’une école située dans la région de Québec avaient fait parvenir aux parents un courriel indiquant qu’au lieu de la fête des mères, c’est la fête des parents qui serait célébrée. Quel scandale!
L’initiative des enseignantes avait été faite dans une perspective d’inclusion. Après tout, plusieurs enfants n’ont ni père ni mère, vivent dans un couple homoparental ou soloparental, ont perdu l’un des deux ou sont élevés par d’autres membres de la famille.
Malgré ces bonnes intentions, c’est plutôt un débat sur la disparition de la famille nucléaire qui s’en est suivi, un certain politicien-commentateur qualifiant même cette idée de « wokisme à son pire ».
Une chroniqueuse avait quant à elle affirmé que « même des scénaristes qui en fument du bon n’auraient pas pu inventer quelque chose d’aussi pathétiquement absurde. »
Il ne s’agit toutefois pas d’un nouveau débat puisqu’en 2012, les Nations Unies elles-mêmes ont proclamé le 1er juin comme étant la Journée nationale des parents. Bien avant ça, des pays comme la Corée du Sud avaient déjà remplacé la fête des mères par la fête des parents en 1973. Aux États-Unis, cette même fête se tient le quatrième dimanche de juillet et a été créée en 1994 sous la présidence de Bill Clinton (surprenant, n’est-ce pas?). Aux Philippines, c’est le premier lundi de décembre qui célèbre les parents.
L’idée n’est donc pas si farfelue, et bien instaurée ailleurs dans le monde.
Inclure tout le monde
« Je pense qu’il faut garder l’unicité de chacun des parents », croit Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la valorisation de la paternité. « La fête des pères est déjà moins célébrée que celle des mères. Nous croyons à l’inclusion, mais un ajout serait mieux qu’une soustraction », explique-t-il. Il suggère donc de garder la fête des mères et des pères, tout en ajoutant une fête des parents. Comme ça, un plus grand nombre de parents pourrait se sentir inclus dans l’une ou l’autre des célébrations.
« Pour nous, il est clair que la famille doit être célébrée dans son ensemble, dans toutes les formes qu’elle peut avoir. Surtout qu’il y a de plus en plus de modèles non traditionnels », explique Corinne Vachon Croteau, directrice générale de Réseau pour un Québec Famille. L’organisme organise d’ailleurs la semaine québécoise des familles en mai, au cours de laquelle toutes sortes d’activités ont lieu partout dans la province.
Pour Mona Greenbaum, co-directrice générale de la Coalition des familles LGBT+, il est important de prendre en compte les contextes des enfants et des parents.
« Tellement de modèles différents existent, aujourd’hui ; les parents soloparental, homoparental, monoparental, pluriparental ; il faut les prendre en considération. » croit-elle.
La Coalition célèbre la Fête des parents trans le premier dimanche de novembre, ainsi que la fête des parents non binaires, qui commence à s’implanter le dernier dimanche d’avril. Au lieu d’en enlever, on en ajoute, donc.
Et les parents?
« Je n’aurais aucun problème avec une fête des parents au sens large, si ça permet à plus de gens de se sentir inclus », témoigne quant à elle Catherine (nom fictif), mère d’un jeune enfant avec un conjoint. « Mais je trouve que ça enlève le fait de souligner ce que fait chaque parent », nuance-t-elle.
Par exemple, si c’est la mère qui prépare toujours les repas, mais que c’est le père et les enfants qui s’en occupent pour le brunch de la fête des mères, c’est significatif, et vice-versa.
Quant à la possibilité de célébrer la fête des mères et des pères le même jour, elle estime que ce serait plus d’organisation pour les parents, alors que le but non avoué de ces fêtes est de leur donner un break de leur routine, le temps d’une journée.
Un point de vue que partage Sonia, mère de deux jeunes enfants dans un couple hétérosexuel qui en ajoute une couche par rapport à la charge mentale que représentent ces journées. « Je trouve que ces fêtes mettent beaucoup de pression sur les enfants. Quand les mères sont invitées à aller à la garderie ou à l’école, le jour de la fête des mères, les enfants dont les parents ne sont pas là sont dévastés. En plus, c’est souvent à nous, les parents, d’acheter les cartes, le repas, etc. »
Pour Valérie (nom fictif), mère de deux enfants dans un couple homoparental, peu importe le modèle familial, on ne devrait tout simplement pas fêter le fait d’être parent. « On veut être fêté pour avoir décidé d’avoir des enfants ? Pourtant, c’est égoïste de vouloir devenir parent. L’enfant n’a rien demandé. Si tu as des enfants qui veulent te célébrer, tant mieux. Mais en faire une “obligation”… Ark, et ça coûte cher, en plus! »
Fêtes binaires ou des parents, fêter tout court ou non, dépenser de l’argent ou encourager les dessins en macaronis; ce qu’on constate, c’est que malgré les nombreuses alternatives qui s’offrent, le débat est loin d’être clos.