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Est-ce qu’on démonise trop les propriétaires?

Sont-ils vraiment tous véreux?

Par
Alexia Boyer
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En cette période où se loger est de plus en plus difficile, c’est rarement pour faire leur éloge qu’on parle des propriétaires immobiliers. En effet, quand les rénovictions et les hausses de loyer abusives font les manchettes, mettre tous les locateurs dans le même sac peut s’avérer tentant.

J’ai discuté avec trois propriétaires de multiplex, Myriam, Cédric et Antoine, pour savoir comment ils vivent dans ce climat souvent hostile à leur égard.

Séparer le bon grain de l’ivraie

« Je sais comment sont perçus les propriétaires », déclare Myriam d’entrée de jeu. La détentrice d’un triplex dans Rosemont évite même d’aborder son statut avec certaines personnes de son entourage, notamment une de ses meilleures amies qui pense que « tous les propriétaires sont forcément véreux ».

De son côté, Antoine, qui est propriétaire d’un condo et d’un triplex à Verdun, se fait aussi discret sur les questions d’ordre financier. « J’ai des amis qui gagnent moins bien leur vie, donc on évite de parler d’argent, explique-t-il. Le plex est une représentation physique de ce qu’on possède. D’autres personnes sont plus fortunées, mais c’est en actifs financiers, alors ça ne se voit pas. »

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Cédric, quant à lui, rapporte n’avoir aucun problème à en discuter avec son entourage, notamment car ses amis voient qu’il n’y a pas que des avantages à son statut. « Ils savent que c’est beaucoup de travail et de stress », affirme le propriétaire d’un duplex à Sherbrooke qui vient d’acquérir une maison dans la même ville.

« Il y a une différence à faire entre les propriétaires de dizaines d’immeubles à revenus, et les petits propriétaires comme moi », ajoute Cédric.

Myriam partage le même avis. Selon elle, ce ne sont pas les petits propriétaires qui achètent pour faire de la spéculation. « La plupart veulent seulement rentrer dans leurs frais », affirme-t-elle.

De son côté, Antoine pointe également du doigt certains influenceurs immobiliers. « Ils font une partie de leur argent en expliquant comment contourner les règles pour faire davantage d’argent, et ça donne une mauvaise image du secteur », estime-t-il.

Ce que les trois propriétaires soulignent, c’est l’importance de les différencier des grosses entreprises qui optimisent leurs activités pour le profit, notamment en ayant recours à des méthodes parfois illégales. « Les criminels sont des criminels qui sont aussi propriétaires, et non l’inverse », croit Antoine. « Il y a des abus de chaque côté : il y a de très mauvais locateurs, mais aussi de très mauvais locataires », ajoute Cédric.

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Le « mot en p »

Une fois la distinction faite entre les petits propriétaires et les gros promoteurs, entre les locateurs honnêtes et les spéculateurs véreux, on peut se demander : est-ce une bonne situation? À en croire les réactions épidermiques engendrées par mon appel à témoignages qui comprenait le mot « privilège » publié sur un groupe Facebook de détenteurs de multiplex, la question semble sensible.

Myriam, Antoine et Cédric, qui ont tous acheté avec leurs conjoints respectifs et sans aide familiale, ont chacun leur avis sur le sujet. « On est privilégiés d’avoir le choix de pouvoir acheter. Tout le monde n’a pas cette option, même en travaillant toute sa vie », répond Antoine.

« La chance qu’on a eue, c’est d’avoir les conditions réunies pour acheter, il y a dix ans », ajoute Myriam.

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Cédric, quant à lui, réfute le terme « privilégié ». Arrivé de la France avec son conjoint il y a douze ans « avec seulement trois valises et cinq mille euros en poche », il estime avoir travaillé dur et avoir fait de nombreux sacrifices pour arriver à la propriété. Selon lui, parler de privilège serait nier les efforts nécessités par cet investissement.

Quand la propriété n’est pas toute rose

Quelle que soit leur opinion sur la question, les trois propriétaires mentionnent une foule de désagréments accompagnant la gestion de leurs multiplex.

Antoine pense d’ailleurs que, si « [être propriétaire] est un privilège, ce n’est pas forcément un bon choix » et que « certains réalisent peut-être trop tard que ce n’était pas un bon calcul ». En effet, il souligne que certains nouveaux acheteurs ne se rendent peut-être pas compte de la charge mentale qui vient avec la gestion de biens immobiliers. Quand tu es propriétaire, « tous les imprévus tombent dans ta cour, complète Myriam. Comme les paiements hypothécaires qui peuvent passer du simple au double, ou les rénovations coûteuses, sans répercussions sur le loyer. »

Des rénovations coûteuses, Cédric en a d’ailleurs fait pour plusieurs dizaines de milliers de dollars afin de rendre ses appartements « propres et rentables ».

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Malgré une augmentation de loyer conforme aux taux indiqués par le Tribunal administratif du logement (TAL), il sait qu’il ne gagnera pas d’argent avant plusieurs années avec cet investissement. « La rentabilité d’un immeuble ne se fait pas dans les premières années », explique-t-il.

Antoine confirme que lui non plus, ne s’attend pas à faire de bénéfice avec ses biens immobiliers avant une bonne douzaine d’années, ce dont il était toutefois conscient avant de les acheter. Le trentenaire se projette ainsi à très long terme dans son triplex de Verdun, qu’il a choisi pour avoir accès à une cour arrière. « Vivre à Montréal, sans voiture, c’était ce qui comptait le plus pour moi. J’ai préparé ma retraite en achetant un endroit où je me projette toute ma vie », conclut-il.