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Est-ce que mon employeur a le droit d’espionner mon ordinateur de travail?

Votre vie privée reste-t-elle vraiment privée entre 9h et 17h?

Par
Billy Eff
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Les journées sont pas mal différentes pour plusieurs travailleurs québécois qui, en mars dernier, ont été envoyés chez eux avec leurs ordinateurs pour commencer une nouvelle vie en #télétravail. Pour certains, c’est un rêve: une plus grande flexibilité dans son horaire, moins de temps passé dans le métro ou dans les embouteillages, et (surtout) la possibilité de travailler en pyjama. Pour d’autres, c’est un peu inconfortable de sentir la présence, bien que virtuelle, de leur patron chez eux.

Dès qu’on ramène chez nous une partie du travail, la question de la vie privée entre en jeu. Lorsqu’on travaille du bureau, on sait (ou on devrait savoir) que ce qu’on fait avec nos ordinateurs *peut* être vérifié par l’équipe de IT. Mais quand on travaille à la maison, notre boss a-t-il vraiment le droit de nous espionner?

La réponse courte, c’est oui. Tant qu’il peut justifier que c’est au nom de la productivité et de la sécurité, votre employeur a tous les droits sur votre ordinateur de travail, étant donné qu’il lui appartient.

Mais c’est quand même un peu plus complexe que ça.

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Espionner au nom de la productivité

Au bureau, c’est relativement facile en un coup d’œil pour votre boss de savoir ce que vous faites, ou du moins si ça fait avancer votre travail. Et il y a malheureusement des patrons qui ont la confiance un peu moins facile et qui veulent en tout temps savoir ce que leurs employés font, où et comment. Pour répondre à ce besoin, des développeurs informatiques ont inventé toute une panoplie de logiciels qui permet à ces employeurs d’assouvir leur curiosité.

Il y a le genre auquel on peut s’attendre, comme ceux qui restreignent l’accès aux réseaux sociaux sur votre ordinateur de travail, par exemple. Ou d’autres carrément dystopiens, comme Sneek, qui prend une photo chaque cinq minutes pour l’envoyer à votre boss. Vous vous êtes levé de votre chaise pour prendre une pause-pipi? Sneek va le rapporter au patron.

Dans une société productiviste, la performance des employés est le plus grand souci des employeurs. La logique veut que si un employé n’est pas physiquement en train d’effectuer son travail, il n’est pas productif. Or, des études rapportent que l’employé moyen n’est vraiment productif que trois heures par jour. Soit 12 heures sur une semaine de 40, ou 30% du temps. Donc les applications comme Sneek ne servent a priori à pas grand-chose, à part peut-être mettre le feu au cul des employés en leur rappelant qu’ils sont surveillés.

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S’adapter rapidement en pandémie

Luc Lefebvre de Crypto-Québec, un OBNL montréalais qui sensibilise les citoyens aux enjeux technologiques, concède que la question de la vie privée sur les dispositifs de travail a beaucoup été soulevée depuis le début de la pandémie. «Les gens n’étaient pas prêts à ce genre de situation. Il y a beaucoup d’entreprises qui ont été prises de court par le pivot vers le télétravail», explique-t-il. «Certaines ont eu des réactions très radicales, où elles ont mis en place des systèmes pour surveiller très attentivement ce que faisaient leurs employés, mais ce n’est pas une majorité».

«Les employeurs se sont rendu compte que plus tu restreins l’accès au divertissement, moins les employés sont productifs. Et c’est là que les gens se mettent à essayer de contourner les choses et que ça peut devenir un enjeu de sécurité.»

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Si on remonte dans le temps, avant que tout le monde n’ait un téléphone intelligent, beaucoup de compagnies bloquaient l’accès à certains sites, comme les réseaux sociaux ou les boîtes courriel personnelles. «Les employeurs se sont rendu compte que plus tu restreins l’accès au divertissement, moins les employés sont productifs. Et c’est là que les gens se mettent à essayer de contourner les choses et que ça peut devenir un enjeu de sécurité», explique Luc Lefebvre.

Aujourd’hui, la plupart des logiciels installés sur les appareils d’une compagnie sont avant tout là pour la protection des données de l’entreprise, bien que quelques-unes donnent au passage la possibilité aux patrons de savoir ce que font leurs employés. Par contre, maintenant que la gestion des données et de la vie privée est un enjeu mieux compris par la plupart des gens, l’industrie a dû s’adapter. Il donne l’exemple de Google, qui offre un logiciel de gestion des dispositifs commerciaux, et qui, après plusieurs questionnements, a été modifié pour limiter le plus possible l’enregistrement des données des employés.

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«La plupart des logiciels qui de nos jours contrôlent l’accès à internet et la surveillance de performance des employés sont beaucoup mieux encadrés, de manière générale», m’explique l’expert. «Tout le monde devrait toujours questionner leur employeur, par rapport aux logiciels qu’ils utilisent et les règles qui en encadrent l’utilisation au sein de l’entreprise. Qui est-ce qui checke ça? Peut-il se connecter à ma machine et en prendre contrôle? A-t-il accès à mes messages textes? C’est des questions qu’il faut poser.»

les ordis ont des oreilles

Aussi creepy soient-ils, la plupart des logiciels ont l’avantage d’être visibles: on sait qu’ils sont là et qu’ils nous observent. Mais est-ce que ça se peut qu’ils puissent enregistrer mes faits et gestes sans que je le sache?

«J’essaie de me dire qu’on vit dans un monde de licornes et que les employeurs font les choses de manière legit», confie Luc. «Il y a des spywares, ou des Trojans, qui existent. Et il y a des employeurs qui ont besoin d’un peu plus de contrôle et qui peuvent avoir des demandes abusives.» Ces programmes sont installés sur les dispositifs et permettent d’avoir un accès illimité au téléphone ou à l’ordinateur de l’employé en temps réel, et s’exécutent en arrière-plan à l’insu de l’utilisateur.

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«Ce genre de logiciel qui n’est pas détectable, qui ne s’affiche pas dans la barre des applications actives sur l’ordinateur, peuvent avoir des capacités qui vont bien au-delà que de tout simplement monitorer le trafic internet», explique Luc Lefebvre. «Ça peut aller jusqu’à analyser chaque touche activée par l’employé, activer le micro ou la caméra de temps à autre. Ou carrément de voir ce qui est sur l’écran de l’employé.»

Selon lui, toutefois, ce genre de logiciels n’a pas la cote, vu que des données collectées à l’insu de l’employé seraient inadmissibles comme preuves dans une cour. «C’est pour ça que c’est important de poser la question à son employeur», conclut l’expert. Il ajoute aussi que certains gestes, comme masquer sa caméra d’ordinateur, devraient être un réflexe pour tout utilisateur.

Jouez ça safe

Pour se protéger au maximum, il vaudrait donc mieux éviter d’utiliser son ordinateur professionnel à des fins privées. Cela protège à la fois vos données personnelles et celles de votre employeur. Est-ce que ça peut pour autant empêcher votre boss de vous espionner? Pas tellement, et c’est pour ça que c’est important de savoir quel genre d’accès il ou elle a.

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Selon Luc Lefebvre, les boss qui utilisent des techniques intrusives pour surveiller leurs salariés restent assez rares. Si votre employeur a confiance en ses employés, il n’a vraiment pas de raison de vous espionner. Et s’il s’avère qu’il le fait de manière intrusive ou pour des raisons personnelles, la loi est de votre côté.

C’est simple, tant que votre vie privée reste loin de votre job et de vos appareils de travail, ça sera business as usual!