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Est-ce que mon conseiller financier me trouve stupide?
Je ne me sens jamais aussi nounoune que quand j’essaie de placer mon argent…
Quel cauchemar : j’ai rendez-vous mardi prochain avec mon conseiller financier. J’ai sondé mon entourage et il est unanime, alors il y a des chances que vous soyez du même avis : le niveau de plaisir à prévoir lors de cette activité est le même que pour un traitement de canal.
Tout me gosse : les murs beiges de son bureau, le gel dans ses cheveux, sa chemise parfaitement amidonnée, son petit questionnaire pour faire mon portrait d’investisseuse… Mais le pire, et de loin, c’est le ton paternaliste qu’il emploie avec moi. Il suffit de 5 minutes à l’écouter parler pour que j’oublie ce qu’est un CELI, que j’aie l’impression de ne pas mériter d’avoir mon propre argent, bref, que je me sente comme une pauvre petite fille perdue dans la jungle du capitalisme.
D’où vient ce phénomène? Y a-t-il une part de sexisme là-dedans? Est-ce que je serais mieux avec une conseillère? C’tu juste moi qui suis idiote? J’aimerais savoir avant mardi prochain…
Non, ce n’est pas dans ma tête
« Mon conseiller financier commençait toujours ses phrases en me disant “écoute”, et ça me gossait au boutte. À un moment donné, il m’a carrément dit que c’était pas la peine de m’expliquer mes options de placements, car je n’allais pas comprendre », me raconte Raphaëlle, ma partenaire de yoga, des couteaux pleins les yeux. « Je lui ai dit que j’avais besoin de temps pour réfléchir, puis je ne l’ai jamais rappelé. »
Jeanne non plus n’avait pas que de bons mots pour le dernier conseiller financier avec qui elle a fait affaire. « C’est tout juste s’il n’a pas roulé des yeux quand je lui ai dit que je n’étais pas attirée par les placements risqués. »
« Et quand j’ai commencé à poser des questions sur les placements éthiques, il m’a fait sentir que je lui faisais perdre son temps. »
Pour bien résumer le sentiment partagé par mon entourage, mon ami Evan se permet un petit commentaire basé sur son expérience personnelle : « C’est vraiment une profession de bros ».
Bon, je pourrais encore passer des heures à bitcher les conseillers financiers avec mes amis, mais je vais me garder une petite gêne, mais à la place, j’aimerais attirer votre attention vers cette étude commandée par la firme Merril Lynch. Selon elle, malgré que 63 % des femmes mariées de moins de 45 ans se considèrent comme les décideuses principales pour ce qui est des finances de leur ménage, les conseillers financiers s’adressent à leurs maris plus de 60 % du temps. Lors d’une rencontre de 30 minutes, les conseillers financiers pouvaient accumuler les remarques et les comportements sexistes, par exemple en s’attendant à ce que ça soit le mari qui prenne les décisions, que la femme ait moins de connaissances et souhaite prendre moins de risque et que le couple veuille mettre ses finances en commun.
Comme d’habitude, les bons vieux stéréotypes genrés ont du mal à mourir.
Est-ce que je serais mieux avec une conseillère?
À savoir si je devrais aller vers une conseillère, les avis de mon entourage sont mitigés.
Raphaëlle trouve son rapport avec sa conseillère financière légèrement meilleur qu’avec son ancien conseiller. « Honnêtement, je pense aussi qu’elle me trouve stupide, mais au moins, elle ne me sert pas les mêmes pépites sexistes. » Pour sa part, Jeanne est persuadée qu’il est important de magasiner un.e conseiller.ère financier.ère avec qui le courant passe, mais que son genre n’a pas d’importance. « J’ai l’impression que pour réussir dans ce genre de métiers, il faut avoir la même mentalité patriarcale que tes homologues masculins. »
Selon mes recherches, en 2023, seulement 15 % des conseillers financiers étaient des femmes, une disparité qui s’explique notamment par le fait que les gens ont plus tendance à suivre les conseils financiers des professionnels masculins. Finalement, quand je demande à Google si je devrais confier mes investissements à une femme plutôt qu’à un homme, je tombe sur des articles de blog tout aussi sexistes. Saviez-vous que les femmes sont de meilleures conseillères financières, car elles sont « plus empathiques et à l’écoute »? Cette fois, c’est moi qui roule des yeux.
En résumé : non, vous n’êtes pas folle.
Au moment d’investir votre argent, comme à la quincaillerie ou au garage, vous avez de bonnes chances de vous heurter aux stéréotypes de genre. La bonne nouvelle, c’est qu’au fil du temps, les femmes ont de plus en plus d’argent à placer. Motivées par l’appât du gain (et par la justice sociale? lol), les firmes d’investissement se creusent la tête pour comprendre comment attirer la clientèle féminine. Étant donné que ce sont ces mêmes firmes qui ont commandé toutes les études mentionnées dans ce texte, on croise les doigts pour qu’elles s’appliquent bientôt à rendre l’investissement plus confortable et attrayant pour les femmes.
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