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Est-ce que les femmes ont confiance en elles au travail?

Je doute, je doute.

Par
Arianne Maynard-Turcotte
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La confiance est (encore) mince

Si, comme moi, vous êtes fan de l’émission de radio La soirée est (encore) jeune, vous avez entendu cette chicane le 19 octobre entre Charles « La Voix » Lafortune et Denise « Bonjour/hi » Bombardier. En résumé, Denise pense que les femmes n’ont pas confiance en elles, Charles croit que oui, parce que sa conjointe est présidente de l’Union des artistes… et Jean-Sébastien Girard perd le contrôle de sa chronique.

Sur le coup, j’ai trouvé ça drôle. Avec du recul, j’ai trouvé ça triste que les deux argumentent avec des arguments aussi pauvres. Finalement, j’ai juste oublié ce moment. Mais en écrivant cet article pour Quatre95, je suis tombée sur une étude du Harvard Business Review. La recherche rapporte que les hommes osent appliquer pour un poste quand ils n’ont que 60% des compétences demandées, tandis que les femmes envoient leur CV quand elles correspondent à 100% des critères.

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La question a refait surface dans mon esprit : est-ce que les femmes manquent réellement de confiance en elles au travail? Je sais Charles, ta femme est présidente de l’Union des artistes. Mais comme Sophie Prégent n’est pas un échantillon représentatif de la population, j’suis plutôt allé consulter des études pour me faire une tête.

GAP, GAP kids et gap de confiance

Gap, c’est pas juste un magasin l’Aubainerie en plus cher. C’est avant tout un mot qui veut dire « fossé » ou décalage. C’est pas un cours de français : je veux parler de l’écart de confiance entre les hommes et les femmes, un phénomène assez bien documenté.

La moitié des femmes rapportent douter d’elles-mêmes au travail, contre le tiers des hommes.

Le magazine américain The Atlantic a publié un article hyper intéressant à ce sujet en 2014. On y apprend, entre autres que, selon une étude du Institute of Leadership and Management au Royaume-Uni, la moitié des femmes rapportent douter d’elles-mêmes au travail, contre le tiers des hommes.

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D’après une autre étude de l’Université Carnegie Mellon, les hommes initient des négociations salariales quatre fois plus souvent que les femmes et ils demandent jusqu’à 30% de plus.

Confiance versus compétence

On le sait, la confiance n’a rien à voir avec la compétence… bien au contraire! Est-ce que les hommes doutent d’eux-mêmes? Tout à fait. La différence? Ils ne laissent pas leurs doutes les stopper aussi souvent que les femmes.

Selon une étude de ce même professeur, les hommes ont tendance à se penser 30% meilleurs qu’ils ne le sont réellement au travail.

Cela dit, les hommes se surestiment plus souvent qu’ils ne se sous-estiment. Un professeur de la Columbia Business School a inventé un terme pour définir ce problème typiquement masculin : « l’honest overconfidence », que je traduirais librement par la « surestimation honnête ». Selon une étude de ce même professeur, les hommes ont tendance à se penser 30% meilleurs qu’ils ne le sont réellement au travail.

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D’autres études ont même démontré que les hommes ont tendance à surestimer leurs habiletés et leur performance au travail, alors que les femmes sous-estiment les deux. Fun fact : l’étude concernait des hommes et des femmes dont la qualité des compétences était jugée égale par leurs pairs et leurs supérieurs.

Malheureusement, d’après Cameron Anderson, un psychologue travaillant à l’Université de Californie à Berkeley, la confiance serait aussi, sinon plus importante que la compétence en milieu de travail. Assez déprimant comme conclusion, admet cet homme ayant passé sa vie à étudier l’overconfidence.

C’est décourageant, surtout quand on sait que, selon l’effet Dunning-Kruger, plus les gens sont incompétents, plus ils ont confiance en eux… Facepalm.

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Et si c’était plutôt un problème de perception?

Arrêtez tout ce que vous faites, je remets tout ce que je viens d’écrire en question! Est-ce que c’est parce que je suis une femme? Je sais plus, je comprends plus rien.

D’après cet autre article publié dans The Atlantic, les femmes ne manquent pas de confiance en elles. Par contre, quand elles démontrent de la confiance au travail, on les pénalise. Oui, oui, vous avez bien lu.

De nombreuses études sont arrivées à la conclusion que les femmes ont aussi confiance en leurs habiletés et leur leadership que les hommes. Cela dit, si une femme ne compense pas sa confiance avec suffisamment de traits considérés comme « féminins » tels l’empathie et l’altruisme, sa confiance en elle ne sera d’aucune utilité pour gravir les échelons. C’est prouvé.

Pour réussir, un homme doit avoir du cran, tandis qu’une femme doit paraître à la fois sûre d’elle et modeste, sans quoi elle se fera discréditer.

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J’ai pas fini de vous faire fâcher : une autre étude a démontré qu’une femme ayant confiance en elle est perçue comme moins aimable, ce qui réduit ses chances d’obtenir une promotion. Pour réussir, un homme doit avoir du cran, tandis qu’une femme doit paraître à la fois sûre d’elle et modeste, sans quoi elle se fera discréditer.

Et comment on change ça? Ceux qui croient que les femmes manquent de confiance proposent des solutions simplistes comme améliorer ta posture ou mieux t’habiller pour inspirer la confiance. Reste que, comme on l’a vu, le problème est autant, sinon davantage structurel que personnel. Les entreprises doivent reconnaître le problème et agir pour que l’équité ne se limite pas au salaire, mais s’étende aussi à la façon dont sont perçus et traités tous les employés. Ça peut signifier revoir les descriptions de tâches, reconnaître les préjugés de genre ou diversifier les modèles de réussite qu’on met de l’avant à l’intérieur des entreprises.

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Fin?

C’est tellement déprimant tout ça que, bien honnêtement, je ne sais pas comment finir mon texte. Avec de l’espoir? Une morale? Un cri du cœur de découragement?

Est-ce que c’est typiquement féminin d’exprimer mon doute ici? Fort probablement.

Est-ce que je devrais effacer ce dernier paragraphe pour avoir l’air sûre de moi? Peut-être.

Qu’est-ce que Sophie Prégent écrirait? Je sais pas.

Mais je ne changerai rien au texte ni au dernier paragraphe. J’ai le droit de douter autant que j’ai le droit de rapporter objectivement des faits, ça ne fait pas de moi une femme moins compétente ni moins aimable (je pense, peut-être).

FIN (je crois).