Depuis quelques années, le mush connaît un important regain de popularit é. Bien que toujours illégal au Canada, il suffit de quelques clics pour s’en faire shipper directement sur le perron.
Des études scientifiques sont en cours pour évaluer les potentiels bienfaits de cette drogue chez des populations cliniques, mais ces bienfaits ont été rapportés par bien d’autres groupes, dont des mères et des gestionnaires d’entreprises. Les « trips de mush » ont même fait l’objet de quelques activités de team building chez de hauts gestionnaires multimillionnaires. Disons que ça fait pas mal changement des escape rooms et des « deux vérités, un mensonge » dans la salle de conférence.
Du rave au bureau
Les bienfaits du mush tels que rapportés par des gestionnaires incluent l’atteinte d’une meilleure compréhension de soi, plus de patience, d’empathie, une attitude moins hiérarchique envers les employés et des changements positifs dans les relations interpersonnelles.
Pour l’instant, ces bienfaits demeurent toutefois anecdotiques.
Il faudra attendre plus d’études scientifiques avant de se goinfrer aveuglement de champignons magiques.
Le professeur en psychologie et sciences cognitives Dr John Vervaeke explique que ces bienfaits s’expliquent par le fait que le mush aurait le pouvoir d’induire une flexibilité cognitive. Celle-ci peut être définie comme la capacité de notre cerveau à adapter notre conduite et notre pensée à des situations nouvelles, changeantes ou inattendues.
Est-ce que c’est dangereux?
Plus que de siroter une tisane en lisant un Marie Laberge, certes. De plus, si vous avez des antécédents psychotiques, les experts (et moi) vous conseillons gentiment d’éviter le mush. Par contre, lorsque ces experts ont classifié diverses drogues en ordre de dangerosité pour l’utilisateur et son entourage, l’alcool et le tabac figuraient beaucoup plus haut dans le palmarès que le mush.
D’ailleurs, même si des bienfaits ont été rapportés, on ne connaît pas encore la quantité de mush idéale à prendre pour en bénéficier : on dose ou on microdose? Contrairement aux doses de mush, la microdose est trop petite pour provoquer des effets psychédéliques.
Quand on microdose, on n’entend pas les murs et on ne voit pas de petits gobelins.
Pas de mode d’emploi
Alors, on microdose. Mais combien on microdose? À quelle fréquence? Avec qui? Quand? Où? À la job? Au chalet? Au Mexique? La science n’a pas encore les réponses.
Les effets bénéfiques du mush rapportés par des gestionnaires grâce à des microdoses, mais aussi parfois grâce à des doses. Avec les microdoses, c’est possible de consommer le matin avant le travail pour en ressentir les potentiels bénéfices. Mais attention, il n’est ici pas question de faire un trip avant de se rendre dans un meeting (question d’éviter à vos employé.e.s de vous voir en sueur revivre un trauma d’enfance, les meetings étant assez pénibles en général).
Deux gestionnaires transformé.e.s
Lors d’un entretien avec la revue Fortune, Peggy Van de Plassche a raconté sa propre expérience avec le mush. Ancienne gestionnaire ayant occupé des postes importants chez CGI, BMO et CIBC, Van de Plassche a expérimenté avec une forte dose de champignons psychédéliques. Elle n’a pas fait ça dans une ruelle de Centre-Sud, mais bien dans un resort luxueux très coûteux en Colombie-Britannique.
Elle raconte être sortie de cette expérience complètement transformée et qu’elle a pu apporter des changements positifs dans son leadership grâce à celle-ci. Entre autres, elle avait moins tendance à confronter ses collègues et les membres du CA;
elle se dit être désormais plus à l’écoute, empathique et ouverte à la discussion.
Elle confie aussi qu’en réunion, lorsque d’autres gestionnaires détournent la conversation pour parler de leurs propres accomplissements et flatter leur égo, elle éprouve moins d’irritation. Au lieu de rouler des yeux, elle éprouve envers eux de la compassion et se contente de rediriger doucement la conversation vers l’agenda de la rencontre.
Pour l’entrepreneur Paul Austin, les microdoses ont eu un tel impact sur sa capacité à être un meilleur gestionnaire qu’il en est venu à fonder Third Wave, une compagnie dédiée à améliorer les perceptions culturelles sur le mush. Dans un texte de Colleen Hagerty pour la BBC, il soutient que les microdoses l’aident, en tant que gestionnaire, à être plus patient avec ses collègues et client.e.s et à diminuer son égo et ses tendances à la confrontation lorsqu’il reçoit une critique.
Selon lui, les microdoses le poussent aussi à être plus créatif, productif et présent au travail.
Il est alors en mesure de mieux accueillir les idées de ses employé.e.s et de penser au « nous » plutôt qu’au « je ».
Quelle excellente nouvelle! Glissez 2-3 pilules de mush à votre patron et vous l’aurez, votre syndicat.
Mes réflexions à deux cennes
Le témoignage d’Austin est inspirant, mais n’est-ce pas un peu inquiétant, qu’un.e patron.ne ait besoin de champignons magiques pour être en mesure d’écouter les idées de ses employé.e.s, d’avoir plus d’empathie et de se calmer l’égo?
D’ailleurs, ressentir ces bénéfices, ne pourrait-on pas simplement faire appel à la méditation ou à la thérapie? La réponse rapide serait oui, mais c’est beaucoup plus long, et surtout, pas mal moins edgy.
Il est donc important d’accueillir ces témoignages avec un grain de sel, parce qu’à ce jour, aucune preuve scientifique ne soutient que de microdoser du mush serait efficace ou sécuritaire.
Pour ce qui est des doses de mush, de plus en plus d’études confirment avoir observé des bienfaits chez des populations souffrant de dépression majeure. En ce qui a trait à l’usage récréatif de cette drogue chez des populations comme des gestionnaires, il reste beaucoup de recherches à faire. Mais comme me disait ma prof de judo en 2004 : il y a du potentiel.
Préparez vos « deux vérités, un mensonge » parce que la science n’est pas encore assez avancée pour remplacer votre activité de team building par un trip de mush collectif.