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Est-ce que je devrais dénoncer les pratiques de mon entreprise?
Facebook, Blue Origin, Ubisoft, Radio-Canada, Netflix : on a pas mal entendu parler, dans la presse, de ces lanceurs et lanceuses d’alerte héroïques qui ont osé dénoncer publiquement les pratiques douteuses de leur employeur. Et on s’est tous et toutes demandé un jour si on serait prêt.e à aller jusque-là.
Comment s’y prendre pour dénoncer son entreprise? Quand est-ce que c’est pertinent? Comment ne pas avoir l’impression de trahir une job et des collègues qu’on aime? Voici quelques pistes de réflexion.
Dénoncer, dénoncer… mais dans quel but, au fait?
Selon Amnesty International, « un lanceur d’alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, révèle ou signale un état de fait mettant en lumière des comportements illicites ou dangereux qui constituent une menace pour l’homme, l’économie, la société, l’État ou l’environnement, c’est-à-dire pour le bien commun, l’intérêt général ».
Définir clairement votre motivation, c’est la première chose à faire.
Parce que dénoncer sa job comporte des risques et de gros défis, il faut bien réfléchir à ce qu’on espère accomplir en le faisant. Est-ce qu’on estime que c’est notre devoir moral? Est-ce qu’on souhaite simplement que la situation problématique s’arrête? Est-ce qu’on veut obtenir une compensation? Est-ce qu’on cherche à se venger?
Mettons quelque chose au clair en commençant: ceci ne constitue pas un conseil légal. Car oui, ça se peut que vous ayez besoin d’un.e avocat.e à un moment donné.
Mais définir clairement votre motivation, c’est la première chose à faire. Elle va vous permettre d’aller dénoncer au bon endroit et au bon moment. Et quand on sait qu’on agit pour le bien commun, on a du carburant pour aller jusqu’au bout.
Vers qui se tourner?
Avez-vous déjà eu le goût de vous vider le cœur sur les réseaux sociaux et de dénoncer tout ce qui ne va pas à votre travail dans un mur de texte sur Facebook ou une cascade de tweets? Ouin, c’est pas forcément la meilleure idée. Si vous voulez rendre le monde meilleur (le monde du travail, dans ce cas-ci), vous devez faire les choses correctement, plutôt que de cracher au vent en espérant que ça ne vous retombera pas dessus.
Avant de faire une publication publique ou de livrer votre histoire aux médias, il faut vous tourner vers les autorités appropriées. C’est le meilleur moyen de régler la plupart des problèmes… en s’évitant soi-même des problèmes.
C’est votre droit et votre devoir de dénoncer ce qui ne va pas, et vous ne devriez jamais vous sentir mal de le faire.
Vos conditions de travail ne sont pas sécuritaires? Vous devez prévenir la CNESST. Si vous avez une convention collective et que votre employeur ne la respecte pas, votre syndicat doit être mis au courant. Vous êtes témoin de corruption? L’UPAC vous permet de faire un signalement confidentiel. Si vous constatez que votre entreprise fraude les impôts, c’est le temps de prévenir Revenu Québec. S’il s’agit d’un crime, vous devriez peut-être commencer par porter plainte à la police.
Bref, si vous utilisez les organismes qui sont mis à votre disposition pour dénoncer les mauvaises pratiques de votre employeur, vous faites exactement la bonne affaire. C’est votre droit et votre devoir de dénoncer ce qui ne va pas, et vous ne devriez jamais vous sentir mal de le faire. C’est la preuve que vous vous souciez de votre job et de vos collègues, et que vous souhaitez améliorer la situation de bonne foi.
Par contre, si les canaux officiels ne fonctionnent pas correctement, les médias (traditionnels ou non) constituent peut-être un bon moyen de pression.
Quoi qu’il arrive, ne dénoncez pas seul.e
Même si ça peut sembler courageux de partir tout.e seul.e en guerre, ce n’est vraiment pas ce qu’il y a de plus efficace. D’abord, si possible, trouvez des collègues à qui vous pouvez faire confiance, pour corroborer votre plainte, vous aider à obtenir des preuves, et plus généralement, vous soutenir dans votre démarche.
Ensuite, dans la mesure du possible, consultez un.e avocat.e ou un organisme d’aide juridique. N’oubliez pas que vous vous battez contre plus fort que vous, et qu’il est donc important de bien vous protéger et vous faire aider.
C’est pas pour vous décourager, mais le Canada est l’un des pires pays pour la protection des lanceurs d’alerte.
Est-ce que vous vous souvenez de tous les contrats que vous avez signés lorsque vous avez été embauché.e? Avez-vous assez de preuves? Est-ce que votre dénonciation pourrait être considérée comme de la diffamation? Êtes-vous en train de briser la confidentialité à laquelle vous vous êtes engagé.e? Avez-vous été complice, sans le vouloir, de ce que vous dénoncez? C’est à ce genre de questions que les professionnel.le.s vous aideront à répondre.
C’est pas pour vous décourager, mais…
C’est pas pour vous décourager, mais le Canada est l’un des pires pays pour la protection des lanceurs d’alerte. Parmi les 37 pays offrant une protection aux divulgateurs d’actes répréhensibles, le Canada est, à égalité avec le Liban et la Norvège, dernier du classement. Le système de protection canadien est apparemment très inefficace pour empêcher les représailles contre les lanceurs d’alerte (licenciement, procès pour diffamation, mesures disciplinaires, harcèlement…).
On n’a qu’à penser à l’Omertà dans le système de santé québécois, et au traitement des infirmières qui osent dénoncer publiquement leurs conditions de travail.
Dans ces conditions, malheureusement, de nombreux Canadiens et Canadiennes préfèrent garder le silence.
En tant qu’employé.e, on a souvent les yeux et les oreilles là où le public et le gouvernement n’ont pas accès. En lançant l’alerte sur une mauvaise gestion ou de mauvais comportements au sein de notre entreprise, on fait vraiment une bonne action pour la société.
Mais si vous y songez, prenez garde à bien vous protéger, car, malheureusement, ce ne sont pas toutes les bonnes actions qui sont récompensées.