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Est-ce que c’est une bonne idée de se partir une «side business» en ce moment?
Est-ce que c’est moi où on dirait que tout le monde s’est parti en affaire pendant la pandémie? Avec la fermeture, temporaire ou permanente, de nombreux lieux de travail, beaucoup de gens se sont retrouvés sans emploi… et avec pas mal de temps libre sur les bras.
Même ceux qui ont eu la chance de garder leur job se sont retrouv és soudainement avec des horaires pas mal moins chargés (ça prend du temps avoir une vie sociale). Et si je me fie à mon compte Instagram, pas mal de gens ont décidé de combler ce vide en se lançant dans l’entrepreneuriat.
Aux États-Unis par exemple, les demandes pour la création de nouvelles entreprises ont atteint un sommet inégalé depuis 13 ans. Que ça soit pour arrondir ses fins de mois ou pour monétiser un de ses nouveaux passe-temps pandémiques, est-ce que ça se pourrait que les side business connaissent leur moment de gloire?
Et est-ce que ça va durer?
On a demandé à quatre personnes qui ont transformé un passe-temps en entreprise pendant la première vague de la crise comment ça se passait pour eux et surtout quelles leçons ils tirent de leur expérience, pour qu’on puisse en profiter (est-ce que c’est ça l’économie circulaire?).
Être soi-même
Laetitia est une adepte du vintage. Depuis des années, elle court les Village des Valeurs pour trouver des pièces de vêtements uniques. Et depuis qu’elle vit en appartement, elle trouve aussi des objets usagés pour meubler son espace de vie. Quand les restrictions sanitaires ont été mises en place au printemps dernier, elle s’est retrouvée avec beaucoup moins de choses à faire.
«Je m’ennuyais vraiment», me dit-elle. Elle a donc créé une page Instagram pour vendre quelques trésors trouvés dans des brocantes. «Je me suis dit que j’allais voir ce que ça donnerait. C’était vraiment sur un coup de tête». Finalement, les choses ont décollé et en quelques mois seulement, Dodo Bazaar a déjà accumulé pas mal de clients.
«C’est une réflexion de qui je suis. C’est mes valeurs, c’est mes goûts. Si je n’aime pas quelque chose et que je ne le garderais pas pour moi, je ne l’achète pas.»
Aujourd’hui, elle met environ une vingtaine d’heures là-dessus chaque semaine en plus de travailler pour le gouvernement fédéral et un organisme de développement durable.
Son conseil pour les gens qui voudraient se lancer en affaires tout en conservant leur emploi?
«Soyez vous-même.» Si Laetitia est capable de mettre autant de temps et d’énergie sur sa compagnie, c’est que le projet comble un besoin de créativité qu’elle ne retrouve pas dans son travail, mais aussi parce que Dodo Bazaar, c’est elle à 100%. «C’est une réflexion de qui je suis. C’est mes valeurs, c’est mes goûts. Si je n’aime pas quelque chose et que je ne le garderais pas pour moi, je ne l’achète pas.»
Même son de cloche pour Mélanie, copropriétaire de la compagnie de vêtements crochetés Mamé, qui conseille de choisir un projet qui est naturel pour soi. «J’aimais déjà tricoter», me dit-elle. «Pendant la pandémie, j’ai appris le crochet et j’ai vraiment trippé. Ensuite, j’ai appris à ma coloc à le faire et next thing you know on sortait une collection de vêtements et on n’avait rien compris», me raconte-t-elle.
Elle passe elle aussi pas mal tout son temps libre sur son entreprise, entre l’école et le travail. «C’est vraiment bien parce que je peux tricoter pendant que je fais mes cours en ligne ou pendant que je parle à des amis sur FaceTime.» Passer du temps sur sa business est donc un moment plaisant et même zen dans son quotidien. «Pour l’instant, c’est la chose qui me procure le plus de plaisir.»
Adapter son modèle d’affaires… ou sa vie
Au début de la pandémie, on avait tous pas mal plus de temps. Mais pour la plupart d’entre nous, la vie a (quand même un peu) repris son cours depuis. Si bien que, pour certains nouveaux entrepreneurs, le modèle d’affaires ne tenait plus la route.
C’est le cas d’Essia qui a lancé au printemps l’entreprise de poterie Monokiini. «Quand j’ai commencé ça en confinement, j’étais chez mes parents, le repas était prêt, donc j’avais beaucoup plus de temps pour créer. Maintenant avec l’école et le retour à la normale, je dois avouer que ça a pris un peu le bord, même si j’ai plein de projets», m’explique-t-elle.
Au tout début, Monokiini servait un peu à écouler les trop nombreuses créations qu’elle faisait durant ses temps libres. Mais l’engouement pour ses cache-pots d’argile en forme de seins était tellement grand, qu’elle y a vu une opportunité d’affaire. «Au début je prenais un peu les noms des gens et j’y allais en ordre. Mais il y avait vraiment trop de demandes. J’ai appris de cette erreur-là, je ne pense pas que je vais refaire des précommandes».
«Je n’aurais pas pu garder ma job avec mon modèle d’affaires parce que c’est moi qui m’occupe beaucoup du côté opérationnel. C’est très hands on.»
Elle se laisse donc jusqu’à décembre avant de reprendre la production. Le temps de se monter un vrai site web, d’améliorer la qualité de ses produits, mais surtout de revoir sa manière de procéder pour que ça soit plus cohérent avec son emploi du temps. «Je pense que le projet va continuer, mais plus sous forme de collections différentes avec des quantités limitées».
Gabriel, lui, a décidé de faire un peu le contraire. Lorsqu’il s’est mis à plancher sur son projet d’entreprise, il a vite compris que le modèle d’affaires qu’il voulait implanter demandait qu’il s’y implique à temps plein. Il a donc lâché sa job chez une compagnie de technologie américaine pour se consacrer à 100% à Dimanche Cool, une boutique de plantes en ligne qui livre dans la grande région de Montréal.
«Quand j’ai commencé là-dessus, ce n’était pas nécessairement le plan. Mais plus je travaillais, plus je trouvais que ça avait du sens et je me suis dit “let’s go, on y va”.» «Je n’aurais pas pu garder ma job avec mon modèle d’affaires par ce que c’est moi qui m’occupe beaucoup du côté opérationnel. C’est très hands on», me précise celui qui effectue chacune des livraisons de sa compagnie (en moins de 24 heures, en plus).
Utilisez vos contacts
Pour l’instant, Mamé n’est pas une entreprise rentable. C’est que la laine coûte cher. Les deux propriétaires cherchent donc une manière d’acheter de plus grosses quantités pour moins cher. «On génère de l’argent, mais ça ne rembourse pas encore ce qu’on a dépensé pour lancer la compagnie», m’explique Mélanie.
Elle se compte cependant chanceuse. Leurs vêtements font déjà beaucoup jaser et ont même été utilisés pour des vidéoclips. Tout ça, grâce à une belle visibilité générée par des photos, des vidéos et un site web, que les jeunes entrepreneures doivent à leur carnet de contact.
«On connaît vraiment beaucoup de monde dans le milieu, alors on a eu beaucoup d’aide d’amis vraiment talentueux». Mélanie conseille donc à ceux qui voudraient se partir en affaires d’utiliser toutes les ressources autour d’eux. «Si un de vos amis a par exemple un look particulier, il peut devenir un modèle pour vos photos. Si quelqu’un que vous connaissez est bon en site web ou a déjà eu une compagnie, vous pouvez lui demander des conseils, etc.»
Just do it!
Un dernier conseil? «Ne pas écouter ce que le monde dit», me lance Essia de Monokiini. «Je dirais d’écouter son gut et de juste le faire. Si je m’étais fiée à ce que ma famille et mes amis proches m’avaient dit, je n’aurais rien fait de tout ça. Il faut suivre se petite voix intérieure.»
«Faites-le tout de suite. N’attendez pas», me dit lui aussi le propriétaire de Dimanche Cool, Gabriel. Selon lui, la situation actuelle est un moment opportun pour de nombreuses nouvelles business. «La pandémie nous a tous fait réévaluer comment on vit. On est plus conscient de notre entourage. C’est avec cette mentalité-là que je me suis dit que le timing était bon. Les gens ont plus envie d’investir dans leur chez-soi, et les plantes c’est une belle façon de la faire».
«Si en plus vous pouvez le faire d’une façon qui minimise votre risque, en gardant une autre job pour payer votre loyer et tout le reste, faites-le.»
Gabriel, qui est aussi diplômé de HEC, conseille de commencer tranquillement, tout en conservant une autre manière de faire de l’argent. «Si en plus vous pouvez le faire d’une façon qui minimise votre risque, en gardant une autre job pour payer votre loyer et tout le reste, faites-le.»
Et si on décide de se lancer et de se consacrer à temps plein à sa nouvelle compagnie? «Mon conseil à tous ceux qui considèrent faire le saut à 100%, ça serait d’être bien informés sur les chiffres et de faire des projections. Il y a toujours une question d’argent. Est-ce que réalistement, je vais avoir assez de revenus dès mon lancement pour soutenir mes activités? Est-ce que sinon j’ai accès à du financement?»
«D’un autre côté, autant que vous pouvez essayer de prédire et de calculer, ça se pourrait que ça ne marche juste pas. C’est un des grands risques de l’entrepreneuriat», précise Gabriel. Mais à la question: «est-ce que c’est une bonne idée de se partir en affaire en ce moment?», nos quatre néo-entrepreneurs vous répondront: JUST DO IT!