.jpg)
Enfin de retour sur les bancs d’école
Compte-rendu de la rentrée scolaire la plus attendue de l’histoire
On se souviendra longtemps de la session d’automne 2021 comme celle de l’espoir, marquant le coup d’envoi du grand retour en présentiel sur les campus universitaires à travers le Québec.
Récupérer un semblant de vie étudiante normale pour la première fois depuis que le mot COVID fait partie de notre vocabulaire, au même titre que « Ouin, belle météo aujourd’hui ! » et « As-tu vu la Civic modifiée là-bas ? », ça fait du bien.
Fort de plusieurs années d’expérience dans le domaine de l’éducation, je me suis fait un malin plaisir d’immortaliser les grandes lignes de ces remarquables retrouvailles.
La rentrée, c’est quoi ?
La rentrée scolaire symbolise à mes yeux plusieurs choses : de l’excitation, de l’angoisse, ma fête, l’arrivée imminente de l’automne, un nouveau départ ou encore un point de repère concret pour mesurer mon cheminement personnel. Ça signifie également revoir des amis desquels on s’est ennuyé durant l’été parce qu’on était trop occupés, par exemple, à ramasser des excréments d’enfants dans un camp de jour (c’est un fait vécu).
Parfois, il suffit d’être beurré jusqu’au coude pour pouvoir pleinement réaliser la qualité du temps passé avec ses copains sur les bancs de classe.
Qui dit rentrée dit aussi côtoyer à nouveau des enseignants ou des camarades qui n’ont pas toujours le tour de nous rendre à l’aise. J’anticipe déjà, comme la plupart de mes collègues, ce moment fatidique où je devrai m’inventer une excuse afin de ne pas être coincé en équipe avec LA personne qui ne fait jamais rien, ou encore pour échapper à une discussion glissante sur le néo-maoïsme chinois avec un professeur dans un couloir.
La fierté
La rentrée, c’est aussi de la fierté. Je me rappelle encore mon premier jour d’école, en maternelle. On venait tout juste de m’acheter mon propre sac à dos, à l’intérieur duquel reposaient mon propre étui à crayons et mes propres souliers intérieurs (attention, il n’était pas question de salir les planchers de ma nouvelle classe).
À mon grand découragement, ma mère m’avait installé dans le portique de la maison en me faisant poser pour la caméra, de manière à ne jamais oublier ce moment. Mon faciès laissait clairement transparaître la hâte que j’avais d’en finir avec cette interminable séance photo, mais au fond de moi, j’étais si fier de pouvoir dire que moi aussi, j’avais maintenant une occupation à temps plein et surtout, que je n’aurais plus à traîner avec ces insignifiants bambins de la garderie.
L’énergie
La rentrée, c’est surtout chargé d’énergie potentielle. Un potentiel d’apprentissage, de développement de soi, de réussite et d’échecs, mais surtout, de rencontres infinies.
L’énergie sur un campus est tellement bouillante que si on l’embouteillait, on obtiendrait probablement quelque chose de plus puissant qu’une bombe atomique. Ajoutons à cela le fait qu’il s’agit du premier début des classes en présentiel depuis l’avènement de la pandémie. Considérant ce fait, nous aurions possiblement de quoi d’assez fort pour rayer le Québec de la carte.
Une chose demeure pourtant certaine : le corps étudiant est bel et bien revenu dans les écoles. Et croyez-moi, ce jour-là, la terre a tremblé.
Absences et orgelet
Si ma mère avait à commenter mes performances académiques à travers le temps, elle vous dirait probablement que son fils a toujours été assidu et travaillant. Un réel ange n’ayant jamais séché les cours pour aller fumer de l’herbe magique avec de «mauvaises influences».
Malgré cette fiche comportementale sans tache, ma première semaine d’école s’est soldée avec un bilan assez décevant : plusieurs absences ainsi qu’un orgelet à l’œil gauche. Si ma mère m’avait demandé de lui expliquer le tout, je lui aurais évidemment exposé le facteur contraignant majeur que sont les intégrations.
La loi du silence m’obligeant à m’arrêter ici, disons plutôt que ces quatre jours « d’activités enrichissantes et hautement édifiantes » m’ont demandé une fin de semaine complète pour me remettre sur pied.
Avec 16 rentrées scolaires à mon actif, je pouvais maintenant clamer haut et fort que j’étais un expert du début des classes.
Une fois revigoré par plusieurs heures de sommeil et quelques boissons énergisantes, je me sentais fin prêt à revenir à l’école. Un sentiment d’invincibilité m’habitait, comme si j’avais moi-même inventé le concept de l’éducation supérieure. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec 16 rentrées scolaires à mon actif, je pouvais maintenant clamer haut et fort que j’étais un expert du début des classes.
Dur réveil
Lundi matin, 8h30, première semaine post-intégrations. À moitié éveillé dans mon lit, le dilemme le plus poignant depuis le référendum de ‘95 m’a déchiré : avoir la décence d’aller à mon cours pour apprendre quelque chose ou faire preuve d’une lâcheté sans nom et rester tapis au fond de mes couvertures.
Après une courte consultation publique lors de laquelle le «oui, on se sépare» l’a emporté, j’ai rassemblé toutes mes forces et suis parti vers mon université préférée (l’UQAM, pour ne pas la nommer), faisant du même coup honneur à toutes ces personnes qui se sont battues à travers le temps afin de rendre mon accès à l’université beaucoup plus abordable qu’ailleurs dans le monde.
Rénovations et révolutions
Une fois devant le pavillon Judith-Jasmin, mieux connu sous le nom du « pavillon des vieilles briques brunes », je me suis réellement senti sur un chantier de construction. Des clôtures en métal, des cônes oranges et des camions jonchaient les rues ça et là, la scène agrémentée au loin par le doux chant des marteaux-piqueurs.
Décidément, l’UQAM semble être en rénovation depuis toujours, et ce, au plus grand déplaisir de tous. Je me suis consolé en me disant qu’au moins, cette situation pouvait peut-être décourager quelques étudiants téméraires de partir en grève uqamienne. Je suis convaincu que scander des slogans à deux pas de scies sauteuses et d’appareils de soudure peut calmer les ardeurs de bon nombre de piqueteurs (même les plus aguerris d’entre eux).
La fourmilière
Arrivé devant les portes d’entrée, j’ai tenté d’échapper à un homme qui distribuait des pamphlets publicitaires, mais pour une raison qui m’échappe toujours, je me suis retrouvé quelques minutes plus tard au centre de l’agora avec une brochure, un crayon et un nouveau forfait cellulaire.
Sur place, l’effervescence du campus m’a happé, comme si l’université avait repris vie. Moi qui étais venu quelques fois l’an passé déambuler dans les grands espaces vides et silencieux, pouvant par le fait même presque entendre les plantes pousser, j’ai eu de la difficulté à me frayer un chemin vers les ascenseurs.
Partout, des gens parlaient, riaient ou cherchaient leurs cours. Certains se retrouvaient, attroupés en groupes réduits alors que d’autres flânaient, seuls. Le constat se faisait de lui-même : tout autour de moi, il y avait un monde heureux d’être là.
Les séismes
Face à ce brouhaha, j’ai perdu l’équilibre. Et si j’étais rouillé ? Et si la COVID m’avait fait oublier ce qu’était réellement l’école ? J’ai eu peur de ne pas pouvoir suivre le rythme de ce retour à la « normale ». Être entouré de centaines d’inconnu.e.s, prévoir mes déplacements pour aller à mes cours, devoir m’habiller le matin : ça ressemblait désormais à tout sauf à quelque chose de normal pour moi.
J’ai pris une grande respiration en me demandant pourquoi j’étais encore à l’école, malgré vents et tempêtes. Je me suis alors revu, posant dans l’entrée de ma maison de banlieue gatinoise du haut de mes quatre ans, il y a de cela plusieurs années. Un jeune bonhomme devant sa mère, la boule au ventre, à la fois fier et terrifié de faire un saut dans le vide pour la première fois. J’ai compris que c’était ce même petit garçon, par son désir de me voir fleurir un peu plus fort, qui me donnait la motivation de passer au travers de mes sessions. Ça m’a rassuré.
Être entouré de centaines d’inconnu.e.s, prévoir mes déplacements pour aller à mes cours, devoir m’habiller le matin : ça ressemblait désormais à tout sauf à quelque chose de normal pour moi.
Colmater le trou béant qu’aura laissé la pandémie dans notre éducation prendra du temps. L’ajustement sera peut-être difficile, mais il sera nécessaire, car nous sommes intrinsèquement faits pour avancer ensemble, côte à côte, coude à coude. Parce que pour qu’une université puisse vivre, elle doit battre au même rythme que les cœurs des gens qui la côtoient. Et croyez-moi, tant et aussi longtemps que nous nous rassemblerons collectivement sur les bancs d’école, nous trouverons encore et encore, à chaque fin d’été, l’énergie de faire trembler la terre.
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!