La définition du bonheur est somme toute subjective pour des êtres complexes comme nous les humains. Pour les chiens, on peut penser qu’il en est autrement. Donnez-leur l’opportunité de courir à toutes pattes dehors dans les herbes hautes et vous remarquerez assurément la joie sur leurs bouilles baveuses. Sur les sentiers, il suffit de les regarder découvrir les nouvelles odeurs qui arrivent à leur museau pour trouver que leur vie est pas mal plus simple que la nôtre.
Malgré tout, ces gentils toutous sont loin d’être les bienvenus dans tous les endroits extérieurs.
On a voulu faire un petit état de la situation dans la province à l’heure où adopter un pitou est plus trendy que jamais et où le plein air a la cote.
Les chiens et les milieux naturels: une relation qui tire de la patte
Quand on jette un coup d’oeil aux multiples règlements qui encadrent leur présence, on a parfois l’impression que c’est plus compliqué d’être accompagné d’un pitou dans un parc gouvernemental (fédéral ou provincial) que d’accepter un adolescent de 16 ans dans un bar de Jonquière.
«Rien ne nous avait montré que ce n’était pas une bonne idée d’accueillir les chiens pour l’environnement, parce qu’on ne l’avait tout simplement pas testé jusqu’à ce moment-là.»
Sur le site de Parcs Canada, la règle est claire: les chiens sont permis dans la plupart des sites, mais doivent être tenus en laisse en tout temps. On peut y lire que «les chiens, tout comme les loups et les coyotes, sont une source de stress pour la faune, car ils peuvent être perçus comme une menace». L’instance fédérale affirme également que «des études montrent que les chiens en liberté sont l’une des principales causes des attaques faites par des animaux sauvages».
En gros, laisser Rex sans laisse sur les sentiers du parc national de Forillon pourrait donc non seulement traumatiser une famille d’orignaux, mais aussi vous coûter une amende salée pouvant aller jusqu’à 25 000$… Outch!
Moins accessible aux chiens, en 2016 la SÉPAQ a mis sur pied les premiers projets pilotes afin de permettre aux gens d’amener leur ami poilu dans certains de ses parcs. L’objectif était de «vérifier le niveau de risque que comporte l’admission de chiens» pour la faune et la flore.
«Avant, on y allait avec le principe de précaution. Rien ne nous avait montré que ce n’était pas une bonne idée d’accueillir les chiens pour l’environnement, parce qu’on ne l’avait tout simplement pas testé jusqu’à ce moment-là», explique Simon Boivin, responsable des communications à la SÉPAQ.
À la lumière des résultats majoritairement positifs du projet, la SÉPAQ a pris la décision de permettre la présence de toutous dans la majorité de ses parcs en 2019. Évidemment, plusieurs conditions doivent être respectées si on veut tenter l’expérience, comme tenir en laisse son compagnon, s’assurer qu’il ne jappe pas trop, ramasser ses besoins et rester dans les secteurs où ils sont autorisés.
Il y a également un aspect humain non négligeable qui explique pourquoi ils ne sont pas nécessairement les bienvenus partout.
Outre les enjeux avec la faune que peut engendrer la présence de canidés sur des sentiers, il y a également un aspect humain non négligeable qui explique pourquoi ils ne sont pas nécessairement les bienvenus partout. «Il y a des gens, pour des raisons qui leur appartiennent, qui n’aiment pas croiser de chiens sur les sentiers. C’est pourquoi on les accepte à plusieurs endroits, mais pas dans tous les sites et tous les sentiers. Même chose pour les campings», explique Simon Boivin.
Et qu’en est-il des parcs régionaux? Certains, comme ceux de la Matawinie, acceptent les bibittes à quatre pattes depuis toujours.
«Au départ, nos parcs sont installés sur des terres publiques. Ils étaient entretenus par des bénévoles, qui tenaient à bout de bras le projet. Ces personnes avaient l’habitude de se rendre sur les sentiers avec leurs chiens. Ça aurait été difficile de les interdire à l’inauguration», raconte David Lapointe, le directeur général de la société des parcs de la Matawinie, qui estime qu’un visiteur sur trois vient accompagné d’un chien.
Il soutient d’ailleurs que la gestion des pitous n’engendre pas tellement plus de gestion ou de frais supplémentaires. «On a des patrouilleurs qui font respecter la réglementation en général, et les règles concernant les chiens font seulement partie de l’ensemble de la chose», explique M. Lapointe.
Encore du chemin à faire pour pitou
Si elle se réjouit que les choses commencent à bouger concernant l’acceptation des chiens dans les lieux naturels, la journaliste Pascale Lévesque, propriétaire de Scarlett et Céleste, deux cotons de Tuléar, affirme qu’il y a encore du chemin à faire, notamment en ce qui a trait à la SÉPAQ. «C’est super qu’ils aient ouvert davantage leurs parcs aux chiens, mais ça reste qu’on est très limité en tant que propriétaire de chien dans le choix de sentiers, qui sont souvent de courte distance, et il y a plusieurs incohérences dans les règlements», relève Pascale. Elle donne en exemple le fait que certains campings permettent la présence de chiens attachés, mais les sentiers qui bordent le camping eux, leur sont interdits.
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«On se rend souvent compte que c’est plus pour accommoder certains usagers qu’autre chose qu’on prend ces décisions-là»
La maman de Scarlett et Céleste croit par ailleurs que les arguments employés pour interdire ou contrôler la présence de chiens dans les milieux naturels concernant la faune et la flore servent souvent d’excuses à un autre motif. «En fait, on se rend souvent compte que c’est plus pour accommoder certains usagers qu’autre chose qu’on prend ces décisions-là. Il y a toujours des propriétaires irrespectueux qui laissent leur chien en liberté et ça peut faire peur aux gens, qui vont porter plainte par la suite. Les parcs et divers organismes vont donc parfois resserrer la vis sur les règlements pour s’éviter ce genre de situation à nouveau», croit Pascale.
La journaliste raconte avoir souvent opté pour l’Ontario dans ses destinations de plein air, puisque les chiens sont acceptés dans tous les parcs et les campings et dans une majorité de sentiers de la province. «Aux États-Unis, les chiens sont acceptés dans pratiquement tous les parcs nationaux et même sur les plages, chose qu’on ne voit presque pas ici», ajoute Pascale, qui conseille le guide Escapades pour chien et autres idées de sorties, une véritable «bible» pour les propriétaires de pitous.
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Dans un futur rapproché, Pascale aimerait entre autres voir un plus grand choix de sentiers accessibles aux chiens et des règles plus claires et cohérentes quant à leur présence dans des milieux naturels. «On est sur la bonne voie, les choses s’améliorent. Il faut continuer de travailler ensemble pour que tout se passe harmonieusement pour tout le monde».
Parce que même si un chien ça bave et ça jappe parfois, c’est une boule inépuisable de bonheur qui accroche un sourire au visage à (presque) tout le monde.