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Emmenez-vous vos enfants à l’urgence pour rien ?

Faire la différence entre les gros et les petits bobos.

Par
Marie-Ève Martel
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Pour un parent, il n’y a rien de plus déchirant que de voir son ti-pou malade et ne rien pouvoir y faire. Fièvre, toux, problèmes respiratoires : quand est-ce que ça vaut vraiment la peine d’aller à l’urgence?

C’est la question que se pose constamment Charlotte, mère d’un petit garçon de presque trois ans. « J’ai toujours peur de ne pas prendre la bonne décision et je ne sais jamais si c’est urgent ou pas. Surtout avec nos urgences qui débordent », confie-t-elle.

La jeune maman le reconnaît, elle a peur de faire partie des parents qui vont à l’urgence pour des broutilles. « Chaque fois que je suis allée à l’urgence avec mon fils, j’ai eu l’impression que j’y allais pour rien, même si on ne m’a jamais fait sentir comme ça », nuance celle qui, lorsque c’est possible, se tourne plutôt vers son médecin de famille.

Les urgences pédiatriques débordent

Selon des statistiques communiquées par le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine et l’Hôpital pour Enfants de Montréal, pour tout le mois d’octobre, le taux d’occupation de leurs urgences a été de 120 %.

Au cours du mois, 40 % des patients s’étant présentés à l’urgence de Sainte-Justine présentaient des problèmes de santé jugés mineurs.

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Une tendance qui était encore observée dans la deuxième moitié de novembre, alors que le taux d’occupation des urgences pédiatriques a atteint un sommet à 142 %, cette fois avec 45 % de cas mineurs.

« C’est sûr qu’on est rendus dans la saison des virus respiratoires. On s’attend donc à une augmentation de l’achalandage à l’urgence », confirme le Dr Hugo Paquin, pédiatre urgentologue à Sainte-Justine.

Cela dit, ce ne sont pas tous les maux, comme un simple rhume ou une gastroentérite, qui méritent une visite à l’urgence, rappelle-t-il.

« Plus il y a un volume important de patients à l’hôpital, plus ça engorge le système en plus de diminuer les ressources disponibles pour les patients très malades, avec des répercussions importantes pour tout le monde », souligne le Dr Paquin.

Quand consulter alors?

Évidemment, si l’enfant subit une fracture, une lacération nécessitant des points de suture, se cogne la tête et subit une commotion cérébrale ou une brûlure importante, le réflexe de l’amener à l’urgence est le bon.

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Mais, selon le Dr Paquin, dans le cas des maladies, il est inutile de se présenter à l’hôpital à l’apparition des premiers symptômes. Il vaut mieux attendre et demeurer à l’affût.

« La présence de fièvre chez l’enfant ne veut pas nécessairement dire que l’enfant est sévèrement malade », illustre le pédiatre, ajoutant que la fièvre est un moyen de défense du corps humain pour combattre un virus ou une infection.

Si l’enfant est un poupon âgé de moins de trois mois, il faut toutefois aller immédiatement à l’hôpital dès que sa température rectale est supérieure à 38 degrés Celsius.

Pour les enfants plus âgés, il est préférable de les garder à la maison sous observation. C’est lorsque la fièvre persiste pendant plus de 72 heures, malgré la prise d’acétaminophène ou d’ibuprofène, qu’il faut se présenter à l’urgence.

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« C’est à ce moment-là qu’on fait des tests et qu’on risque de trouver une infection qui nécessitera un traitement », précise le Dr Paquin.

La détresse respiratoire, c’est-à-dire un essoufflement prononcé ou une respiration rapide avec ou sans sifflement est aussi un symptôme à prendre au sérieux, tout comme la difficulté pour l’enfant à se réhydrater.

« On s’attend à ce que les enfants malades soient un peu déshydratés, mais s’ils n’arrivent pas à reprendre 50 % de ce qu’ils prennent normalement, ça peut être inquiétant », souligne le Dr Paquin.

Concernant les vomissements et la diarrhée, si l’enfant tolère le Pedialyte et d’autres boissons hydratantes, il n’y a pas lieu de s’en faire.

Rester à l’affût

L’urgentologue pédiatrique recommande aux parents de garder leur enfant à vue pour observer l’évolution de son état.

Si celui-ci empire, que l’enfant est somnolent ou qu’il se plaint de fortes douleurs abdominales, à la tête ou au cou, c’est signe qu’il est temps de requérir des soins.

« L’urgence, même si c’est le seul endroit ouvert 24 heures sur 24, sept jours par semaine, n’est pas le seul endroit à visiter », rappelle toutefois le Dr Paquin.

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Si votre enfant a un pédiatre, un médecin de famille ou une infirmière praticienne spécialisée, il vaut parfois mieux tenter sa chance auprès de ces professionnels avant de se pointer dans la salle d’attente.

« La ligne Info-Santé 811 reste aussi une bonne ressource pour obtenir des conseils et pour parfois trouver des alternatives, comme obtenir une place dans une clinique sans rendez-vous », indique le médecin.

Par contre, si vous composez le numéro à trois chiffres, assurez-vous d’avoir du temps devant vous. En date du 5 décembre, le temps d’attente moyen avant de parler à une infirmière était de 1h15.

Mieux vaut prévenir que guérir

Avec l’accès instantané à d’innombrables renseignements médicaux sur Internet, il est aussi facile d’être rassuré et de trouver les réponses à ses questions que de se créer encore plus d’inquiétudes.

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Avec un grain de sel, le Dr Paquin rappelle que les professionnels de la santé ont un rôle d’éducation à jouer auprès de la population.

« On doit rassurer les parents et les guider pour savoir quand et où consulter, réitère-t-il. C’est possible que ce soit l’infirmière au triage qui le fasse, et que le parent souhaite tout de même voir un médecin par la suite si c’est nécessaire. »

« C’est quand même important que les parents nous mentionnent ce qu’ils ont consulté sur Internet pour qu’on puisse voir avec eux si ça fait du sens ou s’ils s’inquiètent pour rien, dit-il. Il faut avoir un certain recul par rapport à tout ça. »

Dans tous les cas, réitère le pédiatre, vous ne serez jamais jugé pour avoir préféré ne prendre aucun risque quant à la santé de votre enfant.

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« On comprend les aléas du système de santé et on comprend aussi les inquiétudes des parents, relativise le pédiatre. Jamais, il ne faut qu’un parent se sente coupable d’être venu à l’urgence avec son enfant. »

En conclusion, il est mieux de visiter l’urgence pour se faire dire que votre enfant ne mourra pas que de rester chez vous à vous rendre vous-même malade d’inquiétude.