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Écoles fermées pendant l’éclipse : exagération ou prudence légitime?

Est-ce qu’on passe à côté d’une occasion en or?

Par
Aurélia Crémoux
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Alors qu’au Québec une éclipse solaire totale aura lieu dans l’après-midi du 8 avril prochain, la communauté éducative du Québec s’est posé la question : laisser ou ne pas laisser ouvertes les écoles primaires? Même si le ministère de l’Éducation a recommandé de maintenir les écoles ouvertes, le choix, laissé entre les mains des centres de services scolaires (CSS) n’a pas été simple.

Résultat : certaines écoles, comme celles du CSS de Montréal, seront fermées. Celles-ci ont justifié ce choix en disant ne pas pouvoir garantir la sécurité des élèves à la fin des classes, notamment au moment du transport scolaire. D’autres, comme celles du CSS de l’Énergie, saisiront cependant cette opportunité pour en faire une expérience pédagogique unique.

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La décision de maintenir ouvertes les écoles du CSS de l’Énergie a été annoncée le matin du 20 mars dernier, précise Mme Germain-Bergeron, directrice adjointe aux communications.

« Les directions d’établissements nous ont félicités, raconte-t-elle. Pour eux, c’est l’occasion de faire vivre une expérience unique à leurs élèves, quel que soit leur milieu. Chez eux, ils n’auraient peut-être pas eu cette chance. »

Le CSS a même mis en place, à l’aide de conseillers pédagogiques spécialisés en sciences, un site web à destination des élèves et de leurs professeurs.

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Le transport en autobus en fin de journée a toutefois été annulé. Le CSS a demandé aux parents de venir chercher eux-mêmes leurs enfants, puisque l’éclipse se produira vers l’heure de sortie de l’école.

Des réactions exagérées?

Robert Lamontagne, astrophysicien et chargé de cours à l’Université de Montréal, déplore « un certain alarmisme » alors que les risques sont connus depuis des décennies et que les associations de sciences, les écoles et les bibliothèques s’y préparent depuis des années, notamment en ayant commandé des centaines de milliers de paires de lunettes.

« Ça me rappelle les mythes et légendes entourant les éclipses que racontaient nos ancêtres, il y a des millénaires, mais avec un vernis un peu plus scientifique », confie-t-il.

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Regarder le Soleil directement est dangereux en tout temps. Lors d’une éclipse, qui se produit lorsque la Lune passe entre la Terre et le Soleil et projette son ombre sur la Terre, le principal danger est que le fait de regarder le Soleil devient moins gênant qu’à l’ordinaire. « Au fur et à mesure que l’éclipse va avancer, le Soleil va devenir moins aveuglant et on va tenter d’être plus curieux, explique-t-il. C’est l’exposition prolongée au-delà de 10 secondes qui est risquée. » La rétine n’étant pas sensible à la douleur, la personne exposée ne va pas avoir le réflexe de se protéger.

« Ce n’est pas comme mettre la main sur le rond de la cuisinière électrique. »

C’est pour cette raison que les écoles redoublent de prudence : parce que les enfants, tout comme les adultes, n’arrivent pas toujours à respecter cette consigne, et que gérer 20 enfants la tête en l’air, ça peut être compliqué pour les profs.

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Créer des souvenirs

Pour M. Lamontagne, il est dommage de ne pas faire vivre « adéquatement » cette expérience aux jeunes élèves, qui ne se reproduira pas avant 2106. « C’est l’événement d’une vie. Peu de gens ont l’occasion de voir une éclipse totale, assure-t-il. Ça peut être une expérience transformatrice où la connexion avec le cosmos peut devenir évidente. »

En février 1979 a eu lieu une éclipse partielle, dans l’est du Québec. À l’époque, de la documentation faisant écho aux recommandations de l’Institut canadien des aveugles avait été distribuée. Certaines écoles étaient restées ouvertes, dont plusieurs avaient retenu les enfants au moment de l’éclipse, qui se passait sur l’heure du dîner, alors que d’autres avaient fermé leurs portes dès 10h30.

Catherine se souvient précisément de cet événement. Elle avait sept ans et rentrait seule de l’école à pied pour aller dîner chez elle.

« Je me souviens de cette lumière incroyable et de m’être sentie bien wild, car comme on nous avait dit de ne pas la fixer, alors j’alternais d’œil pour la regarder », se remémore-t-elle en riant.

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Mathieu-Robert était aussi un élève du primaire lors de l’éclipse de juillet 1972. Dans son souvenir, la panique autour des lunettes était la même qu’aujourd’hui. Même si l’éclipse a eu lieu pendant les vacances, il se souvient que les enseignant.e.s leur avaient expliqué les risques pour la rétine et les avaient préparés à regarder l’éclipse alors qu’ils étaient encore en classe.

« J’avais conçu la “projection par trou d’épingle” dans une boîte à chaussures. L’ombre de la Lune montrait effectivement une projection incomplète du Soleil, mais c’était tout petit, genre 3 mm au fond de la boîte », se souvient-il. Il avoue d’ailleurs avoir trouvé l’image dans la boîte assez décevante, en dépit du temps qu’il avait passé à travailler dessus. Dommage.

Pour ce qui est de lundi prochain, Robert Lamontagne conseille à petit.e.s et grand.e.s de profiter de l’expérience à la maison ou dans des lieux où sont organisés des événements, comme au parc Jean-Drapeau. Il recommande toutefois de respecter des consignes de sécurité.

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