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Elle est de celles et ceux qui font discrètement rouler la machine universitaire. Une employée de l’ombre qui, par sa douceur et son dévouement, est pourtant devenue une figure maternelle pour une génération d’étudiants et d’étudiantes en communication. Christine Sarrazin rend un dernier hommage à ce poste qui l’a bercé pendant une décennie.
Midi. UQAM. Dans l’antre du pavillon Judith-Jasmin. Le Centre de documentation est assiégé par une cohorte de jeunes en tuques roulés. Ça parle fort, ça mange, ça enregistre des podcasts. Au centre de la cohue, Christine Sarrazin se sent chez elle. Technicienne en documentation à l’École des médias de l’UQAM, Christine est à la barre du quartier général des étudiants et étudiantes en communication depuis une décennie. Or, cette année, elle est forcée de quitter le navire.
« La pandémie a provoqué une grosse restructuration à l’École des médias », explique Christine. Manque de locaux, besoin en personnel, les raisons derrière le réaménagement sont encore floues. Une chose est certaine, la fermeture du Centre de documentation (et par extension, la permutation de Christine au Service des bibliothèques) est un deuil pour tous ceux et celles qui l’ont fréquenté.
« Le Centre de doc, c’est souvent le premier endroit où les étudiants et étudiantes en communication se rendent lors de leur premier midi à l’UQAM. C’est un refuge pour beaucoup », se souvient Mòrag, diplômée en journalisme, qui a travaillé deux sessions aux côtés de Christine. Même observation du côté de Jean-Christophe, qui vient de compléter son baccalauréat en télévision. « C’est un endroit qui apportait de la couleur au pavillon Judith-Jasmin, qui était autrement très sombre et gris. »
La petite histoire du Centre de doc
En 1975, l’École des médias de l’UQAM inaugure son Centre de documentation, qui devient le point de référence pour les étudiants et étudiantes en quête de livres, CD, mémoires de maîtrise, périodiques et même vinyles. Fraîchement diplômée d’un certificat en Gestion et Archives, Christine se fraye alors tranquillement un chemin dans les rouages uqamiens, s’arrêtant tantôt au Service des archives, tantôt au Service des bibliothèques, pour finalement atterrir au Centre de documentation en 2010.
« Au début, mes tâches étaient de m’occuper des documents, de faire le catalogage, la classification et les emprunts », énumère Christine. Le Centre de documentation n’avait alors rien du siège rassembleur qu’il était jusqu’à tout récemment : des étalages de monographies couraient le long des murs, quelques tables vacantes siégeaient ici et là, le temps comme fixé en apesanteur.
En 2012, un réaménagement commandé par la faculté des communications transforme le local en espace de réunions et d’événements. Les tablettes de livres et montagnes d’archives ont fait place à une grande aire ouverte qui, conjugué à la chaleur de Christine (et son éternel pot de bonbons), est devenue le repaire idéal pour les futurs cinéastes, journalistes et autres apprentis de la communication.
La maman des comms
Depuis 2012, l’identité du Centre se calque sur les cohortes qui le fréquentent, sur les amitiés qui y naissent et les projets qui s’y concrétisent, mais, avant tout, sur Christine. « C’est la maman des comms, tout simplement, se remémore Mòrag. Elle écoutait avec passion toutes les histoires qui lui étaient racontées, elle prenait le temps d’aider les étudiants en détresse. Quand Christine était au Centre de doc, les étudiants et les étudiantes se sentaient rassuré.es. »
D’ailleurs, ceux-ci ne manquaient pas d’occasion pour célébrer leur mère adoptive. De projets académiques à des chants chevaleresques, tous les moyens étaient bons pour remercier la technicienne. « Dans une édition des Frostcomms [une sorte d’initiation version hivernale], une équipe s’était nommée les Chevaliers du Centre de Doc. J’ai encore le drapeau de l’équipe chez moi! C’était vraiment marquant », raconte avec sourire Christine.
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Lui-même ex-membre de cette chevalerie, Jean-Christophe peine à s’imaginer la douleur de celle qui a dû fermer les portes du Centre pour une dernière fois. « Le contact avec les étudiants, c’était ça, sa job. L’UQAM ne savait pas à quel point elle était un élément important [de notre faculté] ». Interrogée sur la question, la principale intéressée donne dans la sagesse, non sans une certaine émotion dans la voix. « La vie apporte des changements et il faut savoir s’adapter », conclut-elle.
Mais voilà, il y a de ces chamboulements qui rendent un peu plus triste que d’autres.