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Des ziplocks dans l’océan : le zéro déchet, sur terre et sur mer, selon la navigatrice Mylène Paquette
Même si Mylène Paquette a terminé sa traversée de l’Atlantique il y a presque 5 ans, son exploit fait encore écho à travers le continent, encourageant tant les jeunes que et les moins jeunes à faire preuve de dépassement.
Pour ceux dont la mémoire doit être rafraîchie, Mylène Paquette fut la première femme en Amérique du Nord à traverser l’Atlantique à la rame d’ouest en est en solitaire. Auparavant préposée aux bénéficiaires à l’hôpital Sainte-Justine, la Québécoise est partie de Halifax en juillet 2013 pour arriver 129 jours plus tard à Lorient, en France, après avoir passé 5000 kilomètres à composer avec les caprices de l’océan. Depuis son retour, Mylène partage son expérience unique par le biais de conférences et de collaborations, en plus de sensibiliser la population sur les déchets de plastique en milieux marins. Associée publiquement à plusieurs causes et fondations, on nous chuchote à l’oreille qu’elle sera aussi la porte-parole du Festival Zéro Déchet de Montréal les 3 et 4 novembre prochains! Pour mieux comprendre la vision du mode de vie zéro déchet d’une personne ayant vécu sur l’eau pendant 129 jours, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Mylène Paquette, femme débordante de lumière, de lucidité et d’humilité.
Mylène, quand on s’informe sur ce qui vous a menée vers votre aventure en mer, la question du dépassement de soi revient souvent. Mais est-ce que la sauvegarde des milieux marins y était aussi pour quelque chose?
Oui, mais ça m’a principalement frappé pendant ma préparation en 2010, alors que je naviguais du Maroc à la Barbade. C’est vraiment là où j’ai été mise en contact avec le problème des déchets dans l’océan. J’en avais vu énormément, en plus de plusieurs taches d’huile de pétrole en arrivant près de la terre ferme. Donc oui, je faisais d’abord cette aventure pour me dépasser, mais c’est avec cette expérience que je suis allée chercher ma motivation. Puisque j’avais la chance d’être en santé pour parcourir ainsi l’océan, je me suis dit que j’avais aussi la responsabilité d’être sa porte-parole, si on veut.
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Et pendant votre traversée de l’Atlantique en 2013, vous avez aussi vu beaucoup de déchets?
Pour tout vous dire, j’ai vu autant de déchets que de mammifères marins. Il y avait des déchets de toutes sortes, mais si vous saviez la quantité de ziplocks que j’ai vu…! Pourtant, j’avais traversé l’année précédente cet océan en voilier avec un équipage, mais sans vraiment en voir, parce que quand tu es sur un voilier, tu es trop haut sur l’eau pour voir les déchets, et ça va très vite. Mais c’est complètement différent quand tu rames, parce que le bateau est au même niveau que l’eau, et donc tu ramasses les déchets…à même la rame. Le matin sur mon cockpit, je pouvais voir 3 poissons qui y étaient arrivés par mégarde dans une vague, plus un ziplock.
Quelle vision d’épouvante! Et des poissons, est-ce que vous en pêchiez des fois pendant la traversée?
Non, en fait j’ai beaucoup de difficulté à tuer un animal (Mylène est végétalienne), mais aussi à concevoir que j’irais pêcher un poisson qui est dans la mer, qui vit sa belle vie de poisson, pendant que moi j’ai plein de bouffe à l’intérieur de mon bateau. Surtout que quand ça fait 48h qu’un couple de dorades te suivent, évidemment que tu ne veux pas les tuer!
Votre nourriture comportait donc beaucoup de barres tendres, de noix, de repas séchés « prêts à manger » , bref des aliments qui doivent être emballés…comment avez-vous réussi à gérer vos déchets pendant 129 jours?
J’ai gardé tous mes déchets! Au début, j’étais censée avoir des sachets de nourriture avec du plastique très épais et étanche, mais puisque ce genre de plastique ne se dégrade jamais, je préférais des sacs en plastique recyclable, que j’allais pouvoir nettoyer et mettre dans un sac en attendant de les recycler une fois sur la terre ferme. Mais j’étais bien naïve, car même en les nettoyant ça restait toujours humide, surtout que l’eau de mer comporte tellement de choses vivantes… alors ça puait tellement! Alors je « sortais les poubelles » dans un compartiment caché loin de mon nez, en dessous du radeau de survie.
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En effet, j’imagine que jeter vos déchets dans l’eau n’était pas une option!
Évidemment! Mais pendant ma traversée, j’ai échappé une fois un sac de noix. Ça m’a hanté pendant des nuits! J’avais tellement peur qu’une baleine le mange… On s’en rend pas compte, mais chaque déchet peut causer préjudice à un animal.
C’est donc difficile de faire une telle traversée zéro déchet…
En effet, et j’aimerais beaucoup faire un tel voyage, mais les pots Mason c’est tellement lourd! Un jour, quelqu’un va inventer un matériau léger réutilisable où on pourra y mettre de la bouffe « prête à manger » sans problème!
*L’idée est lancée dans l’univers! *
Aujourd’hui, comment faites-vous pour vous approcher le plus possible d’un mode de vie zéro déchet?
J’achète le plus possible en vrac, ou avec une coopérative d’achat qui s’appelle NousRire , qui offre de la nourriture en vrac sur commande. Par contre pour les vêtements de sport, c’est plus difficile. Plusieurs sont faits de matériaux avec des PFC, des gaz fluorés vraiment dommageables pour la couche d’ozone! Mais c’est tellement difficile de trouver d’autres matériaux qui respirent et sèchent aussi rapidement que ceux-là. Alors si j’en ai vraiment besoin, j’essaie d’acheter seconde main. Sinon, j’ai depuis 2012 mes propres mouchoirs Cholet (une marque vintage) que j’ai trouvé dans un marché aux puces en France! Au début, les gens ne comprenaient pas pourquoi je me mouchais avec ça… et tranquillement je me suis dégênée…et je pense que maintenant ça devient de plus en plus « in »! [Elle m’a effectivement montré ses mouchoirs et ils sont aussi doux que jolis et ils semblent tous inutilisés tellement ils sont bien entretenus.]
D’autant plus que les 3 et 4 novembre prochain, vous serez la porte-parole du Festival Zéro Déchet de Montréal.
Oui! Et j’en suis bien heureuse. L’an passé j’étais déjà présente, mais pas comme porte-parole. Je faisais en fait partie d’un panel de personnalités qui venaient sensibiliser sur le zéro déchet, particulièrement sur le gaspillage alimentaire, et c’était Daniel Vézina le porte-parole. Cette année, le mot d’ordre porte davantage sur les déchets plastiques, donc ça me rejoint beaucoup!
En plus des exposants de produits zéro déchet, qu’est-ce qu’on va pouvoir retrouver au festival?
J’ai monté un panel avec des gens qui m’inspirent beaucoup! Ça s’appellera « Le plastique, bon débarras! »! Ça aura lieu le samedi 3 novembre de 13h30 à 14h30. Il y aura Lyne Morissette de la Mission 100 tonnes , Eva Franc qui a initié le plogging, et Plastic Attack, ainsi que Alexis Eisenberg, fondateur de Poly-Mer, un super projet vraiment génial dont je suis aussi marraine.
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Quelle est la meilleure attitude à adopter face aux changements selon vous?
Tous les gestes comptent! On a beau me dire que ça ne change rien que je me promène avec mes pots réutilisables, mon vélo et mon linge usagé, moi je trouve que plus les gens sont engagés à vouloir faire une différence, plus ils sont dans une posture positive, une posture d’action! Et moins ils seront gênés d’arriver à l’épicerie avec des pots Mason, par exemple.
J’ai écouté Médium Large la semaine dernière, et Boucar Diouf y racontait une fable que j’ai trouvé trop belle. Ça se passe dans une jungle qui est en train de passer au feu, et alors que tous les animaux se sauvent, le colibri lui décide d’aller chercher de l’eau et d’éteindre le brasier, une goutte d’eau à la fois. Le singe sceptique lui demande à quoi ces efforts serviront, et l’oiseau de répondre « Je ne sais pas, mais je fais mon devoir». Et j’ai trouvé que ça représentait à merveille que chaque geste compte pour la préservation de l’environnement!
Pour vous, où résident les grandes solutions pour limiter la quantité de déchets, autant sur terre que dans l’eau?
On en met beaucoup sur les épaules du citoyen, mais ce n’est pas tout le monde qui a la capacité et le temps de s’intéresser à ces enjeux-là. Il faut que les industries soient responsables de leurs objets et de leurs propres déchets. Un jour, il va falloir que ceux qui prennent le pouvoir mettent des lois là dessus! Le journaliste et ex-ministre d’État Nicolas Hulot a déjà dit: « Tu ne devrais pas pouvoir être le propriétaire d’un objet, tu devrais plutôt en être le locataire, et tu devrais en être responsable ».
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