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Des truffières québécoises qui poussent comme des champignons

La province deviendra-t-elle un incontournable de la truffe un jour? 

Par
Marjolaine David
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Avec l’arrivée du printemps, la copropriétaire de la truffière Les Rabassaires à Saint-Léonard-d’Aston Maude Lemire-Comeau et son équipe se préparent à planter des arbres. Et pas n’importe quels arbres! Noisetiers, chênes, pins, caryers… Bien qu’on retrouve des noix dans leurs branches, c’est ce qui se cache sur leurs racines qui nous met en appétit.

En effet, les arbres plantés sont inoculés du mycélium le plus cher du monde : il sera possible, dans quelques années, de trouver des truffes à leurs pieds.

Qu’est-ce qu’une truffe?

La truffe, c’est la fructification des champignons du genre Tuber. Ces champignons sont hypogés : ils vivent sous le sol et ne sortent jamais de terre. Ils forment plutôt un réseau de mycélium qui recouvre les racines à l’image d’un gant sur une main. Leurs longs filaments, en continuité avec les racines, fournissent les arbres en eau et en nutriments.

En échange, grâce à la photosynthèse, les arbres nourrissent les champignons de sucres nécessaires à leur croissance. Cette association bénéfique est une relation de symbiose appelée mycorhize. Pour sa reproduction, le réseau produit des sphères remplies de spores, les truffes. Leur odeur très prononcée permet d’attirer les animaux et les insectes qui les déplacent et les dispersent.

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Il existe plus d’une centaine de variétés de truffes à travers le monde, mais peu sont comestibles et un plus petit nombre encore présente des qualités culinaires intéressantes.

La culture de truffes d’ici : une histoire de passion

Si la fenêtre de croissance des truffes est plus courte qu’en Europe, le climat de la province est tout de même propice à leur culture. Ainsi, depuis 2009, Jérôme Quirion, biologiste, propriétaire d’Arborinnov et copropriétaire de Truffes Québec, travaille pour développer les connaissances, l’expertise et les technologies liées à la culture de truffes.

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Il a d’abord inoculé quelques arbres pour démarrer une truffière expérimentale sur son terrain à Saint-Denis-de-Brompton. En 2018, alors qu’il récolte ses premières truffes, il reçoit un appel de Maude Lemire-Comeau, tombée sur ses recherches en voulant cuisiner une recette.

Biologiste médicale de formation, elle est immédiatement appelée par la trufficulture. « Il y a un aspect scientifique et écologique qui est super stimulant, mentionne-t-elle. C’est la biologie des sols, la mycorhization et le principe de symbiose entre l’arbre et le champignon… »

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Deux ans plus tard, elle démarre Les Rabassaires, à Saint-Léonard-d’Aston, la première truffière officielle du Québec, en collaboration avec Arborinnov et Truffes Québec.

Véritable passionnée, Maude devient copropriétaire et présidente du CA de Truffes Québec. La compagnie épaule les propriétaires de terrains dans l’implantation et l’installation de truffières à travers le Québec. En 2022, ce sont 30 nouvelles truffières qui auront vu le jour avec une moyenne de 1250 arbres par projet.

« On sélectionne toujours des sites avec un haut potentiel, où la truffe a le plus de chance de pouvoir s’installer », explique-t-elle. Des projets, Maude n’en manque pas! La saison 2023 est presque remplie; quelques truffières pour 2024 sont déjà à l’agenda.

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Actuellement, Arborinnov réussit à inoculer le chêne rouge, le chêne à gros fruit, le noisetier américain, le pin blanc, le pin de Corée, le saule arbustif, le caryer ovale et le châtaignier avec quatre variétés de truffes différentes. Les deux premières sont importées : les truffes Bianchetti (Tuber albidum pico) et de Bourgogne (Tuber uncinatum). Les deux autres, néanmoins, viennent d’ici. Parmi celles-ci, on retrouve la truffe des Appalaches (Tuber canaliculatum).

« Il s’agit assurément de la truffe-vedette au Québec, dit Maude. C’est une truffe qui commence à être connue et recherchée. »

La truffe des Appalaches possède une odeur envoûtante et ses qualités culinaires n’ont rien à envier à ses cousines européennes. Elle se rapproche génétiquement de la truffe noire lisse (Tuber macrosporum), commune au centre de l’Italie, mais certains chefs la comparent plutôt à celle de Périgord (Tuber melanosporum) et même celle d’Alba (Tuber magnatum).

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La quatrième est une trouvaille récente. « On a découvert une autre truffe au Québec qui a un potentiel intéressant. On l’appelle la truffe fumée », explique Maude. Des analyses génétiques sont en cours pour la catégoriser. Elle n’a pas le même calibre que la truffe des Appalaches, mais possède un profil aromatique très particulier.

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L’implantation d’une truffière

L’installation d’une forêt « à valeur ajoutée » ne se fait pas en claquant des doigts. Truffes Québec fait des analyses, puis recommande des travaux de sol une année avant l’implantation. Les truffes aiment les sols bien drainés, sableux ou rocailleux, avec une forte teneur en calcaire.

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La culture de truffes permettrait également la « revalorisation » de terres appauvries. Après avoir planté les arbres, on doit attendre plusieurs années avant de pouvoir récolter le fruit de ses efforts. De plus, « fabriquer un arbre truffier prend entre 1 et 3 grammes de truffe », note Maude.

Pour le moment, l’objectif de l’entreprise est d’abord d’implanter de nouvelles truffières avant de commercialiser le produit. S’il est encore difficile de trouver des truffes du Québec sur les étals des marchés, c’est parce que tous les spécimens récoltés dans les forêts implantées par Truffes Québec servent à inoculer de nouveaux arbres.

Mais une chose est sûre, on a hâte en tabarouette de trouver des truffes du Québec dans notre assiette!