Depuis que je suis mère, je n’ai plus de culture

J’ai récemment eu la brillante idée (NOT!) d’aller au cinéma avec ma fille de 5 ans voir le film Gabby et la Maison magique. Erreur de débutante : durant les cent minutes de chansons criardes et de couleurs agressantes, j’ai réalisé que je ne vais plus voir de films pour moi. J’aurais tellement préféré voir Une bataille après l’autre dans la salle d’à côté.

En fait, la dernière fois que je suis allée voir un film d’adulte au cinéma remonte probablement à l’époque où j’avais encore un manteau sans taches de yogourt.

Quelques jours plus tard, j’en ai parlé avec des amis autour d’un souper et ceux-ci ont fait écho à mon constat : on a tous l’impression d’être moins cultivés depuis qu’on est parents. Pas qu’on soit devenus idiots, mais avant, on lisait des romans, on regardait des films d’auteur, on assistait à des pièces de théâtre, on allait à des concerts…. Maintenant, on lit des livres d’Élise Gravel, on va voir Lilo et Stitch au cinéma, on assiste aux pièces de théâtre de La Roulotte et on va voir El Kapoutchi symphonique.

Et que dire du théâtre. Fut un temps où j’étais abonnée à La Licorne, à l’Usine C et au Théâtre d’Aujourd’hui. Cette année, les seuls billets de théâtre que j’ai achetés, c’était pour un spectacle de marionnettes à la Maison Théâtre.

L’Institut de la statistique du Québec le confirme : les parents, surtout les mères, consacrent beaucoup moins de temps à la lecture, au cinéma ou à d’autres loisirs culturels après la naissance d’un enfant. À la place, on visite la bibliothèque municipale, on va au planétarium, au musée des enfants… Ça reste des activités culturelles, mais version petits craquelins dans la sacoche.

C’est beau, quand même, cette volonté de transmettre la culture à nos enfants. On les initie à l’art, à la curiosité, à l’imaginaire, mais on s’oublie un peu dans le processus. On continue à regarder des séries avant de se coucher, mais souvent dans le but de donner une pause à notre cerveau. Après avoir lu pour la 142e fois La tribu qui pue, on a souvent moins le goût de commencer un Kubrick après. Surtout quand on sait qu’on risque de s’endormir dessus.

Cela dit, ça peut être bénéfique de se botter les fesses pour se rallumer un peu le cerveau.

Mettre un balado en allaitant, écouter un court métrage sur notre téléphone pendant qu’on flatte notre 5 ans pour qu’elle s’endorme, écouter un livre audio ou la radio en faisant les lunchs…

On peut aussi s’abonner au théâtre avec une amie et mettre les dates au calendrier. On chokera pas si on a acheté notre billet depuis 3 mois et qu’une amie nous attend. Si on va voir Ma belle-mère est une sorcière en famille au cinéma, on a le droit de laisser notre être cher y aller avec les enfants pendant qu’on s’éclipse pour voir Mille secrets mille dangers dans la salle d’à côté. Et la prochaine fois, on inversera les rôles.

Des fois, il suffit de se forcer un peu, pis ça peut nous faire du bien.

Cela dit, la prochaine fois qu’on couche les enfants et qu’on hésite entre scroller sur TikTok ou commencer la nouvelle saison de Love is Blind, faut pas se juger. On peut juste être honnête envers nous-même : c’est correct de ne pas se forcer à rattraper le dernier film de Chloé Robichaud quand on a le cerveau en bouillie.

La vérité, c’est qu’on traverse une phase. Une phase où la culture, c’est celle des enfants. On connaît les paroles de Libérée, délivrée par cœur, on peut réciter trois albums d’Élise Gravel, mais on sait plus c’est quoi le dernier film de Denis Villeneuve. On reviendra au cinéma, aux expos, aux romans dès qu’on aura l’énergie et la concentration pour les apprécier.

On n’a pas perdu notre culture. On l’a juste mise de côté pour un moment.