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Dépeindre le quotidien ordinaire de ses enfants sur les réseaux sociaux

Hugo Meunier a choisi l'authenticité à la place des filtres.

Par
Jasmine Legendre
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Je commence à être à l’âge où mes ovaires se crispent quand je vois des photos de bébés cutes sur les réseaux sociaux. Récemment, j’ai découvert @bossbabybrody, un petit bonhomme de 4 ans qui danse comme un jeune prodige.

Je suis encore loin de la maternité, mais j’éprouve un réel plaisir à voir grandir ma filleule sur Instagram. Je screenshot abondamment toutes les stories d’elle à défaut de pouvoir la voir tous les jours. Comme je ne suis pas parent, je n’ai jamais eu à avoir cette réflexion à savoir si c’était éthique ou pas de montrer les aléas de la vie de nos enfants sur les réseaux sociaux. Ça reste un questionnement légitime comme en témoigne le dernier épisode de Zone franche, dont les opinions sont partagées à l’ère où nos données personnelles sont scrutées par des géants du web ou des personnes malveillantes.

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La plupart du temps, on voit la vie «géniale» des parents avec leurs enfants sur les réseaux sociaux. Surtout si on suit le quotidien des influenceurs qui posent aux côtés de leur progéniture et qui arrivent même à en tirer profit. Même si on s’émeut de voir ces familles rayonner, on sait tous très bien qu’ils ne vivent pas toujours dans un filtre «barbe à papa».

J’ai donc décidé de poser quelques questions à mon collègue Hugo Meunier, qui à travers ses récits de son voyage avec sa famille et ses publications Instagram, n’hésite pas à nous ensevelir sous des photos de sa progéniture, prétextant miser sur la transparence et la caricature.

C’est quand même important pour toi de mettre en scène ton entourage, dont tes enfants sur les réseaux sociaux

Oui et je parle pas plus de mes enfants que je parle de toi. [NDLR: Hugo se plait à me dépeindre comme une milléniale fainéante dans environ tous ses articles.] Mais la façon dont je le fais, c’est de manière complètement caricaturale. Je fais passer ma blonde comme une castrante hystérique et dans un autre article que je vais publier bientôt je dis que je préfère mon gars à ma fille (ce qui est faux, je préfère ma fille et de loin). C’est de l’autodérision et je pense qu’ils vont comprendre plus tard.

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Par contre, je suis en train de réaliser qu’il y a une date de péremption à utiliser mes enfants dans mes reportages et mes publications. Ma « carrière » Instagram repose presque essentiellement sur mes enfants. En voyage j’ai mis énormément de photos. Je le fais parce que je ne vois pas les conséquences: je n’ai pas peur que quelqu’un se touche en regardant mes enfants en costume de bain. S’ils veulent voir des photos trash d’enfants, ils vont en trouver ailleurs. Je suis sans doute naïf par contre et mes enfants vont peut-être m’en vouloir un jour d’avoir partagé une photo d’eux sur la bol.

Je suis ce parent-là, à qui on doit dire «ne met pas ça sur Instagram». Ça commence déjà à le gosser, donc c’est pour ça qu’il y a de moins en moins de photos de mon gars.

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Mais là, mon gars va avoir 12 ans la semaine prochaine et déjà je vois qu’il y a des choses que je ne peux plus mettre sur les réseaux sociaux, parce qu’il me le fait savoir. Je suis ce parent-là, à qui on doit dire «ne met pas ça sur Instagram». Ça commence déjà à le gosser, donc c’est pour ça qu’il y a de moins en moins de photos de mon gars.

Récemment, ma fille a découvert TikTok et on s’est créé un compte elle et moi, mais je pense qu’elle a fait 20 vidéos en prenant mon cellulaire dans mon dos. Elle a moins de problèmes avec ça. Mais je ne vais quand même pas faire exprès pour reposter des photos de mes enfants dans le bain en souvenir de leur tendre enfance, d’abord parce que la classe de mon fils commence à être sur les réseaux sociaux. J’ai quand même compris que je ne peux plus mettre des photos de lui dans lesquelles il pourrait avoir l’air fou.

J’ai écrit un livre dans lequel un des personnages principaux s’appelle Viktor et ça me stresse plus, parce qu’il a un rôle un peu plus trash. Dans un autre livre, je raconte des bouts de la vie de mes enfants sans leur consentement et ça m’angoisse plus que dans des articles ou des publications qui sont épisodiques, parce que le livre il y a plus de chance qu’ils le lisent. Je verrai rendu là.

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Est-ce que tu as déjà demandé l’accord de tes enfants avant de publier quelque chose?

C’est ma blonde qui est parfois sollicitée comme police de mes publications douteuses. Pour un statut banal ou pour les enfants. Je suis quand même intense sur les réseaux sociaux, trop je sais.

Ma blonde est le contraire de moi, elle est sur Facebook depuis quelques années. Son dernier statut Facebook c’est peut-être moi qui l’ai fait à son insu.

Ta fille est davantage attirée par les réseaux sociaux, même à 7 ans. Est-ce qu’elle te demande parfois de publier des photos d’elle sur les réseaux sociaux?

Elle veut son propre compte TikTok à elle, mais je refuse, parce qu’elle va être très très intense sur ça. Elle a hérité de mon côté narcissique, donc elle est toujours en train de se filmer, de se photographier, de s’arranger, de changer ses vêtements.

Je la regarde parfois, sans qu’elle me voie, et elle se fait des moues dans le miroir. Elle danse, elle a de l’attitude. Elle est vraiment plus soucieuse des réseaux sociaux, et elle va me dire «ne mets pas ça sur Instagram» parce qu’elle sait qu’elle n’est pas à son meilleur. Quand je vais prendre une photo d’elle, elle va faire sa face qui est correcte pour la plateforme.

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Et c’est quoi ta vision de ceux qui jouent le rôle de la famille parfaite sur les réseaux sociaux?

Il y a beaucoup de gens qui pensent qu’ils sont les premiers à avoir des bébés sur la Terre. Il n’y a rien que je trouve plus quétaine que la millième photo de ton bébé de 2 mois avec la caption «Lui, elle, celui-là».

Dans ces cas-là, ton enfant est secondaire. Tout ce que tu veux c’est avoir des commentaires qui vont trouver que t’es un émouvant parent. C’est comme les parents trop fiers qui nous bombardent de vidéos d’exploits de leur enfant à leur cours de karaté ou leur spectacle de fin d’année à l’école. Il n’est jamais vraiment bon le show, gardez ces beaux moments pour vous svp.

Comment tu te différencies de ça?

Je suis dans la transparence totale. En voyage, je n’ai pas essayé d’idéaliser notre voyage en famille en disant que c’était extraordinaire et que mes enfants avaient trippé dans la culture indienne. C’est faux. Ce n’était pas facile, ils chialaient aussi parfois. Ça reste des enfants un peu ingrats qui veulent aller chez McDo et qui cherchent le wifi.

Je suis dans la transparence totale. En voyage, je n’ai pas essayé d’idéaliser notre voyage en famille en disant que c’était extraordinaire et que mes enfants avaient trippé dans la culture indienne.

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On ne maquillait pas la réalité, on disait ce que c’était. On est conséquent, mais c’est peut-être là que c’est pernicieux. Peut-être que mes enfants un jour vont trouver ça décevant que je ne les aie pas dépeints comme des génies parfaits et des anges. Ils sont ce qu’ils sont, des enfants somme toute ordinaires. On adore nos enfants, ils sont extraordinaires pour nous, mais ils n’ont pas inventé le remède contre le cancer. C’est juste des enfants qui parfois se fouillent dans le nez ou font leur lit tout croche (quand ils le font).

Ils ne sont parfaits que pour nous, simplement.

+++

Si le sujet de la présence des enfants sur les réseaux sociaux vous intéresse, écoutez le dernier épisode de Zone franche ici.