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De papa métalleux à enfant métalleux

Tout est une question d'ouverture d'esprit.

Par
Jean-Simon Fabien
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Je me rappelle précisément du moment où je me suis posé pour la première fois cette question : « C’est-tu correct, de faire écouter du métal à ses enfants? »

C’était en janvier 2017. Rosemary vient de piger un vinyle dans l’imposante collection de Philip, son papa, comme elle le fait chaque matin. Ce jour-là, l’heureux élu est All We Love We Leave Behind de Converge. Crime bine, que je me suis dit en voyant la photo de la scène sur Facebook, Converge, c’est pas mal plus nutritif que des Corn Pops (j’ai pas dit ça, mais vous comprenez).

L’anecdote n’est pas anodine. J’étais encore à quelques années de devenir père (poule?) et déjà, je me demandais : faut-il éviter d’exposer les enfants à des groupes qui beuglent et qui carburent aux sentiments négatifs? Est-ce que ça peut avoir un impact sur leur développement socio-affectif? Est-ce que ça peut leur faire peur?

La question concernait justement Converge. J’ai été bouleversé par mon premier contact avec l’album Jane Doe – incontestable chef-d’œuvre de brutalité – et voilà que Rosemary, 5 ans à l’époque, commence sa journée avec All We Love! « Je l’ai même bercée sur ce disque », lance son père.

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De père en fille

Pour Philip, l’idée c’était justement de ne pas en faire tout un plat. Ce matin-là c’était Converge, mais la veille, c’était Deftones, la semaine d’avant, Black Sabbath et Interpol, et la précédente, Mogwai et Jawbreaker. L’ouverture d’esprit est la clé. Et l’accompagnement dans la découverte est tout aussi important.

« Très tôt, j’ai remarqué qu’elle avait une curiosité pour les vinyles. Elle pigeait dans mes piles et on prenait le temps d’étudier ensemble la pochette en écoutant l’album. Souvent, elle me demandait de googler des photos du groupe. Ça lui permettait de mieux comprendre qui était l’artiste et de l’associer à un son. »

Le papa de Rosemary est un mélomane et son amour s’est transmis bien avant les séances d’écoute matinales : la petite a grandi dans un environnement de musiciens où les instruments et les têtes d’ampli font partie du décor. Pas de surprise, alors qu’à 4 ans, Rosemary a demandé à apprendre la batterie. La voilà maintenant aux portes du secondaire où elle étudiera la musique.

La méthode iceberg

Autre son de cloche du côté de Bruno Georget – père de Léa et Ludovic – qui admet avoir trié ce qui se rendait aux oreilles de ses enfants. « Je faisais aussi attention aux chandails de groupes que je portais », se rappelle-t-il.

« Il y avait de l’interdit et du mystère autour de ma musique et graduellement, ils ont voulu découvrir ce que papa écoutait. »

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Lorsque l’intérêt se manifeste, ça ne prend qu’une chanson, un coup de cœur, pour provoquer une plongée dans un nouveau genre. C’est la méthode iceberg.

Pour Léa, l’entrée dans la musique métal s’est faite via le emo, avec Bring Me The Horizon en tête. Pour Ludo, le thrash des années 80 est rapidement devenu trop propre. Il voulait plus vite, plus fort et plus méchant et il a trouvé son compte dans le death technique.

« Mon gars est un vrai métalleux, faut croire », ricane Bruno.

Léa, lors de l’édition 2019 du festival ’77
Léa, lors de l’édition 2019 du festival ’77
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Un rituel qui évolue

En 2024, Philip et Rosemary ne tiennent plus leurs séances d’écoute matinale de vinyles, mais la musique est toujours au cœur de leur vie et de leur relation. Le rituel se passe maintenant dans l’auto où ils échangent des découvertes.

Chez les Georget aussi, la voiture a longtemps été un espace d’écoute. « Quand Ludo était petit, j’ai eu une période hair metal », se rappelle Bruno et c’est lors d’un trajet, sur la banquette arrière, que le jeune Ludovic a rebaptisé le colossal succès de Judas Priest Breaking The Law en « Équipe Dollar ». Hilarité générale.

Plus vieux, Rosemary (11 ans), Léa (15 ans) et Ludovic (12 ans) vivent maintenant le rituel musical en allant voir des shows avec leurs parents (Terror, yeah!).

Comme quoi plus ça change, plus c’est pareil.

Et donc, l’exposition au métal?

Pour les deux papas, leurs enfants ont été de véritables éponges dès leur plus jeune âge, se laissant imprégner par les sons qui peuplaient leur quotidien. Leurs préférences se sont certes précisées au fil du temps, mais rapidement, l’école et les amis les ont exposés à de nouvelles influences.

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« C’est pour ça que ça me fait rire, quand les parents se félicitent que leurs enfants aient de bons goûts musicaux », rigole Bruno.

Lire ici : personne n’est à l’abri de Baby Shark et de La compagnie créole. Pas même les métalleux les plus sérieux.

Philip confirme. « C’est arrivé, par le passé, que Rosemary ne veuille écouter que du Joe Dassin pendant une semaine! »

Je me dis qu’on tient peut-être de quoi, ici. Et si le métal en bas âge n’était qu’une fausse question? Elle devrait plutôt se diriger vers les parents : êtes-vous prêts à délaisser Iron Maiden pour partir sur une chire de Bleu Jeans Bleu?

Je sais, l’écrire me fait trembler, mais on tient de quoi!

***

Sept ans après mon premier questionnement sur l’éducation musicale de ma progéniture, je suis papa de Mathilde, 5 mois. Elle n’a pas encore écouté beaucoup de métal, mais CHOM-FM s’est déjà chargé de lui faire entendre Fuel de Metallica (!).

Mais j’ai déjà hâte qu’on tombe sur « Équipe Dollar » ensemble!

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