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De la merch faite à partir de vêtements de seconde main

Et si votre vieux chandail se retrouvait sur le dos de votre artiste préféré.e? 

Par
Florence La Rochelle
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C’est le calme plat dans la boutique, qui venait tout juste de fermer, quand je m’y présente. Installée dans un demi-sous-sol du Plateau Mont-Royal, sur la rue Saint-Denis, la friperie Kapara Vintage cache, derrière sa devanture modeste, une réelle caverne d’Alibaba pour les amateur.rice.s de pièces uniques. Aucun espace n’est laissé au hasard ; les murs et les plafonds sont recouverts de tissus zébrés, de doudounes colorées, de disques compacts et de miroirs. J’y retrouve Mia, dont le visage souriant émerge au-dessus des amas de vêtements.

Mia Kallile, propriétaire de la friperie Kapara Vintage
Mia Kallile, propriétaire de la friperie Kapara Vintage
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Plus tôt dans la journée, je consultais ses story Instagram dans lesquelles elle s’adressait à la caméra de son téléphone avec un enthousiasme débordant depuis sa voiture, entre deux trouvailles dénichées dans des brocantes du bas du Fleuve. Les sacs pleins de vêtements qui s’amoncelaient plus tôt sur la banquette arrière de son véhicule se trouvent maintenant dans les derniers espaces inoccupés dans la friperie : une petite pièce déjà pleine à craquer et sous les tringles métalliques sur lesquels sont disposés les morceaux.

Certain.e.s y voient des textiles qui en sont à leur dernier tour de piste, mais Mia s’affaire à donner une toute nouvelle fonction à plusieurs de ces vêtements : promouvoir la musique de l’autrice-compositrice-interprète québécoise Marilyne Léonard.

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Les deux jeunes femmes étaient d’ailleurs en couple lorsqu’elles ont lancé ce projet, et bien qu’elles ne soient plus ensemble aujourd’hui, leur passion commune du thrift continue de les unir.

« Moi j’ai ma friperie, pis Marie, elle chante. Alors on était en mode : on se fait un projet commun », m’explique Mia, qui avoue avoir été inspirée par Calamine et Emma Beko. Sur du deadstock (des items invendus offerts au rabais par des détaillants qui cherchent à liquider des stocks) ou des vêtements uniques trouvés en friperie, les ex apposent les visuels conçus pour la tournée Vie d’Ange de Marilyne.

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C’est compliqué de re-recycler

L’industrie de la merch d’artistes musicaux était évaluée à 3,5 milliards de dollars dans le monde en 2018. Plusieurs jugent que cette industrie polluante encourage les consommateur.rice.s à la surconsommation. Mais dans un contexte où les revenus provenant du streaming et de la vente de billets de spectacle demeurent marginaux pour la plupart des artistes, les items promotionnels peuvent s’avérer être une source de revenus essentielle, bien que marginale.

Marilyne et Mia, qui proposent une alternative plus écologique à cette pratique marketing, ne sont pas motivées par les profits. Même si produire de la merch à partir de vêtements recyclés peut sembler être une façon de diminuer les coûts et ainsi augmenter les marges de profits, les deux jeunes femmes affirment que ce n’est pas moins coûteux que de produire des items promotionnels avec les procédés industriels habituels. « C’est morceau par morceau, tous des formats différents. Tout le processus est long et plus cher. C’est plus de travail pour tout le monde. » Mia et Marilyne sont catégoriques : produire de la merch à partir de vêtements seconde main n’est pas un projet lucratif.

Les items sont vendus à prix régulier, c’est-à-dire autour de 30 $ le morceau, mais les investissements de temps et d’argent sont importants, tant au niveau de la production que de la vente.

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Mia explique prendre plusieurs heures pour sélectionner les vêtements, qui doivent d’ailleurs être 100 % coton pour pouvoir ensuite absorber correctement la teinture des visuels qui y sont apposés. L’enjeu des tailles est aussi digne de mention, comme les vêtements sont, pour la plupart, uniques et ont tous des dimensions différentes. « Vendre la merch seconde main en ligne, c’est la pire partie. Il faut prendre une photo pour chaque morceau. »

Elles sont plutôt motivées par leurs valeurs écologiques et le fait de pouvoir offrir des vêtements qui collent au style de Marilyne. « Je m’habille tout le temps dans des friperies. Pour moi, c’était normal que ça aille dans cette direction-là, la merch. »

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Et de toute évidence, leur démarche résonne auprès des fans de Marilyne qui en redemandent. « On en avait fait deux batchs. C’est tout parti », confirme l’artiste. Ce sont les morceaux où les visuels de Marilyne sont apposés par-dessus des designs existants qui créent le look le plus réussi, selon Marilyne – la superposition du « nouveau » sur « l’ancien » communique plus frontalement la démarche de l’artiste.

Effectivement, le seconde main a la cote ; le marché du thrift était estimé à 119 milliards de dollars mondialement en 2022, et devrait atteindre 218 milliards de dollars en 2026 – cette croissance serait d’ailleurs trois fois plus rapide que celle du marché des vêtements neufs.

Après l’amour

Les deux jeunes femmes s’interrompent et se moquent affectueusement l’une de l’autre alors qu’elles discutent de leur prochaine production et des prestations à venir de Marilyne. « On devrait en refaire. J’ai trouvé un gars qui peut nous faire les prints pas cher. Tsé le gars qu’on a rencontré au show? » Visiblement, c’est un projet qui s’est construit à coups de discussions comme celles-là, accoudées sur la caisse, dans l’intimité de la friperie dans laquelle elles passent le plus clair de leur temps.

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Les vêtements sont le langage que Mia et Marilyne utilisent pour exprimer leur affection mutuelle :

« Le linge de Marilyne, c’est 100 % moi. Elle a pas le droit d’aller nulle part ailleurs. »

L’artiste rectifie le tir, sous le regard réprobateur de Mia : « Bin, 80 % de ma garde-robe… je suis allée [à la friperie] Floh Market. » Un amour qui s’est donné une deuxième chance, comme celle qu’elles offrent aux vêtements à travers la merch de Marilyne.