Gabrielle Guyon a renoncĂ© aux monts enneigĂ©s du QuĂ©bec en 2015 pour vivre de sa passion du surf Ă temps plein sous le soleil costaricien. En formant dâautres aspirant.e.s surfeur.euse.s et en amenant son propre sport Ă un niveau professionnel, cette expat au parcours houleux dĂ©montre jusquâoĂč une dĂ©termination Ă toute Ă©preuve peut mener.
On sâest entretenu avec elle pour en connaĂźtre plus sur son quotidien bien loin de la grisaille de lâhiver.
DâoĂč provient cette flamme pour le surf ?
Chaque Ă©tĂ©, on allait en vacances aux Ătats-Unis en famille et câest lĂ que mon pĂšre a fait naĂźtre en moi la passion du sport. Ă ses yeux, câĂ©tait juste un loisir : il nâaurait jamais imaginĂ© que mon intĂ©rĂȘt deviendrait aussi extrĂȘme.
Auparavant, jâĂ©tais maquilleuse et coiffeuse professionnelle au QuĂ©bec. Jâavais 25 ans quand jâai tout quittĂ©. Je trippais sur lâart et lâextravagance, donc je me suis dit que ce serait la meilleure carriĂšre de « ville » pour moi. Mais quand je me regardais dans le miroir en me demandant si jâĂ©tais sincĂšrement heureuse, la rĂ©ponse Ă©tait non. En vacances, quand jâallais surfer, câĂ©tait lĂ que jâavais le sentiment de vivre ma « vraie » vie.
Comment ça sâest passĂ© quand tu as choisi de partir au Costa Rica?
Dâabord, je nâai pas reçu de soutien, car mes proches nâĂ©taient pas enchantĂ©s par cette idĂ©e. JâĂ©tais aussi la seule surfeuse parmi mes amis quĂ©bĂ©cois. Jâavais alors besoin de sortir de mon environnement pour rencontrer des gens qui trippaient autant que moi.
Jâai travaillĂ© un an pour accumuler de lâargent, puis jâai tout vendu, mis lâessentiel dans mon backpack et je suis partie lĂ -bas avec la seule idĂ©e en tĂȘte de faire ce que jâaimais le plus au monde : surfer.
Je ne parlais ni anglais ni espagnol Ă mon arrivĂ©e. Je me suis dĂ©brouillĂ©e au fur et Ă mesure, surtout par rapport aux trucs lĂ©gaux pour rĂ©sider lĂ -bas. CâĂ©tait assez compliquĂ©!
Jâai commencĂ© par travailler dans un hĂŽtel comme rĂ©ceptionniste, puis dans un magasin de surf et de plongĂ©e. Je faisais 2 $ de lâheure Ă ce moment-lĂ . JâĂ©conomisais le plus possible parce que si jâavais dĂ» mâendetter ou demander de lâargent Ă quelquâun, je me serais sentie lĂąche, comme si je nâavais pas lâindĂ©pendance de rĂ©aliser mon plan par moi-mĂȘme. Ce qui comptait le plus Ă ce moment Ă©tait de surfer tous les jours.
Câest alors que je travaillais dans la boutique de surf que jâai dĂ©veloppĂ© ma passion de lâenseignement du surf. Jâai accompli ma certification de niveau 1 reconnue par lâASI (Academy of Surfing Instructors) pour enseigner Ă des dĂ©butants, des gens qui venaient en vacances.
Jâai aimĂ© partager ma passion, mais aprĂšs quelques annĂ©es, ça commençait Ă devenir redondant. Je me suis alors dirigĂ©e vers les camps de surf, oĂč jâaccompagnais des surfeurs une ou deux semaines. Jâai aimĂ© avoir la chance de tisser un lien avec les participants.
Quel a été le trajet vers ta premiÚre compétition de surf officielle?
Jâai dâabord commencĂ© Ă mâentraĂźner de façon trĂšs sĂ©rieuse : jâavais une coach de surf, une autre au gym et je surveillais ma nutrition de prĂšs. Je me suis simplement inscrite Ă une premiĂšre compĂ©tition locale Ă Playa Dominical. Il y avait peu de filles, jâĂ©tais intimidĂ©e.
LĂ , jâai rĂ©ussi Ă me classer troisiĂšme sur cinq femmes. Câest Ă ce moment que jâai eu un gros flash : wow, moi qui avais commencĂ© sans argent ni conditions de vie favorables Ă lâapprentissage de ce sport, jâavais rĂ©ussi Ă vivre un classement dans une compĂ©tition de surf! Je me suis sentie Ă©merveillĂ©e et pleine de gratitude dâavoir accompli cet objectif que je croyais impossible depuis ma jeunesse.
AprĂšs ça, je parcourais les compĂ©titions costariciennes par mes propres moyens, ma planche dans un rack sur ma moto, soutenue financiĂšrement par le resto local ou lâentreprise de bikinis de mon amie.
Et maintenant, Ă quoi ressemble ton quotidien?
Aujourdâhui, je travaille une semaine sur deux dans un camp de surf oĂč jâentraĂźne des personnes de tous les niveaux. Jâaccompagne aussi des athlĂštes avec mon entreprise Surf Coach Gaby sur plusieurs mois. Jâadore ce travail puisquâil me permet de voir les progrĂšs de mes surfeurs et de les soutenir Ă travers tous les aspects de leur sport, en partant de leur Ă©tat dâesprit jusquâĂ leur nutrition.
CĂŽtĂ© personnel, depuis lâarrĂȘt des compĂ©titions pendant la pandĂ©mie, mĂȘme si je mâentraĂźne encore Ă un niveau professionnel, je vois maintenant la compĂ©tition dâun Ćil moins « radical ». Je suis en paix avec le fait que je nâaurai peut-ĂȘtre pas les ressources pour passer au circuit international, car au fil du temps, jâai rĂ©alisĂ© quâil mâaurait fallu avoir des moyens exorbitants et des commanditaires trĂšs spĂ©cifiques pour gravir ces Ă©chelons.
Quels sont tes plans pour les prochaines années?
Mon prochain objectif est dâouvrir une Ă©cole de surf gratuite pour les jeunes talents dans un pays moins fortunĂ©.
Je constate que dans certaines rĂ©gions, des athlĂštes au potentiel incroyable ne possĂšdent pas les moyens financiers nĂ©cessaires pour avoir accĂšs au circuit professionnel. Ă lâadolescence, ils chutent de haut lorsquâils comprennent que leur rĂȘve leur sera inaccessible, faute dâintĂ©grer un programme de sport-Ă©tudes en surf ou de possĂ©der lâargent nĂ©cessaire pour voyager Ă travers le monde pour les compĂ©titions, par exemple. Ăa paraĂźt : il y a un manque flagrant de diversitĂ© en compĂ©tition internationale.
Ces personnes sombrent parfois dans une grande tristesse et mĂȘme dans des problĂšmes de consommation. Si, pour ma part, je nâai pas bĂ©nĂ©ficiĂ© des plus grands commanditaires, jâaimerais ĂȘtre celle qui sĂšme lâĂ©tincelle dans les rĂȘves des autres en bĂątissant une Ă©quipe pour encadrer la carriĂšre de ces jeunes surfeurs prometteurs. Câest ce dont jâaurais eu le plus besoin et je veux redonner au suivant pour que tous et toutes puissent sâaccrocher Ă leur rĂȘve comme je lâai fait.