J’ai cru au Père Noël plus longtemps que la moyenne.
À ma défense, j’ai une bonne raison d’avoir cultivé le mythe jusqu’aux portes de l’adolescence: mon père était le Père Noël du Centre Laval.
Oh, c’était difficile de ne pas le trouver sur la coche en grimpant sur ses genoux : « Pis, mon petit Hugo, as-tu été gentil avec ton frère Philippe? Tu pourrais changer la bouffe de Toxon (le défunt chien familial) plus souvent, pis perds pas ton temps à attendre un Super Nintendo cette année, ton père est cassé. »
Même si la phrase qui suit sonne très louche, tous les enfants de la Rive-Nord ont dû s’asseoir au moins une fois sur les genoux de mon père*.
*Vous étiez prévenus.
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Le Centre Laval, pour ceux qui se grattent la tête, est ce mail tristounet situé tout près du Carrefour Laval, Mecque du magasinage dans la grande région métropolitaine (avec le Dix30). Comparé à son prospère voisin au stationnement perpétuellement en proie aux embouteillages, le Centre Laval ressemble à une version achetée sur wish.
Je pourrais raconter ici que ma défunte marraine a déjà vécu – littéralement – au Centre Laval, mais la terre va exploser dans pas long et je m’égare.
Tout ça pour dire que le side-line paternel nous a permis d’entretenir la flamme de Noël longtemps. Même le scénario de biscuit/verre de lait laissé à l’attention du Père Noël était mieux ficelé que celui du film Simple comme Sylvain.
En gros, on partait en char à la messe de minuit (pour vrai). Mon père feignait d’avoir oublié quelque chose et retournait le chercher en dedans. Il en profitait pour caler le lait et prendre une bouchée ou deux d’Oréo double-crème en vitesse, avant de nous rejoindre en décochant un petit clin d’œil complice à ma mère.
Les traditions du genre ont toujours été importantes chez nous. Et pas juste pour Noël, là. Notre repas favori à notre anniversaire, une fondue à la Saint-Valentin, une virée à Saint-Joseph pour les pommes, une autre chez Constantin pour le temps des sucres, une chasse aux cocos de Pâques, etc.
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Mais la féérie des Fêtes était inconstablement la meilleure pusher de rituels, alimentée par les vacances scolaires.
La mort de Cléo à Ciné-Cadeau (et Les douze travaux), dormir dans les manteaux, le pain-sandwich (avec cheez whiz), les cadeaux sous le sapin qui apparaissent au beau milieu de la nuit et des mononcles saouls : j’ai vécu la totale.
Flatter la coutume dans le sens du poil
Tel un Chantal Lacroix 2.0, je suis fier de dire que j’ai transmis la plupart de ces traditions à mes enfants. Si, à cause de notre désorganisation familiale (mon fils n’a pas pu aller à l’international parce qu’on a raté l’inscription et on n’a pas encore de testament, même si je frôle plus souvent la mort qu’un pêcheur de crabe en Alaska), ils ont pu échapper à ces traditions, Noël est une période sacrée, qui mérite de flatter la coutume dans le sens du poil*.
*Je me transforme graduellement en Fred Pellerin. Pour en savoir plus, rendez-vous sous l’arbre des paparmanes.
Noël commence donc chez nous le 1er décembre, avec la décoration du sapin (naturel) en écoutant Maman j’ai raté l’avion 2 en version française.
-Dis bonsoir, Kevin.
-Bonsoir, Kevin!
Le Seigneur des Anneaux (version longue), Harry Potter (n’importe lequel, sauf le 1 et le 4) et Piège de cristal (oui, c’est un film de Noël) sont aussi acceptés comme alternative.
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Le calendrier de Noël est aussi de mise. Fait cocasse: la qualité du chocolat augmente proportionnellement avec l’âge des enfants. Eh oui, vient un moment dans la vie où les rejetons développent des papilles gustatives et ne se contentent plus du calendrier de la Pat’Patrouille avec le chocolat qui goûte le plastique.
Vous me voyez venir, indécrottable nostalgique que je suis, j’imagine. Aussi prévisible que l’humour phallique au podcast de La poche bleue.
Eh oui, sans surprise, je vis un petit deuil des fêtes en voyant mes mioches délaisser tranquillement ces traditions qui ont bercé leur enfance.
Inutile de parler du plus vieux, que je n’ai pas vu depuis l’Halloween et qui se foulerait un œil à force de les rouler devant toute forme d’allusion à la frénésie des Fêtes.
Mais voilà que ce virus de la désillusion se répand chez sa sœur de onze ans, qui ne fait même plus semblant de croire aux damnés lutins.
Elle sait depuis quelques années que Folichon et Patachou ne faisaient pas des anges dans la farine* durant la nuit, mais elle a joué le jeu jusqu’à l’an dernier.
*De la poud’, personne n’est dupe.
Comme ma blonde est complètement patacrac (bon nom de lutin!), on était au plus fort de cette folie avec, genre 5-6 lutins, à qui il fallait trouver des idées rigolotes (hihihi un gang-bang!) de gags à TOUS LES CRISSES DE SOIRS.
Autant je souhaitais que les lutins prennent vie pour vrai afin de les faire souffrir, autant ça me fait un petit pincement au coeur de les savoir « rangés » dans une boîte, quelque part dans le garde-robe, tablettés comme Woody dans Toy Story à l’arrivée de Buzz.
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La tradition, c’est aussi de célébrer Noël chez nous, le 24. C’est ainsi depuis l’époque où Marie-Mai était encore une chanteuse.
On accueille la famille proche, un peu plus éloignée et les gens qui n’ont rien de prévu de leur bord. Un refuge pour les âmes esseulées, un lieu pour danser un continental, manger des petites saucisses dans le sirop et fumer sur le bord de la fenêtre, en bas, passé minuit.
En plus du concours annuel de lip-sync et du buffet, nous avons, bien sûr, la traditionnelle visite du Père Noël. C’est alors que mon bon vieux papa reprend du service, comme il l’avait fait aussi à la garderie des enfants, jadis.
Puisqu’il prend ce rôle très au sérieux – et qu’il habite au deuxième -, il installe une échelle menant sur le toit pour faire croire aux enfants agglutinés dans la porte patio qu’il débarque réellement de son traîneau magique.
Maintenant, il ne reste que mon neveu Samuel pour y croire. Les autres se contentent de jouer le jeu. Même les ados qui font semblant de trouver ça ringard, mais qui vont quand même s ’asseoir sur le Père Noël quand ce dernier prononce leurs prénoms avec une voix déguisée.
Les enfants se prenaient pour Marie-Maude Denis en découvrant avec un mélange de fierté et de déception que le « vrai » Père Noël qui parkait son traîneau sur le top du bloc, chaque année, était en fait leur grand-père.
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« Moi, je le savais, parce qu’il n’était jamais là en même temps que le Père Noël. »
No shit, Sherlock!
Une longue absence, en plus, puisque que sur une échelle de zéro à Barbada, ça prend du temps enfiler le costume rouge et la fausse barbe, avec l’aide de ma mère ou mes frères.
Comme feu ma grand-mère ou Dominique Michel, le Père Noël annonce chaque année que c’est sa dernière, avant de se raviser et de poursuivre la tradition.
Il ne rajeunit pas, le snoro, ce qui forcera peut-être quelqu’un à éventuellement prendre le relais.
-Ah ben, ça pourrait être toi, chéri, vu que t’as clairement le physique de l’emploi!
Ma blonde, fidèle à elle-même, y va de ses petites vannes grossophobes, sans comprendre après toutes ces années que si je mange autant, c’est pour FUIR MES DÉMONS!
Mais, au fur et à mesure que les petites portes du calendrier de l’avent s’ouvrent, la frénésie des Fêtes se répand, malgré tout, dans notre manoir rosemontois. Mon gars a beau faire semblant d’être devenu Damien Bone dans Fugueuse, je suis certain qu’il fait le décompte des jours, lui aussi.
Quant à ma fille, elle a même écrit une carte au Père Noël. C’est certes très cute, mais ce dernier risque – de source sûre – de lui envoyer un dictionnaire ou un tuteur en français. La grève générale illimitée fait de ces ravages.
J’ai hâte, aussi, de chanter le Minuit Chrétien paqueté en face de la maison et de jaser avec mes matantes et mononcles un peu chaudailles.
Parce que le fromage Philadelphia (ouache) a beau avoir remplacé le Cheez Whiz dans le pain-sandwich, notre Noël reste toujours pareil, et c’est tant mieux comme ça.