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Courir autant (sinon plus) pour gagner moins d’argent
Vous vous appelez Lucie. Vous avez joué toute votre vie au soccer. C’est votre motivation pour vous lever le matin. Ce sport vous anime tellement, que vous avez décidé d’en faire votre métier. Vous vous donnez corps et âme à chaque partie. Les entraînements sont parfois rudes sur votre corps: des bleus, des courbatures, beaucoup de sueur, des éraflures et encore un peu de bleus. Mais rien ne peut vous faire perdre des yeux votre objectif de gagner votre vie en pratiquant le soccer. Rien? Ou presque…
Jean et vous avez le même parcours et les mêmes ambitions. Sauf que Jean, contrairement à Lucie, n’a pas une bataille d’équité salariale à mener après un match en fin de soirée, car il gagne nettement plus pour pouvoir frapper professionnellement le même ballon.
C’est comme ça que ça fonctionnait jusqu’à tout récemment pour les équipes nationales masculine et féminine de soccer des États-Unis.
Et c’est ce qui a poussé les joueuses de l’équipe féminine à livrer un match contre l’inégalité salariale.
Et elles ont gagné. La première demie, du moins.
Et c’est le but!
En effet, elles ont marqué dans le but de l’équité salariale lorsque la Fédération américaine de soccer (USSF) a déclaré le 14 septembre dernier qu’elle offrirait des contrats identiques aux équipes nationales masculine et féminine.
La bataille de longue haleine avait commencé en 2019 lors de la Journée internationale des droits des femmes. Les joueuses avaient alors intenté une action collective contre l’USSF pour discrimination sexiste.
Une joueuse de l’équipe nationale ne gagne que 89% du salaire d’un joueur de l’équipe nationale.
«Nous croyons que c’est notre responsabilité, pas seulement pour notre équipe et pour les futures joueuses, mais pour toutes les joueuses à travers le monde – et pour toutes les femmes – de leur faire sentir qu’elles ont des alliées pour se tenir debout, se battre pour leurs convictions et pour ce qu’elles méritent et ce qu’elles ont gagné», avait déclaré la star Megan Rapinoe au New York Times à l’époque.
À la suite du dépôt de cette plainte, le Washington Post avait calculé qu’une joueuse de l’équipe nationale ne gagne que 89% du salaire d’un joueur de l’équipe nationale, bien que les structures salariales des deux équipes soient différentes.
L’équipe féminine américaine avait d’ailleurs été couronnée championne à la Coupe du monde de football quelques mois avant d’entreprendre les poursuites. Pour la deuxième fois de suite, en plus.
Du côté des équipes canadiennes, difficile de trouver de l’information. Comme le rapportait CBC en 2016, l’Association canadienne de soccer demeure opaque sur la rémunération des joueurs et des joueuses de l’équipe nationale. Affirmant toutefois qu’il n’y a «aucune disparité» entre les hommes et les femmes.
Et si on regarde du côté des ligues nationales féminine (NWSL) et masculine (MLS), les disparités sont encore plus criantes. Alors que le salaire moyen d’un joueur de la Major League Soccer est de 398 725$ en 2021, celui d’une joueuse de la NWSL commence à 22 000$ et ne dépasse pas 52 500$. Oui, vous avez bien lu: le plus haut salaire des femmes n’atteint même pas le salaire moyen des hommes. Non seulement ça, mais le plafond salarial des équipes féminines, fixé à 682 500$, ne dépasse pas le salaire moyen total de… deux joueurs masculins.
Le combat en prolongation
L’Association des joueuses de l’équipe nationale demeure toutefois peu impressionnée par la proposition de contrat identique aux hommes, affirmant que la proposition ne leur permet pas «d’obtenir l’égalité de rémunération et les conditions de travail les plus sûres possibles».
Alex Morgan ajoute également que recevoir le même contrat que les hommes est une chose, mais qu’il reste encore à vérifier si c’est un montant proportionnel à leur valeur. Gagner plus que les hommes? Why not.
Alex Morgan ajoute également que recevoir le même contrat que les hommes est une chose, mais qu’il reste encore à vérifier si c’est un montant proportionnel à leur valeur. Gagner plus que les hommes? Why not.
Là où le bât continue de blesser, c’est lorsqu’on examine les prix en argent reçus lors de la Coupe du monde. Par exemple, la FIFA remettra 440 millions en prix aux équipes nationales masculines qui participeront à la Coupe du monde en 2022, dont plusieurs dizaines de millions à l’équipe championne. À titre de comparaison, les équipes qui compétitionneront à la Coupe du monde féminine en 2023 recevront un total de 60 millions de dollars en prix.
Les joueuses de l’équipe féminine des États-Unis ont demandé à la USSF qu’elle compense ces disparités, mais sans succès.
«Jusqu’à ce que la FIFA égalise le prix monétaire qui est remis aux participantes et participants de la Coupe du monde, il nous incombe de trouver collectivement une solution», avait laissé entendre la présidente de la Fédération américaine de football Cindy Cone dans une lettre ouverte datant du 10 septembre dernier.
Et vous, si vous aviez à choisir, préféreriez-vous être dans les running shoes de Lucie ou dans ceux de Jean? On connaît d’avance la réponse et vous aurez compris qu’il reste encore du chemin à parcourir avant d’atteindre l’équité salariale.