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Couples sans enfants : vivre d’amour et de beaucoup d’argent

Est-ce que la parentalité est devenue un choix financier?

Par
Florence La Rochelle
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RenĂ©e et Martin ont le sourire fendu jusqu’aux oreilles : le couple de cinquantenaires fait dĂ©filer les photos sur leur tĂ©lĂ©phone, en s’arrĂȘtant sur leurs plus beaux souvenirs avant de me tendre fiĂšrement l’appareil. « Ça, c’est quand on a emmenĂ© les enfants en ski! »

« Les enfants », ce ne sont pas les leurs – ce sont ceux et celles de leurs ami.e.s. « Fonder une famille, c’est fabuleux! Mais c’est pas une obligation. Nous, on n’a jamais eu ce projet-là », explique RenĂ©e en lançant un regard complice Ă  Martin, tous les deux assis dans le solarium de leur belle maison de Rawdon avec vue sur le lac.

J’ai rencontrĂ© le duo il y a quelques semaines, alors que le mot-clic #DINKS (dual income, no kids, soit deux revenus, pas d’enfants en français) devenait viral sur TikTok. Avec le coĂ»t de la vie qui monte en flĂšche, faisant mal au panier d’épicerie, et l’accĂšs au logement et Ă  la propriĂ©tĂ© qui devient de plus en plus difficile pour les jeunes – et je ne parle pas des Ă©vĂšnements climatiques extrĂȘmes qui se multiplient – ne pas avoir d’enfants est un mode de vie qui gagne en popularitĂ©.

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Mais les promesses d’abondance financiĂšre et de libertĂ© telles que dĂ©peintes en ligne se sont-elles traduites dans la vie (et le portefeuille) des personnes qui ont fait ce choix il y a dĂ©jĂ  quelques dizaines d’annĂ©es? C’est pour rĂ©pondre Ă  cette question que je me suis entretenue avec le couple – et j’en ai profitĂ© pour poser quelques questions au planificateur financier indĂ©pendant Marc-Olivier Desmarais.

Quand la parentalitĂ© n’est pas sur la bucket list

Avoir un enfant coĂ»terait pas moins de 26 000$ par annĂ©e. Et ça, c’est une augmentation de 42% depuis 2016. Les principales catĂ©gories de dĂ©penses qui constituent ce montant sont les coĂ»ts de garde des enfants, les frais associĂ©s aux dĂ©placements et la nourriture. « C’est beaucoup plus de dĂ©penses fixes, avoir des enfants », explique Marc-Olivier.

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Mais quand je questionne RenĂ©e et Martin sur leurs motivations Ă  renoncer Ă  la parentalitĂ©, la charge financiĂšre n’est jamais Ă©voquĂ©e.

« Ça ne devrait pas ĂȘtre une question d’argent », affirme RenĂ©e, mĂȘme si elle conçoit que la hausse du coĂ»t de la vie n’était pas aussi effarante lorsqu’elle a pris cette dĂ©cision.

Pour la vĂ©tĂ©rinaire, devenir mĂšre n’a simplement jamais Ă©tĂ© dans les plans. « Ça s’est dĂ©cidĂ© trĂšs jeune pour moi, dans les annĂ©es 1980, explique-t-elle. Il y avait dĂ©jĂ  des enjeux d’environnement, de la guerre dans le monde. Je me suis sĂ©rieusement demandĂ© si je voulais mettre des enfants sur la Terre. »

Au-delĂ  des facteurs externes qui ont pesĂ© dans la balance, elle n’a tout simplement jamais eu le dĂ©sir de vivre la maternité : « Quand j’étais toute petite, je faisais une bucket list des choses que je voulais faire dans la vie. Avoir des enfants n’en faisait pas partie. »

Martin, de son cĂŽtĂ©, affirme simplement que : « L’opportunitĂ© ne s’est jamais prĂ©sentĂ©e avec les conjointes que j’ai eues dans ma vie. Il aurait fallu que ce soit un projet commun trĂšs fort. »

Vivre de flexibilité et de liberté

Le couple a investi son temps, son Ă©nergie, et ses Ă©conomies dans les voyages : « Ça nous a permis d’arpenter le QuĂ©bec au complet avec notre van et d’aller dans tous les festivals de musique que tu peux pas imaginer », lance l’ingĂ©nieur avant de me montrer quelques clichĂ©s de leur dernier sĂ©jour en voilier en Europe.

La van de Renée et Martin.
La van de Renée et Martin.
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Sur le plan professionnel, ne pas avoir d’enfants est synonyme de flexibilitĂ© pour le couple, qui, Ă  une autre Ă©poque, a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  sĂ©journer hors du pays pour le travail.

« Ça permet de saisir toutes les opportunitĂ©s professionnelles qui se prĂ©sentent », explique RenĂ©e.

Sans surprises, le duo se dĂ©brouille aujourd’hui trĂšs bien financiĂšrement. Martin estime d’ailleurs que leur foyer serait « dans le 5% », ce qui correspondrait Ă  un revenu annuel conjoint d’environ 270 000$ par annĂ©e, selon Statistique Canada.

C’est ce qu’observe Marc-Olivier auprĂšs de sa clientĂšle : « Mes clients qui n’ont pas d’enfants peuvent habiter dans un condo plutĂŽt qu’une maison, acheter plutĂŽt que louer et se concentrer sur le travail. Leur potentiel de revenus est plus grand parce qu’ils ont plus de temps Ă  accorder Ă  ça. »

Les enfants des ami.e.s

Mais mĂȘme s’il n’a pas d’enfants, ça ne veut pas dire que le duo ne cĂŽtoie jamais la marmaille :

« Notre famille, c’est nos ami.e.s. On a toujours intĂ©grĂ© leurs enfants dans les activitĂ©s, les soupers, les Ă©vĂšnements qu’on organisait. On a des enfants dans nos vies quand mĂȘme. »

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Martin explique fiĂšrement avoir toujours Ă©tĂ© trĂšs impliquĂ© auprĂšs des familles de ses ami.e.s. « On a organisĂ© des fĂȘtes d’enfants chez nous, avec toutes sortes de petits jeux. » « La bataille de ballounes d’eau Ă©tait trĂšs populaire! », ajoute RenĂ©e en riant.

Martin auprĂšs des deux fils d’un couple d’ami.e.s.
Martin auprĂšs des deux fils d’un couple d’ami.e.s.

BientÎt de jeunes retraité.e.s?

« La retraite prĂ©coce, c’est ce qu’on voit le plus souvent » chez les DINKS, explique Marc-Olivier. « S’ils sont capables d’épargner une grosse proportion de leurs revenus – tĂŽt – ils peuvent se bĂątir un fonds de pension vraiment vite, et donc diminuer le temps de travail passĂ© un certain point », ajoute le planificateur financier, qui prĂ©cise tout de mĂȘme qu’encore faut-il avoir envie d’un mode de vie relativement sobre.

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Mais quand je parle Ă  Martin et RenĂ©e de l’idĂ©e de se retirer du marchĂ© du travail, le couple ne manifeste pas d’enthousiasme particulier. « J’adore le travail que je fais, explique Martin. Mais c’est sĂ»r que si je pouvais diminuer les heures tranquillement, ce serait l’idĂ©al. C’est pas pressant. »

Pour le couple dont la vie sociale s’est articulĂ©e autour des amitiĂ©s, difficile d’entrevoir une retraite oĂč ils ne sont pas accompagnĂ©.e.s de leurs ami.e.s pour en profiter.

« J’vais prendre ma retraite Ă  l’ñge oĂč mes ami.e.s vont la prendre, explique martin. Si je la prenais en ce moment, je serais tout seul de ma gang. Nos projets de retraite, faut que ça marche avec les autres. »

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Moins travailler, ce n’est pas non plus ce qui motive RenĂ©e, qui trouve le principe de la retraite un peu « flou », plus elle s’en rapproche. « Ce qui est important, c’est de faire ce qui nous tente dans la vie. C’est sĂ»r que nous, on a une certaine indĂ©pendance financiĂšre, alors ces choix-lĂ  sont plus faciles Ă  faire. » Mais pour l’instant, ces choix-lĂ , ce sont de simplement de continuer Ă  organiser des soirĂ©es dansantes dans la belle vĂ©randa de leur maison, et de voyager en se rapprochant de la nature – tout en s’investissant dans leurs emplois respectifs.

Renée en camping.
Renée en camping.
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Des projets, et pas de regrets

RenĂ©e en convient : fonder une famille, c’est le projet d’une vie. Mais ce ne sont pas non plus les projets qui manquent au sein de son couple. « Vu qu’on n’a pas d’enfants, il a fallu qu’on se trouve une raison d’ĂȘtre lĂ , d’ĂȘtre heureux et de continuer! Donc, on a l’habitude de se trouver des projets Ă  faire », explique-t-elle.

Quand je questionne Marc-Olivier sur la question de la succession dans les couples sans enfants, il insiste sur l’importance du testament. « Les hĂ©ritiers lĂ©gaux changent si on a des enfants ou pas », lance-t-il. Il prĂ©cise que, par exemple, si un couple en union libre sans testament achĂšte une maison (et donc que chaque personne possĂšde 50% de la propriĂ©tĂ©), et que l’un d’eux dĂ©cĂšde, la moitiĂ© de la maison irait Ă  la famille du dĂ©funt. RĂ©sultat : l’un des membres du couple devient co-propriĂ©taire avec sa belle-famille. « Bref, il faut vraiment avoir un testament », conclut-il – chose dont RenĂ©e et Martin sont bien conscient.e.s, comme ils ont longuement pensĂ© Ă  leur hĂ©ritage : « Pour nous, ce sera pas aussi concret qu’une maison lĂ©guĂ©e Ă  des enfants. Mais on va donner autrement », expliquent-ils.

« En vieillissant, s’il nous arrive quelque chose, c’est certain qu’on est moins entourĂ©.e.s. Il faut prĂ©voir un assez gros coussin financier pour pallier cette Ă©ventualitĂ©-lĂ . », ajoute-t-elle.

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Mais d’ici Ă  ce que le coussin serve, Martin et RenĂ©e comptent bien profiter de leurs moyens et de la vie qu’ils ont bĂąti avec leurs ami.e.s – sans regrets. « Moi j’ai pas de regrets. On dit que ça prend un village pour Ă©lever des enfants. Nous, on a fait partie du village, tout simplement », lance fiĂšrement RenĂ©e.

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