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Contraception masculine : pourquoi ça n’avance pas ?

Oui, c'est possible de partager la charge contraceptive.

Par
Laurence C Germain
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Comme beaucoup de femmes, je prends la pilule contraceptive par « précaution ». Ça n’a pas été un super fit, au début : j’ai connu des symptômes dépressifs, une prise de poids et des maux de tête. Bien entendu, les effets indésirables varient d’une femme à l’autre.

Toutefois, la liste des possibles conséquences sur notre santé demeure (trop) longue.

Cette pilule nous donne malgré tout un privilège important, soit celui d’avoir le contrôle sur notre maternité. Cet avantage est parfois lourd à porter, en raison de la charge mentale contraceptive qui vient avec ! Un matin grisou, après avoir pris mon petit comprimé chimique, et éteint mon alarme « PILULE !!! », je me suis demandé où est-ce qu’on en était avec les recherches concernant la contraception masculine.

Pour répondre à cette grande question, j’ai eu la chance d’échanger avec Emmanuelle Gareau, chercheuse en santé sexuelle affiliée au Club Sexu.

Pourquoi est-ce qu’on n’en entend pas parler plus que ça?

Tout d’abord, il faut savoir que les recherches entourant les méthodes de contraception masculine ont débuté dans les années 1970.

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« L’intérêt a fluctué au fil des années. En 1980, c’était la crise du VIH/Sida, donc les efforts de sensibilisation ont été tournés vers l’importance du condom qui est, encore à ce jour, le seul moyen de se protéger des ITSS », m’explique Emmanuelle.

Dans les années 1990, l’intérêt envers le développement de nouvelles méthodes contraceptives reprend. C’est pourquoi il y a eu la création du Summit Meeting on Male Contraception, pour regrouper les initiatives sur le sujet et créer un espace afin de partager les résultats et les avancements méthodologiques et empiriques.

« En 2024, les deux seules méthodes de contraception reconnues pour les hommes sont le condom et la vasectomie. »

« Malgré l’intérêt populaire pour le sujet, les recherches sont un peu moins actives qu’elles l’ont déjà été », poursuit Emmanuelle.

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Où en sont actuellement les recherches?

« Il y a plusieurs recherches en cours sur différentes méthodes contraceptives dites plus alternatives. Toutefois, celles-ci n’ont pas encore été testées suffisamment pour être approuvées, mais elles se concentrent principalement sur trois types de méthodes », me précise Emmanuelle.

D’abord, il y a les méthodes hormonales qui sont similaires aux contraceptifs féminins. Celles-ci se développent sous forme de pilules, d’implants, d’injections ou de gels transdermiques, afin de supprimer temporairement la production ou la fonction de spermatozoïdes.

Ensuite, il y a les méthodes thermiques. Ici, on explore l’utilisation de la chaleur pour freiner la production de spermatozoïdes dans les testicules, résultant en une contraception temporaire.

Finalement, il y a les méthodes dites « physiques ». Des dispositifs qui agissent physiquement pour bloquer le passage des spermatozoïdes sont étudiés, par exemple, le Vasalgel qui est injecté directement dans le canal déférent.

Une pilule miraculeuse?

En février 2023, une étude faite par le Weill Cornell Medicine (New York, É.-U.) a été publiée. Celle-ci montrait des résultats encourageants pour la phase préclinique d’une pilule qui permet d’arrêter ponctuellement l’activité des spermatozoïdes.

Pour l’utiliser, il s’agit simplement de prendre le comprimé quelques heures avant le rapport sexuel.

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C’est une méthode novatrice puisqu’elle a connu un taux d’efficacité de 99 % et n’a pas provoqué d’effets secondaires visibles. Toutefois, elle nécessiterait plus de tests avant de pouvoir être commercialisée.

Est-ce que les hommes sont prêts?

Le pourcentage d’hommes désirant y adhérer varie énormément. Selon une étude faite en 2021, ça allait de 34 % à 82 %. C’est difficile d’obtenir un pourcentage précis sur cette question puisqu’il y a beaucoup de facteurs dont il faut tenir compte lorsqu’on interroge les hommes, soit leur contexte socio-économique, leur bagage culturel et leur vécu relationnel.

Toutefois, une autre étude faite en 2023 auprès d’hommes vivant aux États-Unis et au Canada démontre que 75 % d’entre eux seraient ouverts à utiliser une nouvelle méthode contraceptive masculine.

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Il y a donc un intérêt grandissant quant au partage de responsabilités entourant la contraception.

Emmanuelle m’explique cependant que pour l’instant, « les expert.es s’entendent pour dire que c’est trop risqué, non pas pour la santé, mais financièrement, d’essayer de rentrer un nouveau produit dont l’acceptabilité est là, en théorie, mais peut-être pas en pratique ».

En termes de réglementation, il n’y a pas de ligne directrice pour déterminer si c’est considéré comme une méthode de contraception efficace et sécuritaire .

Quelle est la solution pour faire avancer les choses ?

« Il y a une réelle discussion qui s’amorce autour des enjeux en lien avec la contraception masculine. Dans tous les cas, on doit continuer à alimenter l’intérêt de la population sur le sujet, afin de faire évoluer les choses », me répond Emmanuelle sur un ton optimiste.

Personnellement, même si j’aimerais faire partie de la solution, j’ai encore plusieurs questions auxquelles j’aimerais avoir des réponses. D’abord, comment puis-je contribuer, sur le plan individuel, à ce changement de mentalité? Est-ce que nous devons commencer à sensibiliser nos jeunes à la charge mentale contraceptive? Est-ce que les cours d’éducation à la sexualité devraient aborder cet enjeu?

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