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Parents et polyamoureux

Deux familles nous racontent comment elles gèrent ça.

Par
Alexia Boyer
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Les trois enfants de Caterina étaient adolescents lorsqu’elle a rencontré Marc, lui-même papa de trois enfants un peu plus jeunes. Aucun des deux n’avait encore fait l’expérience du polyamour. Toutefois, une chose était certaine : ils n’avaient pas envie de se lancer dans une nouvelle relation monogame. Tous deux ont d’abord formé un couple ouvert. Caterina a ensuite développé une relation avec un autre homme, Fabrice et son couple s’est transformé en relation polyamoureuse.

Amélie étudiait à l’université lorsqu’elle a rencontré un couple de voisins dans sa résidence étudiante, Éloïse et Max, qui étaient en relation depuis plusieurs années. Ensemble, ils avaient un bébé, Charlie. Aucun d’entre eux n’avait encore fait l’expérience du polyamour, bien qu’Amélie cultivait un intérêt pour le sujet.

Lorsque Éloïse et Max ont commencé à discuter d’ouvrir leur couple, ils ont tout de suite pensé à Amélie. Le couple et leur amie ont d’abord formé une triade, avant d’évoluer vers une relation en V*.

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  • * (On vous a préparé un petit lexique au bas du texte pour les définitions.)

L’annonce aux enfants

Dans le polycule d’Amélie, annoncer le plus tôt possible la nouvelle à Charlie, 3 ans, apparaissait comme une évidence. « Les enfants le sentent », témoigne la jeune femme. « Comme on a rapidement habité ensemble, ça allait de toute façon bouleverser sa vie. » L’annonce n’a toutefois pas semblé perturber Charlie. Selon Amélie, cette réaction s’explique par le fait qu’il n’avait pas encore établi de modèle de référence.

« Ce qui me surprend, c’est la plasticité des enfants. Ils s’adaptent très facilement, une fois l’effet de surprise passé », explique Caterina, dont l’annonce à ses adolescents s’est faite très naturellement.

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Les deux plus jeunes filles de Marc, des jumelles âgées de dix ans à l’époque, ont cependant été tenues dans le secret plus longtemps, comme leur mère s’opposait à ce qu’elles soient informées de la nouvelle situation amoureuse de leur père. « J’avais peur que l’une d’elles nous voie avec un autre partenaire et soit déchirée par un conflit de loyauté, ne sachant pas si elle devait nous en informer ou non », confie Caterina.

À 13 ans, les jumelles ont finalement amorcé la discussion lors d’un voyage en famille avec Caterina, Fabrice, et leur père. « Si les enfants posent la question, c’est qu’ils sont prêts à entendre la réponse », pense Caterina. « Les choses ont été expliquées calmement et elles sont passées à autre chose. » Caterina pense que leur réaction positive provient, notamment, de leur éducation sans tabous et de leur connaissance préexistante du polyamour. Elle croit aussi que les enfants développent une empathie particulière lorsqu’ils évoluent dans ce genre de schéma familial.

« Ils se rendent compte que c’est l’humain qui prime, et pas forcément le statut de la personne dans la famille », poursuit-elle.

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Trouver sa place

Quand Amélie a effectué des recherches en ligne sur les familles polyamoureuses, elle a surtout trouvé des informations sur les trios de parents. En effet, aucun rôle alternatif à celui de parent ne lui était présenté. « Ça m’a fait un choc, car j’avais 21 ans, et je n’avais pas prévu d’avoir des enfants », raconte-t-elle. Au fil du temps, la jeune femme s’est rendue compte qu’elle ne se percevait pas comme un parent pour Charlie, notamment parce qu’elle n’était pas présente au moment du projet de grossesse.

Ainsi, elle se perçoit davantage comme une belle-mère qui contribue au développement de Charlie et participe aux activités du quotidien, mais ne partage pas la charge financière de son éducation ni la responsabilité d’être toujours disponible pour lui.

Marc et Caterina, quant à eux, ne vivent pas les mêmes problématiques. En effet, ils ne vivent pas sous le même toit, et leurs enfants sont plus âgés. Bien que les rythmes de garde partagée soient synchronisés afin de pouvoir passer du temps ensemble, chaque famille a ainsi pu conserver son propre fonctionnement.

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Un manque de reconnaissance

Au quotidien, les familles poly comme celles d’Amélie et Caterina rencontrent à peu près les mêmes enjeux que les familles traditionnelles, en plus de certains défis particuliers. Par exemple, Amélie confie ne pas toujours recevoir de soutien de la part de son entourage lorsqu’il est question de problématiques en lien avec Charlie. « Les gens considèrent qu’il n’est pas mon enfant et que je n’ai qu’à partir », explique-t-elle.

Ce manque de reconnaissance s’exprime également au niveau juridique.

« Pour moi, la distinction entre mère et belle-mère est importante. Je ne ressens pas le besoin d’être sur les papiers », confie Amélie.

Celle-ci pense toutefois qu’il serait important d’avoir cette possibilité légale, notamment pour être autorisée à s’occuper de lui s’il arrivait quelque chose à ses parents biologiques.

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Toutefois, ce désir pourrait un jour devenir réalité, car la Coalition des familles LGBT+ ainsi que deux familles pluriparentales ont déposé, en février dernier, une demande à la Cour supérieure du Québec dans le but que les familles de plus de deux parents soient légalement reconnues dans la province.

Petit lexique du polyamour

Une triade désigne une relation polyamoureuse dans laquelle les trois personnes sont toutes en relation les unes avec les autres.

Une relation en V désigne une relation dans laquelle une personne est en couple avec deux autres personnes qui ne sont pas elles-mêmes en couple.

Un polycule désigne le groupe formé par une personne, les personnes avec qui elle est en relation, et les personnes avec qui ces dernières sont également en relation.