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Conflit ou harcèlement psychologique au travail?

Chose certaine, c'est souffrant et il faut en parler.

Par
Alexandre Perras
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L’ambiance est loin d’être à la fête au Musée des beaux-arts de Montréal après que des témoignages mentionnant un «climat de travail toxique» au sein de l’entreprise ont été rendus publics dans les derniers jours.

On parle de conflits. On parle de harcèlement psychologique. Je réitère, c’est loin d’être rose.

Mais de tels concepts, leurs différentes formes et leurs différences peuvent malgré tout être assez difficiles à distinguer.

C’est pourquoi, j’ai demandé l’aide de Me Jean-Yves Brière, arbitre de grief et auteur du livre Harcèlement psychologique en milieu de travail : notions et recours, pour décortiquer le tout.

50 nuances de situations tendues

«Il faut bien comprendre que le milieu de travail est un milieu anxiogène, on a des échéanciers, on a des contraintes, on a de la pression, donc, c’est un milieu où les conflits sont propices à se développer entre les individus», m’explique d’entrée de jeu M. Brière.

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Sans faire dans la dentelle, le travail peut parfois nous faire chier, les deadlines peuvent faire chier et nos collègues peuvent aussi faire chier. Cela dit, c’est pas parce qu’une situation nous fait chier qu’elle est nécessairement abusive.

«La Loi sur les normes du travail prohibe ces situations de conflits au caractère vexatoire à l’égard d’un collègue par exemple. Par vexatoire, j’entends qu’il y a une intention de nuire, de blesser, d’humilier quelqu’un d’autre», ajoute M. Brière.

L’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail considère comme du harcèlement psychologique «une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.»

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Plus concrètement, le harcèlement peut se manifester de différentes façons. Le Bureau du respect des personnes de l’Université de Sherbrooke met à la disposition de sa communauté universitaire une liste d’exemples permettant de mieux les cerner:

– Empêcher une personne de s’exprimer – l’interrompre, lui interdire de parler aux autres;

– Isoler une personne – ne plus lui adresser la parole, l’ignorer, l’éloigner;

– Déstabiliser une personne – se moquer de ses convictions, de ses points faibles, faire des commentaires désobligeants, mettre en doute son jugement;

– Déconsidérer une personne – répandre des rumeurs à son égard, la ridiculiser, l’humilier, l’injurier ou la harceler sexuellement;

– Discréditer une personne – ne plus lui donner de tâches à accomplir, lui attribuer des tâches inférieures à ses compétences, la dénigrer devant les autres;

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– Menacer, agresser la personne – hurler, la bousculer, endommager ses biens.

La vie de patron

Mais où trace-t-on la ligne entre le harcèlement et les directives qu’on reçoit un peu mal?

Un boss reste un boss. C’est donc légitime pour ce dernier ou cette dernière d’avoir certains comportements relatifs à ses fonctions de «supérieur hiérarchique» au sein de l’entreprise. Du genre, déterminer la définition et l’attribution des tâches de son équipe, gérer le rendement au travail, l’assiduité, l’absentéisme, etc.

À titre d’exemple extrêmement basic: un patron ne vous harcèle pas lorsqu’il vous demande d’arriver à l’heure convenue. Même si ça peut vous faire chier qu’il s’obstine pour 15-20 minutes, il a malgré tout le droit de le faire. Les émotions négatives vécues face à cette réalité sont probablement causées par un conflit plutôt que du harcèlement, tout dépendant de la teneur de la situation, bien entendu.

«À la signature d’un contrat avec un employeur, l’employé accepte le lien de subordination, il accepte aussi que son “supérieur” lui donne des directives ou des façons de faire, me dit M. Brière. Toutefois, ce droit de gérance peut devenir abusif et dépasser le caractère légitime de son application et c’est dans ces situations-là qu’on arrive au climat toxique ou climat de peur.»

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Qu’est-ce que je peux faire?

«Pour les victimes, peu importe la forme du conflit vécu, il faut être bien conscient qu’elles peuvent vivre de grandes souffrances. Ce n’est pas du théâtre. Ces situations de conflit peuvent être très difficiles», me lance l’avocat.

Et afin de nous aider à gérer une telle situation, Me Brière observe trois étapes à considérer:

1- En parler

«Comme tout conflit, la première chose serait d’en discuter avec les gens qui sont impliqués dans la situation.»

2- Consulter la politique contre le harcèlement et les personnes-ressources de l’entreprise

«Toutes les entreprises devraient avoir une politique contre le harcèlement. Généralement, il y a aussi une personne-ressource qui est identifiée pour être capable d’intervenir, concilier les partis et trouver des solutions mitoyennes.»

3- Évaluer les recours possibles

«Pour les personnes syndiquées, il est possible d’avoir recours à son syndicat via son représentant syndical. Que ce soit pour régler une situation entre un employé et son supérieur, mais aussi entre employés. Pour les non-syndiqués, il y aura la CNESST

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Ces mécanismes humains et institutionnels permettront d’avoir l’heure juste sur la situation vécue au sein d’une entreprise donnée et de prendre les démarches nécessaires en cas de harcèlement dans le milieu de travail.

D’où l’importance d’en parler et d’aller chercher l’aide nécessaire peu importe la situation de conflit, qu’elle soit juridique ou non.