.jpg)
0-2 ans
Confession : je n’ai pas aimé voyager avec mon enfant
Ou la fois où j’ai été confrontée à ma maternité performative.
Il y a trois ans, pendant mon premier congé de maternité, je cultivais un petit rêve : celui de partir en voyage avec mon bébé. La vie étant un tourbillon, nous avons opté pour un petit séjour en Californie, question de se tremper les orteils et de s’évader un peu. Le plan? Passer quelques jours dans le Bay Area, puis louer une voiture et longer le bord de la mer jusqu’ à Santa Cruz.
Mais voilà, très tôt dans le voyage, je me suis rendu compte d’une chose : ce n’était pas ce à quoi je m’attendais. Pour l’affirmer clairement, je n’ai pas aimé partir avec mon enfant. Pas parce que ça s’est mal passé. Au contraire, tout s’est bien passé. J’ai juste trouvé ça… épuisant.
Attentes versus réalités
En voyage, la routine ne s’arrête pas : elle s’exporte. Pour éviter les désagréments, ça demande beaucoup de planification et un paquet de dépenses supplémentaires : parc ou cododo? Coquille ou pas coquille? Poussette normale ou location de poussette de voyage? La fameuse valise Jetkids à 300$?
Moi qui ai parcouru l’URSS et l’Europe avec mes parents hippies en 1989, mon idée du voyage en famille était ancrée dans une réalité désormais révolue. Je pensais que ça serait simple, qu’il suffisait de booker les billets et de « go with the flow ».
N’en déplaise aux parents qui ne jurent que par la phrase « les enfants n’ont qu’à suivre », le tempérament desdits enfants joue dans la balance de l’agréabilité de l’expérience. Et ça aussi, ça fait partie des paramètres qui échappent à notre contrôle. C’est un apprentissage et un deuil que Mélanie Boulay a dû faire lors de ses multiples tentatives d’escapades familiales :
« Mes parents nous trimballaient partout ma sœur et moi quand on était jeunes alors c’est sûr que j’ai eu envie de reproduire ça. Aussi, avec ma carrière en musique, dans ma tête, c’était sûr que mes enfants allaient devoir se « conformer » à mon mode de vie et je me suis vraiment imaginé les emmener partout avec moi. Mes deux enfants sont hypersensibles, donc modifier leur environnement, ça donne des gros meltdowns, des nuits sans sommeil…On revient complètement brûlés, en ayant profité si peu. »
L’éléphant dans la pièce
L’idée d’un voyage avec bébé pendant mon congé de maternité s’était imposée à moi via mon fil Instagram. J’y avais vu un rite de passage obligatoire pour tous les trentenaires « cools » de la classe moyenne, ignorant délibérément la réalité derrière chaque cliché pris dans un lieu idyllique.
Si je n’étais pas partie, j’aurais eu l’impression d’échouer à incarner l’image que je m’étais construite de la maternité.
On le sait tous : les réseaux sociaux ont une immense influence sur les choix qu’on fait au quotidien. Par conséquent, le genre de parent qu’on devient, est inévitablement façonné par Instagram et le voyage en famille n’échappe pas au phénomène.
Parfois, même si nous sommes conscients de tous ces mécanismes, on tombe dans le piège.
C’est aussi le cas d’Ada Kraszczynski, qui rêvait de faire un voyage avec son bébé lors de son « congé » de maternité : « J’avais l’impression que tout le monde sur Instagram disait que c’était le rêve de voyager avec un bébé. J’ai vite déchanté. Mon conjoint et moi sommes allées en Pologne présenter mon fils de 4 mois à ma famille en Pologne et ensuite, nous sommes allés au Portugal. J’avais l’impression que tout le monde sur Instagram disait que c’était le rêve de voyager avec un bébé. J’ai vite déchanté. Quand je suis revenue, mon sentiment n’était pas celui d’avoir vécu le rêve, mais plutôt un grand chaos. Tu ne fais que t’occuper de ton bébé, mais ailleurs, donc pas dans tes affaires. Ça rend juste les choses plus difficiles. »
Société de performance, quand tu nous tiens
Selon un article paru dans The Atlantic l’été dernier, cette tendance des parents milléniaux à vouloir coûte que coûte voyager avec leur enfant s’inscrirait dans la « parentalité intensive », un courant qui prend racine dans la société de performance et qui pousse les parents à tout mettre en oeuvre pour favoriser les développements de leurs enfants dans l’espoir de voir leur parcours de vie jalonné de succès.
Bien que les voyages aient également de nombreux bénéfices, la question que je me pose est la suivante : sommes-nous obligés de le faire si tôt? Si on attend que l’enfant ait 5 ou 6 ans, avons-nous déjà ruiné sa capacité à devenir une personne ouverte sur les autres cultures?
Je ne suis pas une experte, mais mon intuition maternelle me dit « probablement pas ».
Et mon voyage dans tout ça?
Mon voyage plate et trop aura finalement servi à quelque chose : il m’a confrontée à ma propre maternité performative et à mon obsession avec mon idée de la « réussite ». Je voulais croire que j’étais cette mère : celle qui n’est pas épuisée après 12 heures de vol passées à divertir un enfant.
Dans ce voyage, on a récolté – évidemment – quelques beaux souvenirs, mais j’ai surtout avancé d’un pas de géant dans la construction de ma nouvelle identité.
Ce texte n’est pas un appel au boycottage des escapades en famille (les bienfaits de celles-ci sont multiples!). C’est une incitation à le faire en pleine conscience, sans honte, sans attentes irréalistes, sans chercher inconsciemment à reproduire la vie des autres et surtout… Sans pression!
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!