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Comment vivre en solo en forêt selon un pro

Il nous donne ses meilleurs trucs en direct de sa demeure, les monts Groulx.

Par
François Breton-Champigny
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Quiconque a déjà eu un ras-le-bos de la civilisation a probablement chéri l’idée d’aller s’établir dans le fin fond des bois pour échapper aux vicissitudes de l’Homo sapiens et reconnecter avec la nature.

Si peu de gens ont tenté cette aventure à la Christopher McCandless de Into the Wild, Guy Boudreau, lui, n’a pas hésité à s’établir pour de bon dans son « camp » perché au creux des monts Groulx il y a quelques années.

On s’est entretenu avec le guide d’aventure (qui a aussi été la star d’un épisode de La Belle Vie) afin d’avoir une idée de la base pour adopter un mode de vie très loin des bouchons de circulation et des cônes orange.

Les monts Groulx, un paradis boréal

Bien qu’il soit né entouré de grands espaces et qu’il ait plongé tout jeune ses mains dans le sol de la forêt boréale, ce n’est que beaucoup plus tard que Guy Boudreau a décidé de renouer avec sa Côte-Nord natale. « Je suis natif de Gagnon, une ancienne ville minière qui est aujourd’hui abandonnée. À dix ans, j’allais dans le bois faire des camps et des feux seul. Dans ce temps-là, le plein air ne faisait même pas partie de mon vocabulaire. Mon quotidien se déroulait dehors », raconte le guide d’aventure au bout du fil.

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Expatrié pour des études depuis un bail, c’est vers la fin des années 80, quelques années seulement après la fermeture de la ville, que Guy Boudreau décide de remonter vers une Gagnon désertée avec des amis d’école pour voir ce dont elle a l’air. « Sur la route pour nous y rendre, j’ai aperçu les monts Groulx et j’ai été absolument émerveillé. Plein de souvenirs me sont revenus et je me suis souvenu de leur présence dans mon paysage d’enfance », relate l’homme des bois.

Dès son retour en ville, Guy Boudreau organise une randonnée dans les monts Groulx, sa « première grosse », qui s’est finalement soldée en un petit désastre pour le guide, qui a dû décharger son sac « tous les kilomètres » puisqu’il était trop lourd. « Rendu en haut, c’était absolument fabuleux! La toundra alpine à perte de vue était féérique! »

«Il faut prendre son temps et “magasiner” l’endroit selon ce qu’on a comme objectif.»

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À la lumière de son expérience, Guy Boudreau se donne comme objectif de construire un camp dans les monts Groulx et de les traverser d’est en ouest. Pour y arriver, le natif de la Côte-Nord est retourné fréquemment sur place dans les années subséquentes, jusqu’à sa grande traversée en 1995. C’est seulement en 1998 qu’il s’est finalement choisi un terrain sur les terres de la Couronne (aussi appelées terres publiques) et qu’il a demandé un bail à la MRC de la région pour y construire un camp dans le but d’être guide d’aventure.

Après avoir habité onze ans dans les Laurentides et avoir passé plusieurs années à bâtir sa forteresse solitaire en plein cœur de la forêt, Guy Boudreau a tout vendu sauf ses « bobettes et son stock de plein air » et y a déménagé ses pénates pour de bon en 2015.

Choisir son bout de terrain comme il faut

Si les monts Groulx constituent la demeure de Guy Boudreau, le guide d’aventure ne conseille pas nécessairement cet endroit à n’importe quel quidam souhaitant s’établir dans un milieu sauvage. « Il faut prendre son temps et “magasiner” l’endroit selon ce qu’on a comme objectif », mentionne-t-il.

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L’homme qui tient la page Facebook Guy Boudreau – En direct des monts Groulx spécifie qu’on doit d’abord prendre en considération si le bout de territoire convoité appartient à un propriétaire privé ou s’il fait partie des terres publiques. Pour le savoir, on peut consulter la municipalité. S’il fait partie des terres publiques, comme c’est le cas pour celui du guide d’aventure, on doit se doter d’un bail spécifique à la construction d’un bâtiment directement auprès de la MRC de la région visée.

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Mais avant même de couper un arbre pour entamer la construction, Guy Boudreau conseille fortement de s’équiper d’une tente de type « prospecteur », une habitation à mi-chemin entre une tente traditionnelle et un petit bâtiment, afin de voir si on aime l’idée de vivre sur les lieux. « Ça permet d’avoir un petit camp de base qui ne coûte pas trop cher, qui se monte facilement et qui peut être assez confortable pour y rester quelques semaines, voire quelques mois », explique-t-il.

En termes d’emplacement, Guy Boudreau souligne qu’il est préférable de s’installer assez près d’un cours d’eau qui sera accessible en hiver (certains s’assèchent pendant cette période). « Il faut s’assurer qu’il y a une bonne circulation de l’eau, sinon on se ramasse avec de l’eau stagnante qui peut être pleine de bactéries », indique-t-il.

Un autre élément à considérer est la luminosité et l’orientation de la future demeure : « Le but est de choisir un endroit assez à l’abri des intempéries, mais pas trop caché des rayons du soleil pour avoir de la chaleur. D’ailleurs, la façade devrait faire face au sud pour optimiser le temps d’ensoleillement. »

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S’équiper pour la vie sauvage

Si on souhaite se construire, il faut évidemment un coffre à outils assez bien garni, comprenant un marteau, une scie égoïne et une équerre, mais aussi d’autres items plus spécifiques comme une hache à fendre et une autre pour le petit bois ainsi qu’une scie mécanique, selon Guy Boudreau. « Un véhicule qui est en mesure de transporter le matériel ne fait pas de mal non plus! Pas nécessaire d’avoir un pick-up, mais disons qu’une Honda Fit ne correspond peut-être pas aux besoins que vous allez avoir », illustre-t-il en riant.

«Être 100 % autonome, c’est un autre dossier. Je ne conseille pas à un débutant de se lancer là-dedans.»

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Faut-il être un pro de l’autocueillette ou de la chasse pour caresser l’idée d’aller vivre en forêt? « Vraiment pas, indique le guide d’aventure. Être 100 % autonome, c’est un autre dossier. Je ne conseille pas à un débutant de se lancer là-dedans. Je dirais plutôt d’être stratégique avec les provisions qu’on va faire en magasin et d’être prévoyant. »

Selon lui, un des plus grands défis lorsqu’on adopte ce mode de vie est de garder la nourriture au frais, surtout dans les périodes de grandes chaleurs. Pour y arriver, l’expert a quelques tours dans sa manche. « Une façon simple est de creuser un trou dans le sol et de se faire une sorte de “chambre froide” en protégeant le tout pour ne pas que l’eau s’infiltre. On peut aussi se construire une petite cabane de quatre pieds par quatre pieds très bien isolée avec quatre pouces de styromousse tout le tour et du bran de scie, dans laquelle on peut mettre de la neige ou de la glace en hiver. Ça donne un petit frigo qui va durer une bonne partie de l’été. »

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L’expert mentionne qu’il est aussi possible de s’acheter des bacs en plastique dans lesquels on met des roches. On plonge par la suite ces bacs jusqu’à la moitié dans un cours d’eau pour garder la bouffe au frais. « L’inconvénient, c’est que si on a affaire à un ruisseau, il peut vite grossir en raison de la pluie et votre nourriture peut partir dans le courant. Il faut donc être vigilant », prévient-il.

La dureté du mental : la clé du succès en forêt

« On ne se le cachera pas, ça prend quelqu’un de manuel et d’assez créatif », estime Guy Boudreau quand on lui demande quelles sont les aptitudes à avoir pour se lancer dans un projet de cette envergure.

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Quant aux traits de personnalité optimaux, le guide d’aventure indique que la patience est une arme redoutable pour faire face aux aléas du quotidien en pleine nature. « Ma maison est à 500 mètres de la route et il n’y a pas de chemin pour s’y rendre. L’été, je transporte tout mon stock sur mon dos. Ça prend parfois quelques voyages pour que j’arrive au bout, mais ça fait partie du deal », explique Guy Boudreau, qui suggère de ne pas bâtir son habitation à plus d’un kilomètre de la route.

«Souvent, les gens veulent s’en aller en forêt parce qu’ils sont écoeurés de la société, mais ce n’est pas le bon réflexe à avoir.»

Le message de l’expert de la vie en forêt est clair : si on choisit cette avenue, ça doit être pour les bonnes raisons. « Souvent, les gens veulent s’en aller en forêt parce qu’ils sont écoeurés de la société, mais ce n’est pas le bon réflexe à avoir. Les bébittes qu’on a en société, on va les avoir aussi dans la brousse et ils vont peut-être même revenir au galop puisqu’on n’a pas de distraction comme en ville pour éviter ce type de pensée. Il faut être bien avec soi-même à la base et non fuir ses problèmes par la nature, sinon ça ne fonctionnera pas », affirme le guide d’aventure.

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Si vous êtes avide d’encore plus de conseils de ce gourou des monts Groulx, soyez rassurés, un livre est présentement en préparation (la date de publication est encore incertaine, mais est estimée au printemps 2022) et on peut retrouver des informations et des formations (dont une prévue à l’hiver prochain) sur la page Facebook de Guy Boudreau.

De notre côté, on va aller magasiner les tentes de « prospecteur » et partir à la recherche de petits coins tranquilles pour passer l’hiver. Ciao!