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Je l’avais deviné. Depuis plusieurs mois, ma fille reçoit un cadeau à presque chaque visite chez sa grand-mère. Chaque fois, la même étiquette trahit sa provenance. Et chaque fois, la provenance de l’achat est mentionnée avec fierté, parce que pour les clients fidèles de la plateforme, Temu signifie une sorte de gain, de victoire.
Mais l’attrait pour Temu est loin d’être partagé par tous, et avec raison. Qu’elles soient en lien avec l’environnement, les droits humains ou la loi, les critiques contre Temu sont légitimes. Mais elles n’empêchent pas la marque de faire de plus en plus d’adeptes, surtout chez les boomers.
Tout juste après Shein, le site d’achat chinois est le dernier d’une longue liste à vendre des objets et des vêtements pour des prix ridiculement bas. La recette fonctionne à plein régime, avec une augmentation de son chiffre d’affaires de 700% en 2023. Au moment où l’inflation rongeait la population, sur Temu, le prix du linge et des bébelles n’a quant à lui jamais été aussi bas.
Si l’essentiel est hors de prix, le non essentiel, lui, n’a jamais été aussi abordable.
La fièvre de l’achat en ligne a gagné nos parents et grands-parents. Les sites comme Reddit regorgent de témoignages de gens qui déplorent que leurs parents boomers soient devenus accros à Temu. Les statistiques révèlent que les boomers achètent, en moyenne, deux fois plus que les acheteurs de la génération Z, et ce, même si de prime abord, on pourrait penser que c’est plutôt ces derniers qui seraient le public cible.
Mais qu’est-ce qui explique cette différence générationnelle? La plupart des articles publiés à ce sujet laissent place à quelques témoignages, mais peu offrent des explications satisfaisantes. Je vais donc tenter quelques hypothèses :
1- La gamification
La roulette russe des rabais, le design du site, tout est fait pour rappeler les jeux de casino, à la différence qu’on gagne des rabais plutôt que de l’argent sonnant. L’aspect loterie du site est donc attrayant pour une clientèle qui est aussi fréquemment celle courtisée par les casinos.
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2- L’envie d’offrir
Les boomers ont atteint un âge où ils ont envie de gâter leurs enfants et surtout leurs petits-enfants, mais ils n’ont pas toujours les moyens de le faire à la fréquence qu’ils le souhaiteraient.
De plus, les boomers n’ont pas nécessairement les mêmes motivations lorsqu’ils achètent un cadeau que les milléniaux. Selon une étude, les boomers le feraient davantage par obligation et ne se préoccupent donc pas autant d’acheter un cadeau pour faire plaisir au receveur. Pour les générations plus jeunes, acheter un cadeau personnalisé est plus important que pour leurs aînés.
Temu ne fait pas dans la personnalisation, mais si vous cherchez du rapide et du pas cher qui s’offre facilement, le site est une bonne solution.
3- Les courants qui découragent les achats
Les milléniaux ont été très influencés par l’arrivée du fast fashion vers la fin des années 2000, puis ont été frappés par la crise économique. Après le fun est venu la facture et plusieurs milléniaux se sont endettés jeunes, englués par les dépenses quotidiennes encouragées par le vortex de la consommation.
Ce fut mon cas, surendettée à 30 ans, sans aucun investissement solide, sauf des vêtements et des cossins qui traînent dans mon garde-robe.
C’est pourquoi la vague minimaliste de 2010 a frappé aussi fort. De Marie Kondo à l’engouement pour la méthode FIRE, bien des milléniaux ont été attirés par le désir de se débarrasser du superflu et d’épurer leur espace.
Et vous savez ce qui ne fonctionne pas du tout avec ces valeurs? Temu.
4- L’intérêt pour le vintage
Le vintage revient à la mode chez les plus jeunes, avec le retour en force des marques, mais aussi des friperies et des marchés aux puces. Les courants de mode tels que le old money évoquent aussi une recherche de qualité et de durabilité dans un monde de consommation effréné.
Au contraire, les boomers ont vécu dans un monde qui s’est métamorphosé. À leur époque, les vêtements coûtaient très cher, de même que bien des produits superflus. Il est donc normal qu’aujourd’hui, ils soient estomaqués par leur pouvoir d’achat.
5- La montée de l’achat en ligne
Temu a aussi réussi à attirer les boomers car ceux-ci sont moins résistants qu’ils ne l’étaient à acheter en ligne. En cela, nous pouvons remercier (ou blâmer) la pandémie qui a popularisé l’achat en ligne auprès d’une clientèle qui aurait continué à visiter les boutiques et centres d’achat s’ils étaient restés ouverts.
Car les boomers sont généralement de fidèles consommateurs. Et s’ils ont une expérience positive sur un site, ils continueront de le visiter. Encore et encore.
« Ben oui, j’ai acheté ça sur Temu. »
L’ère des cossins est loin d’être terminée.