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Comment profiter du bas taux de chômage?
Pénurie de main-d’œuvre, chômage, croissance, création d’emploi… On peut parfois se perdre parmi la multitude de termes économiques qu’on nous balance en pleine face au téléjournal de 18h.
Par exemple, le mois dernier, le taux de chômage était de 5,5% au Canada, et le mois d’avant, de 5,4%. Ça, c’est le taux le plus bas depuis 1976! Mais qu’est-ce que ça veut dire pour nous, concrètement?
Est-ce un bon timing pour quitter notre job avec l’espoir d’en trouver une meilleure?
Est-ce un bon timing pour quitter notre job avec l’espoir d’en trouver une meilleure? Ou du moins, pour faire un peu de chantage à notre boss afin d’obtenir de meilleures conditions de travail?
Pour mieux comprendre la situation et en extraire quelques trucs pratiques, on a jasé avec le professeur au Département des sciences économiques de l’UQAM, Étienne Lalé.
D’abord, le taux de chômage, c’est quoi?
C’est le rapport entre le nombre de personnes qui sont au chômage et la population active.
Psssst! On vous a concocté un petit lexique :
Chômeur : Quelqu’un qui ne travaille pas, mais qui est activement à la recherche d’un emploi.
Population active : Toutes les personnes en situation d’emploi + les chômeurs. Ça veut donc dire que vos grands-parents à la retraite n’entrent pas dans cette catégorie ni votre ami en session off qui médite 40 heures par semaine pour son soi intérieur.
Est-ce que cet indicateur-là nous donne un bon aperçu de ce qui se passe sur le marché du travail?
Dans l’ensemble, oui, mais avec certaines réserves. Il y a ce qu’on appelle le halo du chômage. C’est toutes les situations qui sont près du chômage, mais que l’on ne capte pas bien dans les enquêtes de marché du travail.
Que fait-on des personnes qui travaillent, mais qui ne travaillent que très peu, volontairement ou non?
Que fait-on des personnes qui travaillent, mais qui ne travaillent que très peu, volontairement ou non? Que fait-on des gens qui étaient au chômage, mais qui se sont découragés, et qui ne sont donc plus comptabilisés dans la population active?
Ce genre de chose crée une erreur de mesure autour du taux de chômage. Par exemple, en mai dernier, aux États-Unis, le taux de chômage était de 3,6%. Si je rajoute les travailleurs découragés, ça monte à 4,4%. Avec ceux qui travaillent involontairement à temps partiel, on obtient 7,1%.
Qu’est-ce qui explique le bas taux de chômage au Québec, soit 4,9% en juin dernier?
C’est en partie pour de bonnes raisons : il y a eu beaucoup de création d’emplois.
Mais c’est aussi à cause d’autres facteurs plus « mécaniques », comme le vieillissement de la population. Actuellement, le nombre de personnes qui sortent du marché du travail est plus élevé que le nombre de personnes qui entrent sur le marché du travail.
Est-ce que ça nous donne certains pouvoirs en tant qu’employé?
Cette situation est plutôt favorable aux travailleurs.
« Regardez, j’ai d’autres options ailleurs. Donc, il faudra augmenter mon salaire pour me retenir ».
En tant qu’employé, je pourrais me dire : d’une part, je peux facilement me retrouver un emploi si quitte mon travail. D’autre part, si je n’ai pas envie de quitter mon emploi actuel, c’est moi qui le gros bout du bâton face à mon employeur : « Regardez, j’ai d’autres options ailleurs. Donc, il faudra augmenter mon salaire pour me retenir ».
Pourtant, malgré le bas taux de chômage en Amérique du Nord, les salaires n’augmentent pas aussi rapidement qu’ils le devraient en ce moment. Pourquoi?
On est en situation de plein emploi, et malgré tout, les salaires progressent peu.
En effet, dans la situation actuelle, on s’attendrait à ce que les salaires augmentent d’au moins 3% annuellement pour suivre le taux d’inflation et le taux de croissance de la productivité. En ce moment, ils augmentent de moins de 2%. Il y a quelque chose de paradoxal : on est en situation de plein emploi, et malgré tout, les salaires progressent peu.
C’est un thème de recherche en ce moment, mais on dénote trois tendances principales pouvant expliquer cette situation :
– La disparition des « emplois routiniers », qui se robotisent. Traditionnellement, ces métiers offrent une progression de salaire assez régulière, et en tout cas plus forte que les emplois non routiniers dits « manuels ».
– L’émergence de firmes superstars, qui ont beaucoup de pouvoir de marché, comme Amazon, ou Apple. Dans certaines situations, elles peuvent être le seul employeur, ce qui est défavorable aux travailleurs. C’est plus difficile pour eux de négocier de meilleurs salaires.
– Il y a de plus en plus d’emplois liés à la « gig economy », soit des petites jobines qu’on fait à gauche et à droite, parfois à travers des applications web. Je pense qu’on se rend compte assez facilement que ce sont des emplois qui sont eux aussi assez défavorables en matière de pouvoir de négociation des travailleurs.
En somme, les travailleurs n’arrivent pas à capitaliser sur une situation du marché du travail qui leur est a priori favorable.
Alors, que peut-on faire si l’on veut profiter de cette situation favorable?
Il faut être mobile! Il ne faut pas avoir peur de démissionner et d’aller vers un autre emploi.
On a relativement peu de mobilité en ce moment au Québec. Une partie du phénomène s’explique par le vieillissement de la population : les personnes plus âgées sont moins mobiles. Une autre partie est tout simplement géographique. Le Québec, c’est grand. Et déménager du côté du grand Toronto, par exemple, ce n’est pas évident, car le prix de l’immobilier y est beaucoup plus élevé.