LogoSponsor
Comment négocier son loyer comme un pro&

Comment négocier son loyer comme un pro?

Les loyers n’ont jamais été aussi chers, mais vous n’aurez jamais été aussi convaincant.

Par
Ariane Dupuis
Publicité

La semaine dernière, j’ai reçu par courriel, de façon aussi décevante que prévisible, l’augmentation de loyer tant redoutée. Au bas de l’avis en pièce jointe, deux cases vides en guise de choix de réponse figuraient : « [J’]accepte le renouvellement et les modifications de mon bail » et « [Je] quittera (sic) mon logement à la fin de mon bail ».

Toutefois, ce ne sont pas les deux seules options qui s’offrent à moi. Il existe une troisième case (bien que manifestement invisible sur le PDF qu’on m’a fait parvenir) qui relève de mon droit de refuser l’augmentation.

Cocher cette case (après l’avoir moi-même tracée, dans mon cas) c’est la voie presque assurée vers des négociations sur le loyer. Mais après avoir demandé les meilleurs conseils à Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), je me sens plus outillée que jamais.

Publicité

Voici un guide de la négociation du loyer pour les nul.le.s (et les moins nul.le.s aussi).

1. Respecter les délais

Vous avez trente jours pour refuser l’augmentation après réception de l’avis, sinon, vous consentez à la modification. La rapidité est donc de mise. Votre proprio a aussi trente jours pour agir après la réception du refus. N’hésitez donc pas à le relancer dans les jours suivant votre contestation si vous croyez que vous vous faites ghoster.

Et si vous ne recevez pas d’avis d’augmentation dans les trois à six mois précédant la fin du bail (pour un bail d’un an ou plus), le bail est renouvelé sous les mêmes conditions, sans hausse de loyer.

2. Garder les échanges à l’écrit

Vous pourriez recevoir un appel de votre proprio après lui avoir diplomatiquement écrit que vous refusiez son augmentation. Faites attention avant d’entamer une longue discussion téléphonique : il est préférable de garder une trace écrite de vos échanges. Si vous pouvez restreindre vos communications à l’envoi de courriels, c’est l’idéal.

Publicité

Et ne concluez jamais d’entente verbale. Les modifications au bail doivent toujours figurer sur celui-ci : ça vaut pour l’augmentation du loyer comme pour tout le reste.

3. Savoir se lancer

Lorsque vous enverrez votre avis de refus de l’augmentation à votre locateur, il n’est pas nécessaire d’avoir un objectif précis en tête, m’a informée Cédric Dussault. Il suffit de faire mention de la différence entre le taux prescrit du TAL et celui demandé par le propriétaire. Vous pouvez par ailleurs demander les détails du calcul ayant conduit vers l’augmentation proposée, puis réfuter, si applicable, les raisons invoquées (voir le point 5). Vous détenez les outils vous permettant, au mieux, de refuser l’augmentation et au pire, de la faire baisser (voir le point 4).

Finalement, il faut savoir que votre propriétaire a rarement avantage à se tourner vers le Tribunal administratif du logement (TAL) pour fixer le loyer, car ce dernier tranchera dans la plupart des cas pour le taux d’augmentation en vigueur.

Publicité

4. Être informé.e et connaître ses droits (leurs limites aussi)

Refuser une augmentation, c’est votre droit. Mais avant de contester une augmentation, vous devez avoir fait vos recherches.

Cette année, le TAL a fixé ses taux d’augmentation à 2,3 % pour un logement non chauffé (et 2,8 % pour un logement chauffé à l’électricité). Ces taux ne sont pas prescrits par la loi : ils ne sont donc pas définitifs et dépendent de différents facteurs, comme les travaux dans le logement.

On ne peut pas toujours considérer qu’une augmentation supérieure au taux prescrit par le TAL est abusive : des renseignements connus uniquement par le propriétaire peuvent la justifier, m’a informée Cédric Dussault. Toutefois, ce dernier atteste que ça vaut la peine de contester si votre hausse dépasse les 5 % sans raison apparente.

Un cas particulier : si vous louez un appartement dans un immeuble neuf (moins de cinq ans), le propriétaire peut vous évincer à la fin du bail si vous refusez une augmentation de loyer, peu importe le montant.

Publicité

5. Utiliser ses outils (et son comité logement)

Pour avoir une meilleure idée de l’augmentation raisonnable de votre loyer, et ainsi paraître crédible et solide face à votre propriétaire, vous avez avantage à utiliser les outils à votre disposition.

« Le pouvoir de négociation repose sur la connaissance de ses droits. »

En rafale, il y a l’outil de calcul du TAL, le Registre des loyers citoyen (qui permet de comparer votre loyer avec celui des personnes qui l’y ont inscrit — on vous encourage d’ailleurs à le faire) et le comité logement de votre région ou de votre quartier.

Publicité

Cette dernière ressource est particulièrement pertinente si vous entreprenez des négociations plus ardues. Les responsables de votre comité sont facilement accessibles et pourront vous renseigner sur les pratiques légales en matière de logement, mais aussi vous aider pour la négociation. « Le pouvoir de négociation repose sur la connaissance de ses droits », m’a assuré Cédric Dussault.

6. Se préparer aux arguments du propriétaire

Le porte-parole de la RCLALQ m’a partagé quelques raisons que votre locateur ou locatrice ne peut pas invoquer pour justifier son augmentation. Ce sont des arguments que vous pourrez réfuter :

– Compenser pour des travaux « à apporter » : les travaux doivent avoir déjà été effectués sur le logement pour justifier l’augmentation.

– Les coûts d’entretien : ces derniers sont pris en compte dans le montant de base du loyer et la hausse prescrite par le TAL. L’usure normale, soit les conséquences d’une utilisation ordinaire de l’appartement, est aussi incluse. (De plus, Cédric ajoute que ce n’est pas au locataire de payer pour s’assurer que le propriétaire puisse revendre éventuellement le logement.)

Publicité

– La hausse des primes d’assurance et de la taxe municipale : si ces coûts sont répartis sur plusieurs logements, ils ne devraient pas faire augmenter substantiellement le montant du loyer. Par ailleurs, si les primes d’assurance augmentent en raison d’un logement mal entretenu, ce n’est pas au locataire d’en payer le prix.

– L’augmentation des taux d’intérêt : ce n’est pas au locataire d’absorber le coût d’acquisition d’un bien.

– Mettre le logement « au prix du marché » : ce n’est pas non plus une raison valable.

7. Compenser l’augmentation avec autre chose… fausse bonne idée?

La valeur de votre loyer augmente, mais celle de votre cage d’escalier, elle, décrépit? Vous payez plus cher d’Hydro que de loyer? Vous avez utilisé le dernier chèque de Legault pour stationner votre auto en face de votre appartement?

Lorsque questionné sur l’idée de négocier les conditions du bail plutôt que le montant du loyer, dans le cas d’une augmentation injustifiée, Cédric a paru sceptique.

Publicité

Cette option n’est pas recommandée : l’augmentation de loyer devrait être conclue selon le coût du logement uniquement. Négocier une condition ou une compensation utilitaire est risqué, car aucune organisation (comme le TAL) ne prescrit une augmentation du coût « utilitaire ». Il faut donc avoir confiance en la bonne foi du proprio pour s’assurer que ça vaut la peine : vous pourriez finir par payer plus que vous ne le devriez, même si vous êtes certain.e.s de faire une bonne affaire. De plus, ça crée un précédent qui rendra votre appartement plus cher pour les prochain.e.s locataires.

Toutefois, si vous êtes convaincu.e que vos calculs coûts/bénéfices sont solides et satisfaisants et que votre proprio les trouve raisonnables, la condition de l’entente doit absolument être inscrite sur le bail.

8. Tenir son bout!

Négocier, c’est pour moi synonyme de résister de peine et de misère à l’envie de pleurer devant une figure d’autorité. Heureusement, une négociation via courriel vous permet de penser un peu à vos réponses, sans accepter n’importe quoi sur le coup des émotions. Préparez vos arguments, faites vos recherches en amont et sachez que vous êtes en plein exercice de vos droits lorsque vous entamez une négociation.

Publicité

Malgré le contexte angoissant de la crise du logement, vous n’avez pas à accepter de payer un loyer hors de vos moyens. Faites-vous confiance. Vous êtes crédibles et vous êtes capables.

Bonne chance!