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Comment le plein air m’a permis de renouer avec mon corps
Je suis une personne grosse et j’aime faire des activités de plein air. Ce n’est certainement pas la première chose à laquelle les gens pensent en me voyant. Et pourtant, j’ai toujours fait beaucoup de sport et j’ai longtemps été animatrice dans une base de plein air.
Dans ma famille, on est tou.te.s gros.se.s. Ça ne nous a jamais arrêté.e.s. Chaque été, mes parents nous amenaient faire des activités sportives en tous genres : camping, vélo, randonnée, canot, nage en lac, etc. Mon père étant un grand amateur de plein air, il se faisait donc un plaisir de nous partager sa passion à toutes les sauces sans nous mettre de limites.
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De plus, je dois dire que je suis une personne privilégiée malgré les apparences : le regard des autres ne me fait pas peur puisque j’ai grandi dans un espace où je n’ai jamais reçu de commentaires par rapport à mon poids. Ce qui est bien loin d’être le cas pour d’autres personnes grosses encore aujourd’hui.
Ironiquement, j’ai tout le temps été grosse, mais j’ai tout le temps été en forme. J’ai longtemps pensé que, parce que j’étais plus « forte » et active, j’étais une « meilleure grosse ». J’étais « différente » des autres gros et grosses parce que moi, je faisais du sport. Aujourd’hui, je comprends que cette pensée est remplie de jugement envers les autres, mais aussi envers moi-même.
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Malheureusement, j’ai dû me blesser pour réaliser que mon rapport à mon corps était vraiment problématique. J’ai tout le temps appréhendé le sport et le plein air comme une performance, une démonstration de ce dont j’étais capable.
Au début de l’été 2018, je me suis étiré un ligament. J’ai dû marcher avec une canne pendant trois ans et faire de la physiothérapie pendant deux ans. C’est clair que ma condition physique m’a aidée à me réhabiliter plus facilement, mais même si je suis forte et endurante, je ne pourrai probablement jamais refaire de sport comme avant.
Les trois premiers mois ont été très douloureux. Je ne pouvais pas marcher sans mes béquilles et parcourir de très courtes distances était éprouvant. Ayant toujours été une personne active, ne pas pouvoir bouger était une torture. Je sentais que mon corps m’avait trahie. Ç’a pris un bon six mois pour pouvoir marcher 1 km sans douleur et deux ans pour marcher sans ma canne. J’étais encore très en colère et triste.
À travers ces deux années, je me suis aussi séparée de mon groupe d’ami.e.s avec qui je travaillais dans les camps. Un peu à cause de la vie, mais beaucoup parce que ça me faisait trop mal de les voir pouvoir faire du sport et du plein air comme si de rien n’était. Même avec mes ami.e.s proches, j’ai eu du mal à ne pas être jalouse.
Les gens ne comprenaient pas ma blessure et pensaient souvent que c’était dû à mon poids.
C’est aussi là que j’ai réellement compris et expérimenté les préjugés liés à mon corps dans la société. Les gens ne comprenaient pas ma blessure et pensaient souvent que c’était dû à mon poids. Si on m’avait donné 1 $ chaque fois qu’on m’a dit que je devrais essayer de perdre du poids pour régler mon problème, j’aurais clairement un peu plus d’argent. En plus du sport, j’ai dû faire un autre deuil : celui de mon corps comme il était avant et de ses capacités.
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Mon psychologue m’a alors proposé de recommencer à jouer dehors à mon rythme et avec des activités adaptées à mes capacités. Comme ça faisait un moment que j’avais fait du sport, je n’avais plus de comparatif avec ma « situation » antérieure, donc je ne me mettais pas de pression de performance.
Je me suis tranquillement «retrouvée» grâce à la nature.
La remise sur pied fut cependant loin d’être facile, comme j’avais de la difficulté à mettre mes limites et à accepter ma nouvelle « condition ». Il a fallu beaucoup de créativité et de bienveillance de la part de mes proches afin de me remettre en selle.
On a commencé par des petites activités, comme des week-ends en camping et de courtes sorties à vélo ponctuées de plusieurs pauses. Petit à petit, le plein air est redevenu une source de joie et de plaisir entre ami.e.s. Je me suis tranquillement « retrouvée » grâce à la nature.
Maintenant, quand je sors faire des activités extérieures avec mes ami.e.s, j’essaie de penser davantage au plaisir que ça me procure plutôt qu’à la tristesse que je ressens à cause de ce que je ne suis plus capable de faire. J’essaie de profiter de l’instant présent tout en mettant mes limites et d’avoir du plaisir à travers tout ça. Le tout en ne voyant pas chaque situation comme une défaite, ce qui m’arrive de moins en moins.
Je ne sais pas si je serai en mesure d’être aussi active qu’avant un jour. Mais une chose est sûre, je sais que je vais toujours pouvoir partir dans le bois avec mes ami.e.s pour un week-end et passer un bon moment.
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