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Comment j’ai trouvé (et maintenu) mon courage en aventure solo

Pas besoin de gravir l'Everest en solitaire pour vivre une expérience marquante.

Par
Gabriel J.Pelletier
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Je me suis réveillé à 6 h, crevé de la veillée avec une idée en tête : fuir en nature.

Pour la petite histoire, maman et bébé m’ont laissé seul à la maison pour un week-end complet. Feux d’artifice (dans ma tête) alors que je contemple cette liberté soudaine un peu étourdissante. Enfin je peux faire ce que je veux.

En me réveillant, j’ai un petit vertige. Qu’est-ce que je fais de ma journée? Est-ce que je vais voir des amis? Je pourrais aussi jouer à des jeux vidéo sans bon sens comme dans le bon vieux temps. Pourquoi pas binge watcher toutes les maudites séries que je jure à lui pis l’autre d’écouter? Hum… en même temps, j’ai de la job à faire pis du maudit ménage…

You know what? Fuck it. Ça fait longtemps que j’ai besoin de me retrouver. À vrai dire, ça fait quelque temps que je suis en quête de moi-même.

Je choisis donc un endroit pour aller me perdre. Je gave mon sac de matériel, je gonfle mes pneus de vélo pis soudain, je freeze. L’ivresse du départ s’estompe et je me rappelle bêtement que je suis jamais parti seul en camping… Je suis même jamais allé dans les Laurentides en vélo. Est-ce que je suis capable?

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La préparation ou comment se donner des raisons de rester

En étudiant le trajet pour me rendre, une bonne ride de cinq heures, je découvre plusieurs secteurs suspects. Je regarde l’heure; 10 h 45. J’ai une pas pire journée devant moi et là, je comprends que j’ai aucune garantie de me rendre.

Au fond de moi, je dois avouer que j’ai un peu peur de partir tout seul. Et si j’ai une crevaison en route? Et si un chemin est barré? Je fais quoi si j’arrive à destination et que je trouve pas de place où dormir ? Pis ça vaut-tu vraiment la peine de faire tout ça pour une nuit en nature?

You know what? Fuck it. Oui, ça en vaut la peine, parce que le trajet en soi est une aventure. Il y a un an, je me suis regardé dans le miroir et j’ai décidé que j’allais être quelqu’un dont je suis fier. Bon… je vais quand même pas monter l’Everest, mais pour moi, c’est important. Let’s go. Je regarde l’heure (12 h 15) et je pars.

Va falloir que je donne un bon coup si je veux me rendre à temps.

Les obstacles ou comment se trouver des raisons d’abandonner

Quelques suées plus tard, j’atteins finalement la jonction entre Laval-sur-le-Lac et Deux-Montagnes. Je traîne mon vélo à pied dans les débris à côté d’un chantier de construction jusqu’au bord de la rivière des Mille-Îles. Le passage est barré. À vrai dire, une grande barrière se dresse entre la rivière et moi. Je ne sais même plus s’il y a vraiment un passage derrière.

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Pas loin de moi, un couple âgé débarque de sa voiture. Je lui fais signe. « Savez-vous si ça passe vers Deux-Montagnes? », que je demande. L’homme fort sympathique me répond : « Je vis pu dans le coin, je suis chez mon gars. Ç’a pas l’air à passer, hein? » No shit…

Je continue poliment : « Y’a-tu un autre chemin pour traverser? » L’homme réfléchit une seconde… « Le seul autre endroit, c’est au pont de Saint-Eustache, pis c’est pas à côté. »

Je le remercie, inquiet. Je suis pas pire fatigué et il est presque 16 h. Une mini panique s’empare de moi. Je commence à perdre espoir. Je ne suis pas en danger, mais je sais pas quoi faire non plus. L’idée de revenir chez moi me dégoûte (c’est ben la première fois que j’ai pas envie de dormir dans mon lit).

Je suis pas pire fatigué et il est presque 16 h. Une mini panique s’empare de moi. Je commence à perdre espoir.

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Je me sens seul. Vraiment seul. Est-ce que j’ai vraiment l’énergie de revenir chez moi? Maudit que je suis cave d’être parti comme ça, pas préparé… Pour qui je me prends dans le fond… J’aurais dû rester chez nous. Mieux vaut faire demi-tour, retourner chez moi puis m’avouer vaincu…

Un petit lapin passe devant moi. Grâce à mon incomparable expérience en films étudiants conceptuels, je comprends que la vie m’envoie un signe sous forme d’easter egg.

« Suis le lapin… »

En le suivant du regard, je remarque une petite tête passer derrière la barrière du chantier, puis un casque de vélo. Dis-moi pas qu’il y a vraiment un passage? Je sors mon cell et j’étudie mes options. (C’est atrocement cliché, mais c’est très vrai.)

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Je rebrousse finalement chemin et décide de me faire confiance. Une trentaine de minutes plus tard, j’arrive à l’endroit que je crois être le bon. Je vois un père pis son fils tourner le coin; l’espoir renaît. Quelques minutes plus tard, j’embarque enfin sur le Barrage du grand moulin (à 10 pieds d’où j’étais coincé initialement). Je termine mon trajet et arrive finalement à destination.

Trouve un coin où dormir, mange une poignée de petits poissons au fromage et plante la tente. J’aimerais dire que je suis bien, mais j’ai chaud jusqu’aux os. Probablement dû à une insolation quelconque. Je ne trouve aucune source d’eau pour me rafraîchir pis mon mal de tête se transforme en migraine. Seul dans la tente, je pense à ma blonde et à mon bébé. J’aimerais juste être chez nous avec eux. Mon estomac se noue, un sentiment de vide m’habite.

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Le retour ou comment ne plus avoir le choix de réussir

Je me réveille le lendemain matin avec deux-trois heures de sommeil inconfortables dans le corps. L’idée d’embarquer sur mon vélo me décourage. Je sais pertinemment que si j’avais été dans cet état la veille, je serais jamais parti de chez moi. Mais là, j’ai pas le choix…

Je remballe mon stock et je rembarque sur mon vélo. Ugh… Au moins, il fait beau. Je donne un bon coup en début de parcours pour sortir des montagnes. L’activité physique semble avoir raison de mon mal de tête. Plus le temps passe, plus je retrouve le sourire.

J’arrive finalement à mi-parcours et je m’arrête à l’ombre d’un arbre. Je m’étale de tout mon long et j’apprécie la brise. Esti que je suis ben.

Je réalise alors tout doucement que pour moi, le bonheur passe par l’action, et l’astuce, c’est peut-être de ne pas trop me donner le choix. Ironiquement, le courage, c’est peut-être pas juste de prendre des décisions difficiles, mais de se faire confiance et de s’obliger à foncer tête baissée.

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