LogoSponsor

Comment apprivoiser la génération Z au travail

Est-ce que la nouvelle vague de travailleur.euse.s est aussi « difficile » qu’on le prétend? 

Par
Gwendoline Le Bomin
Publicité

La génération Z a fait son entrée sur le marché du travail. L’étude Jeunesse de Léger parue en 2022 le confirme – et les gestionnaires peuvent en témoigner : « ils n’hésitent pas à affirmer leurs besoins, leurs limites et leurs aspirations auprès de leur employeur dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre ». Leurs attentes, qu’ils communiquent très tôt dans leur carrière, représentent un défi pour nombre de patron.ne.s, déstabilisé.e.s par des exigences qui sont parfois aux antipodes de celles des générations précédentes.

Afin de mieux la cerner, j’ai fait appel à Carol Allain, conférencier international et spécialiste de cette génération regroupant les jeunes qui sont né.e.s approximativement entre 1995 et 2010. Et pour comprendre leur attitude face au travail aujourd’hui, il importe d’abord de comprendre la façon dont ces fameux « Gen Z » ont été élevé.e.s.

Réellement considéré.e.s

Avec la baisse du taux de fécondité depuis les années 1980 (au Canada, une femme a aujourd’hui 1,4 enfant alors qu’elle en avait 1,7 à l’époque), l’enfant s’est retrouvé au cœur de la famille. Carol Allain caractérise ainsi de « séducation » l’éducation que les membres de cette génération ont reçue de leurs parents :

c’est une génération qui a été « séduite » et élevée dans une bulle de protection.

Publicité

Les parents ont été plus permissifs avec elle – on a discuté et négocié plutôt qu’imposé.

Une fois sur le marché du travail, les membres de la génération Z s’attendent à recevoir une attention similaire de la part de leur gestionnaire. La relation qu’ils/elles entretiennent avec leur manager est très importante à leurs yeux et c’est ce qui va les faire rester dans l’organisation. Ils/elles souhaitent travailler avec des personnes qui les considèrent, qui les regardent et qui leur demandent comment ils/elles vont.

Le conférencier conseille aux gestionnaires de s’intéresser à l’individu.e si l’on veut l’amener à être un.e bon co-équipier.ère dans l’équipe, car il est important pour lui/elle de se sentir apprécié.e.

Exit les tables de billard et les jeux vidéo. Pour la génération Z, le savoir-être, le relationnel et la communication en milieu de travail sont bien plus importants.

Publicité

« Ça prend des managers qui ont une grande capacité d’écoute. Il faut comprendre qu’un jeune de 20 ans s’attend qu’on apprenne de lui, alors qu’avant, le droit de parole ne devait venir qu’après 15-20 ans de carrière. »

Tous.te.s égaux.ale.s

Ça explique pourquoi la génération Z conteste également la notion de hiérarchie verticale : elle n’est plus dans le mode de ceux et celles qui écoutent et qui prennent des notes, contrairement aux générations précédentes. Elle ne voit pas leur manager comme un.e supérieur.e hiérarchique, détenteur.rice de connaissances, mais comme un.e collègue avec qui elle joue sur le même terrain. L’âge et l’expérience ne sont plus des facteurs de pouvoir pour elle.

C’est d’ailleurs ce que m’explique mon amie Margot, qui fait partie de cette génération : « j’aime avoir une bonne relation avec mon gestionnaire, ce que j’avais à mon dernier emploi. Cela me motivait à travailler, car on avait des discussions intéressantes pendant les pauses et je savais que mon travail le bénéficiait, donc j’avais envie de lui être utile ».

Publicité

Du changement, souvent

Selon M. Allain, la génération Z vit également dans le court terme : « Ils sont pressés qu’il se passe quelque chose. Travailler 2 ans au même endroit est déjà énorme pour eux ».

Le spécialiste estime que l’on entre dans l’ère du « 17-5-15 » : les jeunes vont occuper environ 17 emplois à partir de l’âge de 14-16 ans, avoir 5 carrières d’une durée chacune entre 2 et 5 ans et vivre dans 15 résidences au cours de leur vie.

Leur ADN se construit autour de la mobilité et de la flexibilité. Ils sont bourrés de talent, ce sont des jeunes qui sont à l’aise avec la diversité et le changement.

Une attente qui se reflète aussi dans la gestion des horaires, comme Margot : « personnellement, j’apprécie la flexibilité quand je cherche un travail, c’est-à-dire que j’aime choisir mon horaire chaque semaine ou même faire partie de petites équipes et donc pouvoir facilement communiquer les congés ou tout autres besoins à mon gestionnaire ».

Publicité

Vivre plutôt que survivre

« Les jeunes travailleurs sont régis par leurs émotions », explique aussi M. Alain. Selon L’étude Jeunesse, bien que le travail occupe une place importante dans la vie de la génération Z, il n’est pas central pour la plupart de ses membres.

Elle est davantage dans la recherche du bien-être, de la conciliation entre la vie personnelle et professionnelle. C’est pourquoi, pour elle, le milieu du travail doit être un milieu de vie, un espace de créativité, d’inventivité et de collaboration.

Le spécialiste de la génération Z affirme d’ailleurs que ces jeunes sont à la recherche de l’opportunité :

« On voit arriver une jeunesse qui va avoir comme rêve de développer un concept, d’être entrepreneur et qui va le vivre en parallèle avec son emploi. Son avenir passera par le travail manuel et intellectuel ».

Publicité

Le travail est ainsi une expérience plutôt qu’une finalité, contrairement à leurs prédécesseur.e.s (la génération silencieuse et les baby boomers) qui pouvaient faire toute leur carrière dans une même entreprise.

C’est notamment la raison pour laquelle on dit faire face à une génération « liquide » : ce n’est pas facile de capter son attention et de la retenir. « J’ai besoin de faire des tâches variées au travail, c’est ce qui me garde motivée et rend la journée plus agréable. J’aime aussi être valorisée et voir que mon travail est utile et nécessaire », confirme Margot.

Que faire pour s’adapter ?

Puisqu’elle est davantage à la recherche d’expériences de vie, il faut essayer de surprendre la génération Z par des moments ludiques. On évite par exemple d’envoyer un simple courriel pour souligner l’anniversaire d’un collègue. Le spécialiste raconte qu’à Paris, certaines entreprises louent des Airbnb pour célébrer certains évènements.

Selon le conférencier, cette génération est à la recherche du dynamisme des grandes villes comme Shanghai ou Vancouver, des lieux qui sont en continuelle transformation.

Publicité

Il faut donc jouer sur la carte de l’attractivité comme organiser des 5@7 dans des endroits originaux si l’on veut voir ses jeunes collègues en présentiel.

Carol Allain reconnaît que la génération Z amène les employeurs à repousser plus loin leurs limites et les incite à toujours être plus créatifs autant sur les conditions matérielles que sur le plan relationnel. Comme elle est là pour rester, mieux vaut commencer à l’apprivoiser.