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Comment abattre mon premier lièvre a changé ma vision de la chasse

Récit d’un p’tit Montréalais qui a reconnecté avec la nature.

Par
Clément Hamelin
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Lorsque j’ai annoncé pour la première fois à mes collègues d’URBANIA que j’étais détenteur d’un permis de chasse et que j’avais déjà commis l’irréparable – lire ici un petit lapinou aux oreilles toutes blanches à mon tableau de chasse –, croyez-moi, la plupart étaient sur le cul.

Derrière mes habits de ville, ma passion pour TikTok et mon accent du Plateau se cache un coureur des bois (imberbe).

Dans les lignes qui suivent, je vous raconte comment j’ai appréhendé ce sport, qui m’a ouvert les yeux sur une pratique bien loin des préjugés que j’avais.

LA RAISON DU POURQUOI

2013 fut une année sombre de ma très courte existence – je vous épargne les détails. Un ami de la famille m’invite alors à guérir ma peine en allant travailler sur sa terre. Je passe donc l’été à défricher les sentiers et à fendre du bois.

Tout en travaillant, il se met à me raconter ses histoires de chasse. C’est à ce moment que j’ai senti l’appel.

C’est important de mentionner que je viens d’une famille de pêcheurs. Vous comprendrez donc que la chasse n’était pas très loin non plus dans l’échelle de mes intérêts.

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Bref, quelques formations plus tard, j’ai tous les permis nécessaires. Tout est en règle pour partir à l’aventure.

PLUS DE MARCHE QUE DE CHASSE

C’est l’automne, les couleurs achèvent, l’air frais vient caresser la surface de ma peau et… le gibier est introuvable.

Run après run, pas une seule petite bête à l’horizon. Trois fins de semaine de suite, je tente tant bien que mal d’ouvrir les yeux, rien pantoute. Ce n’est pas le cas de mes partenaires de chasse, qui sont loin de revenir bredouilles : lièvres, perdrix, canards… et ce, presque chaque fois.

C’est durant ces grandes escapades un brin ennuyantes que je réalise l’essence de la pratique. L’action en soi de tirer la bête, c’est la pointe de l’iceberg. Une grande partie de la chasse, c’est l’attente. C’est aussi être à l’écoute des moindres bruits autour de soi : les feuilles qui craquent, le vent qui se faufile à travers les branches, les petits ruisseaux qui s’enfoncent dans le sol, le son de sa propre respiration… Une thérapie comme il ne s’en trouve nulle part ailleurs.

Une grande partie de la chasse, c’est l’attente.

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Je commence alors à oublier pourquoi je suis là et je me mets à scruter toutes les parcelles de la nature. La forêt n’a plus de secret pour moi. Et pendant ces longues marches, il n’y a pas une seule fois où je me perds dans mes pensées. Je suis juste bien.

Une perdrix surgit de nulle part, s’envole au loin et me ramène sur terre dans le temps de le dire.

Je tire.

Sans viser, bien évidemment. C’est un échec. Je songe retourner à la pêche.

FACE À LA BÊTE

À ce point de l’aventure, mes attentes sont basses, mais je reste motivé, considérant tout le bien que ces marches en forêt me procurent.

C’est la dernière fin de semaine que j’ai de libre pour chasser, je n’ai aucune attente (mais une détermination sans précédent).

On se lance ainsi à la conquête d’un nouveau territoire (en toute légalité, n’ayez crainte). Je n’ai point peur, car les dernières semaines m’ont permis d’aiguiser mes sens. Je vois tout. Je sais même différencier les animaux par leurs crottes. Eh oui… je les ai googlées.

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L’ami de la famille s’éloigne de plus en plus dans les broussailles. Je suis seul. Complètement seul.

Et pour la première fois en deux mois, je tombe nez à nez avec un lièvre. Il est à cinq mètres à peine. Je lève mon arme, je tire. Ça tire pas. Quoi? Fuck. Non. Pas là, non non, ça peut pas chier là. La cartouche est pas bonne. Il faut que je la change. Sauf que le moindre bruit peut faire fuir la bête.

Je n’ai point peur, car les dernières semaines m’ont permis d’aiguiser mes sens. Je vois tout. Je sais même différencier les animaux par leurs crottes.

Mon coeur bat tellement vite, je vais surement perdre connaissance. Je ne tremble même pas, je respire à peine. Je sais que j’ai une cartouche neuve dans ma poche de droite.

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Je mets le safety. Premier clic, aucune réaction du gibier. Tranquillement, je change la pire cartouche de l’histoire de l’humanité par mon seul espoir avec la technique que j’ai apprise en formation. Toujours aucun mouvement du lièvre pour l’instant. Sauf que crinquer la carabine va faire le plus gros son du monde et assurément alerter l’animal.

Je dois donc tout faire d’un seul coup. Crinquer, charger et tirer. Je prends une grande respiration.

Sans crier gare, le lièvre se tourne, me regarde drette dans les yeux. Je panique. Crinque, charge, pow!

La boule de poil fait un de ces backflips. Juste au cas où j’aurais manqué mon coup, je recharge. On ne sait jamais.

Je m’approche tranquillement et lève ma prise.

Je suis sous le choc. L’ambiance dans l’air est bizarre. Je ressens un mélange de culpabilité et d’excitation. J’ai chassé. J’ai tué. C’est vraiment un thrill étrange. Tout ça est très philosophique, mais je réalise l’avantage très injuste que j’ai eu face à cette petite créature. Le sentiment que procure le fait de pouvoir choisir entre la vie et la mort d’un animal, ça remet en perspective beaucoup de choses.

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Je comprends alors pourquoi c’est important de revenir bredouille des fois. C’est un privilège de pouvoir chasser et il faut que ce soit fait dans les règles de l’art. Il faut prendre le temps de se connecter avec la nature pour comprendre sa richesse et sa rareté.

Et si vous voulez tout savoir, le lièvre était excellent. Écrivez-moi en privé pour la recette.