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Combien ça gagne, une cheerleader?

La dure réalité derrière les pompons.

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À mon école secondaire, comme dans toute bonne école un peu bourgeoise du Québec, on avait une équipe de cheerleaders. Elle était composée des plus belles filles de l’école, celles dont la personnalité pétillante se mariait parfaitement à leur sourire éclatant et leur rire en crescendo. Et tout ça, c’est sans oublier leur caractéristique la plus importante : leur performance sportive.

Le cheerleading allie puissance et grâce : chaque saut, chaque porté et chaque figure demande force, endurance et précision. C’est un sport exigeant, reconnu par le Comité international olympique (CIO) depuis 2021. Les athlètes enchaînent des portés, des sauts et des figures acrobatiques qui sollicitent leur corps à plus de 80 % de leur fréquence cardiaque maximale.

C’est aussi l’impression qu’a eue Tiffany à sept ans, soit la première fois qu’elle a vu une équipe de cheerleaders performer lors d’une partie de football à Hamilton, sa ville natale.

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« Je me souviens encore quand elles sont passées devant nous. Elles étaient magnifiques, sympathiques et souriantes. Elles dansaient et s’amusaient sur le bord du terrain. Ça m’a tellement inspirée. Elles avaient l’air si heureuses. »

Mais derrière les sourires et les pompons, une question se pose : combien ça gagne, une cheerleader?

La réponse est moins rose que le rêve de Tiffany.

Être cheerleader professionnelle au Québec : un vrai casse-tête

Au Québec, être cheerleader rime plus avec un engagement passionnel qu’avec carrière lucrative.

Seules les cheerleaders professionnelles de la Canadian Football League (CFL) sont rémunérées sous forme de per diem par match.

En 2021, les tarifs pour les cheerleaders des Alouettes étaient de 125 $ pour les membres permanentes et 150 $ pour les capitaines, mais aucune rémunération n’était prévue pour les répétitions qui durent entre deux et quatre heures par semaine.

Ervin a fait partie de l’équipe pendant six ans, jusqu’à sa dissolution en 2023. Il touchait environ 125 $ par partie. Sur une saison d’environ dix matchs, ça représente un total de 1 250 $, ce qui est loin d’être un salaire suffisant pour vivre confortablement.

Aujourd’hui, l’équipe de cheerleading des Alouettes s’est mutée en troupe de danse, dont les membres sont rémunérés 135 $ par match.

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Tiffany a été cheerleader à Hamilton de 2002 à 2007: « Quand j’ai commencé, nous étions une équipe entièrement bénévole. On avait beaucoup d’avantages, comme des soins capillaires gratuits, des abonnements gratuits à une salle de sport et chaque année, on assistait gratuitement à la Coupe Grey. » Autrement dit, pas d’argent, mais de quoi avoir une coiffure impeccable et des abdos bien définis.

De nos jours, les athlètes faisant partie d’équipes associées à la CFL reçoivent un per diem qui oscille généralement entre 50 $ et 100 $ par partie.

Certaines athlètes peuvent compter sur un revenu supplémentaire grâce à des apparitions payées et des tournages. « J’ai déjà reçu jusqu’à 1 000 $ pour une journée complète de tournage. Mais ces occasions sont rares : j’en ai eu peut-être deux en six ans avec les Alouettes », explique Ervin.

Pour compenser ces rémunérations modestes, la majorité des cheerleaders ont un autre emploi. Tiffany est prof de danse, et Ervin a longtemps travaillé dans le domaine de la télécommunication. « Je ne pouvais pas voyager tous les mois, mais j’avais mon logement, mon chien, ma voiture, je vivais correctement », se souvient-il.

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Pendant ce temps, chez nos voisins du Sud, le cheerleading est davantage considéré comme un vrai métier.

Cet été, les cheerleaders des Cowboys de Dallas ont obtenu une augmentation historique de 400 %. La première saison de la série Netflix America’s Sweethearts: Dallas Cowboys Cheerleaders avait d’ailleurs suivi leur combat pour un meilleur salaire. Avant les négociations, les athlètes gagnaient environ 15 $ US de l’heure (500 $ US par match, soit 75 000 $ par année). D’après NBC Sports Boston, suite à cette hausse, leur salaire horaire pourrait grimper à 75 $ US, un niveau de rémunération rare, même aux États-Unis, et au-delà de ce que les cheerleaders québécoises pourraient espérer un jour toucher.

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Cette situation n’est pas unique au cheerleading : les sports professionnels féminins sont encore largement sous-financés et sous-médiatisés. Même quand elles enchaînent les performances de haut niveau, la reconnaissance et le salaire ne suivent pas toujours.

De courtes carrières

Comme si les choses n’étaient pas déjà assez compliquées, la carrière d’une cheerleader n’est généralement pas très longue – une réalité propre au sport professionnel. Tiffany est restée dans l’équipe sept saisons, ce qui fait d’elle une vétérante.

« Certaines personnes ne le font que pendant un an ou deux, dépendamment de leur parcours de vie », explique-t-elle.

« Parfois, les femmes le font entre le secondaire et l’université. Certaines ont la chance de pouvoir continuer pendant leurs études. Le parcours de chacune est différent, mais je dirais que la durée moyenne oscille entre deux et six ans pour une cheerleader professionnelle. »

Autre aspect à considérer : dans les dernières années, le niveau requis pour intégrer une équipe a explosé.

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« Quand j’ai commencé, il ne fallait pas nécessairement être une danseuse étoile », se souvient-elle. « Il suffisait de suivre le rythme. Aujourd’hui, c’est une autre histoire : il faut de l’expérience, de la technique et une mémoire chorégraphique digne d’une professionnelle. »

Ervin donne en référence la série Cheer : « Ça montre vraiment la difficulté physique de ce sport. Pour arriver à lever quelqu’un à bout de bras, c’est pas juste de le soulever une fois, il y a une technique. » Et puis, « il faut que ce soit beau à regarder », ajoute-t-il.

La réalité derrière les sourires

Pour Ervin, le parcours n’a pas toujours été rose, surtout en tant qu’homme dans un milieu majoritairement féminin : « Quand j’ai commencé, il y a 10 ans, j’entendais souvent des commentaires du genre : “Tu dois être homosexuel” ou “Tu fais ça pour les filles”. Mais dans ma dernière saison, je n’ai rien entendu de ce genre. Je pense que le public est maintenant plus impressionné qu’autre chose!

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Malgré les défis, le cheerleading peut créer des liens indestructibles. C’est ce qu’affirme Tiffany qui s’y est fait des amies pour la vie : « C’est grâce au cheerleading que j’ai rencontré des amies incroyables. Beaucoup d’entre elles ont été mes demoiselles d’honneur à mon mariage! »

En cheerleading, les rivalités et les jugements sont là, mais d’après Ervin et Tiffany, les liens solides et les souvenirs inoubliables que cette expérience forge en valent la chandelle – oui, malgré le maigre salaire.

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