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Combien ça gagne un travailleur social?

Choisir entre le cœur ou le salaire.

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Il y a de ces métiers qui ne font pas rêver au premier abord. Non pas parce qu’ils manquent d’importance, bien au contraire, mais plutôt parce qu’ils sont synonymes de défis constants et de don de soi.

Vous avez peut-être lu des articles de presse évoquant les épreuves liées au travail de rue, les drames qui jalonnent le quotidien de ceux et celles qui en ont fait leur métier.

Les travailleurs sociaux se consacrent à une mission : celle d’accompagner les autres, jour après jour, tout en s’efforçant de préserver leur propre équilibre.

Reste une question essentielle : quelle valeur accorde-t-on à un tel engagement ? Combien gagne un travailleur social ?

Trop peu, si l’on se fie aux chiffres.

Travailler pour le sens, pas pour le gain

Charlène Bélisle aime rire, et ça s’entend. Mais derrière cette apparente légèreté se devine une personne solide, passionnée pour son métier.

Elle débute comme éducatrice spécialisée avant de poursuivre ses études avec un certificat et un baccalauréat en travail social. Elle envisage alors de devenir travailleuse sociale, mais se heurte vite à une réalité financière : « Je devais recommencer à zéro, donc je perdais beaucoup en salaire. »

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Dans le système scolaire, elle avait plafonné à 55 000 $ par an, avec peu d’opportunités tant au niveau d’une promotion que d’une augmentation.

Elle choisit donc de rester technicienne en travail social dans les écoles, tout en travaillant en parallèle dans des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violences conjugales.

Jusqu’au jour où, après 25 ans, elle tranche : « J’ai quand même décidé de démissionner des écoles et de travailler à temps plein dans les maisons d’hébergement, parce qu’ils reconnaissaient mon ancienneté, mon expérience. »

Aujourd’hui, dans le communautaire, elle gagne près de 70 000 $ par année, avec 15 jours de maladie, trois semaines de vacances flexibles et un régime de santé et de retraite.

« Je suis gagnante d’être dans le communautaire », affirme-t-elle.

Depuis deux ans, Philippe Bernier-Levesque est directeur administratif d’une clinique venant en aide aux personnes aux prises avec des troubles mentaux.

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Auparavant, il y avait travaillé pendant sept ans en tant qu’intervenant. « En ce moment, le salaire des intervenants se situe entre 24 000 $ et 31 000 $, selon l’ancienneté et le niveau de scolarité. »

Motivations et engagement

Le parcours de Charlène reflète un choix guidé par le cœur, entre justice sociale et reconnaissance de son expertise.

« Je recevais les élèves en crise. Je gérais l’intimidation à l’école. Ce que j’aimais le plus, c’était aider les étudiants. J’ai adoré travailler avec les jeunes. »

Charlène parle des adolescents avec nuance et respect : « Il y a beaucoup de bons jeunes au Québec, c’est pas vrai qu’ils sont tous des fauteurs de troubles. Ceux qui sont plus perturbés ont beaucoup à nous apprendre, beaucoup à nous dire, et souvent un vécu très lourd. »

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Pour Philippe, qui cumule presque dix ans de carrière, le constat est similaire : « La relation d’aide, c’est quelque chose qui est valorisant pour moi, quelque chose qui fait sens. »

Ce qui le nourrit, c’est cette impression de faire une réelle différence dans la vie des personnes qu’il accompagne : « Le gros du travail vient d’eux, et non du thérapeute ou du travailleur social. »

Charlène fait écho à cette distinction : accompagner les autres ne signifie pas marcher à leur place. « Le cheminement des gens, c’est pas à nous de le faire », explique-t-elle. « Mon rôle, c’est d’être là pour guider, fournir des ressources, soutenir, mais pas pour remplacer la personne dans son parcours. »

Cette posture demande une vigilance constante : savoir être présent sans s’effacer, tendre la main sans tirer de force. C’est un équilibre délicat entre implication et recul, entre compassion et limites personnelles.

Philippe, pour sa part, élargit la réflexion : « Mais au-delà de l’individuel, il y a aussi un gros impact parce que d’aider les personnes comme ça, qui sont pas fonctionnelles, qui sont marginalisées, les amener à travailler, tout le monde peut en bénéficier. »

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Mais si ce rôle est porteur de sens, il peut aussi peser lourd sur les épaules de ceux qui l’exercent.

Savoir tracer la frontière

Charlène Bélisle sait que son métier peut être envahissant, mais elle a appris à établir des limites. « Je ne ramène jamais les problèmes du travail à la maison », confie-t-elle. « J’ai ma vie, mes problèmes. Le travail ne doit pas envahir tout le reste. »

Son équilibre repose sur une règle simple : donner tout au travail, puis se recentrer sur sa vie personnelle une fois qu’elle a franchi le pas de sa porte.

Cette frontière est essentielle, notamment pour éviter ce que Philippe appelle « l’épuisement de compassion ». « Les jeunes intervenants doivent faire attention à ça », souligne-t-il. « Il faut être capable de filtrer pour que les émotions des gens ne nous rentrent pas trop dedans. »

Il insiste également sur l’importance de garder une vue d’ensemble : même lorsqu’une personne avance lentement, avec parfois deux pas en avant et un pas en arrière, le progrès est réel.

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Enfin, Philippe insiste sur la distinction entre sympathie et empathie. « La sympathie, c’est pleurer avec un ami en deuil, » explique-t-il, « L’empathie, c’est ne pas se laisser emporter par l’émotion de l’autre, mais de la comprendre. La relation d’aide, c’est cette distance bienveillante qui permet d’être réellement présent, sans s’épuiser. »

Accompagner les autres exige cœur, limites et lucidité. Savoir soutenir sans s’épuiser, célébrer chaque progrès, même petit, fait toute la différence.

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