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Combien ça gagne, un militaire?

Une job qui marque l'esprit – et le compte en banque.

Par
Charlotte Glorieux
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Connaissez-vous quelqu’un dans l’armée? Peut-être avez-vous un cousin, un frère, ou encore une amie qui a fait le choix d’enfiler l’uniforme des Forces armées canadiennes? Ou peut-être que vos connaissances de ce monde se résument aux images de films sur le sujet, tels que l’ultra patriotique American Sniper ou l’ultra stressant The Hurt Locker?

Si vous appartenez au deuxième groupe, vous vous imaginez sans doute des uniformes camo, des fusils, de la poussière, de l’adrénaline et beaucoup de bruit. Mais si vous avez des proches dans l’armée, vous savez probablement que ces images sont loin d’offrir un portrait complet de la réalité.

Au-delà de l’image — qu’elle soit fantasmée par le septième art ou adoucie par un ami — se cache une question bien terre à terre : combien gagne un militaire?

La réponse est disponible sous forme de tableaux sur le site du gouvernement du Canada. Mais entre les échelons, les primes, et les réalités du terrain que racontent vraiment ces chiffres? Que cachent-ils sur le quotidien de ceux qui ont choisi cette voie?

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Suffit de consulter les tableaux

Au sein des Forces armées canadiennes, on distingue deux types de militaires : les réservistes et les réguliers, « mais on peut considérer qu’il y a en fait trois types d’emploi : le réserviste à temps partiel, le réserviste à temps plein, puis le régulier », explique le capitaine Daniel Desroches.

En jargon militaire, on parle de classe A, B et C. « Classe C, c’est pour la Force régulière, classe A et B, c’est pour la Réserve », résume Aziz Belhaj. « Durant l’année, si tu es dans la Réserve, tu es payé en classe A, puis pendant l’été quand c’est à temps plein, tu es payé en classe B ».

Pour le calcul du salaire, « le réserviste va avoir un taux de solde journalier. Soit on travaille moins de 6 h dans la même journée, ou plus de 6 h dans la même journée », explique le capitaine Desroches.

Pour un militaire régulier, le salaire est mensuel et commence à 30 936 $ par année pour un élève-officier ou un aspirant de marine. Il peut aller jusqu’à 373 506 $ pour un juge militaire en chef.

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Donc, pour un réserviste qui travaille à temps plein (classe B) le calcul est simple : 365 jours multiplié par le taux journalier.

Pour le capitaine Desroches qui évolue depuis 25 ans au sein de la Réserve, dans le secteur du recrutement, et qui fait du 30-35 heures par semaine, son salaire annuel actuel est de 106 000 $.

Aziz, lui, se souvient qu’à son départ, en 2022, en tant que soldat, il gagnait environ 107 $ par jour. Depuis le 1er avril 2024, le tarif est passé à 127,22 $, avec des hausses à 136,10 $ la 2e année et 163,58 $ la 3e.

Mais même avec ces hausses, la différence entre le salaire d’un réserviste et d’un régulier reste notable : « Si on fait le ratio de grade égal, ancienneté égale, le régulier est payé 9 % plus cher que le réserviste », explique le capitaine Desroches.

Alors, pourquoi rester dans la Réserve quand la Régulière rapporte davantage?

La Réserve : pas juste une job étudiante

Le capitaine Desroches se décrit lui-même comme un « cas atypique », parce que d’ordinaire, les réservistes ne restent qu’entre quatre et six ans au sein de l’armée.

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Tout comme Aziz, il a d’abord choisi d’intégrer la Réserve parce qu’il avait de la famille dans l’armée et cherchait un emploi étudiant qui lui permettrait de poursuivre ses études.

Il faut savoir qu’être dans l’armée garantit plusieurs avantages : « dans la Réserve, on rembourse 50 % des frais de scolarité jusqu’à 2 000 $ par année et jusqu’à 8 000 $ dans une carrière », explique le capitaine Desroches.

La Réserve permet également davantage de liberté que la régulière. « En tant que réserviste, je ne suis pas obligé de rester dans les Forces pendant un certain nombre d’années. »

« Si je veux arrêter, je peux simplement donner un préavis de 30 jours et quitter. Pour les militaires de la régulière, c’est différent : ils ont des engagements plus contraignants, parfois même financiers. »

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Et puis, il y a la question de la mobilité. Un membre de la régulière peut être obligé de déménager si l’armée le demande.

« J’ai appliqué à Montréal, donc je travaille à Montréal. Mais un régulier, lui, pourrait se faire dire qu’on a besoin d’un technicien en approvisionnement à Edmonton, et il devra y aller. »

Puis, il y a aussi les déploiements. « Si l’armée a besoin de quelqu’un pour une mission, disons en Lettonie, un militaire de la régulière devra y aller! » Pour un réserviste, ce genre de mission se fait sur une base volontaire.

Avec de tels avantages, il semble presque absurde de ne pas vouloir se lancer corps et âme dans l’armée, non? Mais il faudrait mentionner que cette expression, « corps et âme », est un bel amalgame de ce qu’il faut pour faire ses preuves au sein de l’armée.

Le prix de la sueur

Pour se joindre à l’armée, tout commence sur le site du gouvernement du Canada. Et là, l’éventail de choix est large : « Dans la régulière, il y a plus d’une centaine de métiers différents, c’est comme une microsociété! », lance le capitaine Desroches.

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Mais, avant de devenir artilleur, technicien médical ou fantassin, tous commencent au même point : la qualification militaire de base (QMB).

« Moi, je l’ai fait il y a 25 ans, puis je me rappelle encore des choses que j’ai faites, des limites que j’ai explorées », se remémore le capitaine Desroches.

« L’idée est de te plonger dans un monde autre. Prenons quelque chose d’aussi simple que les déplacements qui doivent tous se faire soit à la marche, soit à la course », explique Aziz. Et tout est minuté avec une rigueur militaire.

Par exemple, un peloton d’une trentaine de personnes doit accomplir une tâche en quatre minutes. « Si ça te prend 4 minutes et une seconde, tu devras prendre ton arme de service, qui pèse environ 4 kilos, et la tenir au bout de tes bras jusqu’à ce qu’on décide que tu l’as tenue assez longtemps. »

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Et il a les push-ups. Beaucoup de push-ups. « 10, 20, 30, 40 push-ups, c’est correct si tu le fais une fois », s’exclame Aziz. « Mais quand c’est la 6e fois de la journée, et que ça fait plusieurs jours que ça dure parce que t’es pas assez sharp, ça commence à peser. »

À tout ça s’ajoutent les inspections quotidiennes. « Quand tu viens d’arriver, tu accumules les “non-conformités”, et tu te fais encore une fois remettre à l’ordre. C’est dur, autant physiquement que mentalement. » Avoir de gros bras ne suffit donc pas. « Ceux qui ont juste des muscles, c’est les premiers qui cassent », tranche Aziz.

« Peu importe à quel point tu cours vite, ou à quel point tu comprends vite ce qu’on t’enseigne, il va arriver un moment où tu frappes un mur », explique le militaire.

L’entraide n’est alors plus une option, mais une nécessité. « Tu te rends compte que t’es pas infaillible, qu’il y a toujours quelque chose que tu peux pas faire tout seul. »

Cette idée-là devient un mantra : « On réussit tous ensemble, ou on rate tous ensemble. »

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Un lien qui colle à la peau

Les amitiés qui naissent dans ces conditions ne s’effacent pas. Elles deviennent presque familiales. « Il y a un gars que j’ai rencontré pendant mon cours de recrue qui est le parrain de ma deuxième fille », raconte le capitaine Desroches.

Aziz, lui, a quitté la Réserve pour aller vers une carrière civile, mais l’impact de cet emploi est encore bien présent.

« Peu importe ce que tu fais : que tu laves ton assiette ou que tu sois en train de passer un examen, il y a des façons de faire les choses, il faut les faire correctement. » Une rigueur et une discipline que même le retour à la vie « normale » n’a pas effacées.

Quant au capitaine Desroches, il le dit sans détour : pour lui, l’armée, c’est plus qu’un travail : « J’ai toujours eu besoin de servir une cause plus grande que moi. Je suis content d’être là. »

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