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On a tous.tes un.e ami.e qui s’est un jour pris.e de passion pour les platines, qui a investi dans un équipement complet et sur qui on peut compter pour passer une soirée épique. Mais pour certain.e.s, être DJ, c’est bien plus qu’un hobby, c’est un gagne-pain.
Pour mieux comprendre la scène DJ à Montréal et les cachets que payent des lieux comme le Soubois, j’ai discuté avec Nastya Nvrslp, Tartine, YKTV et Aaron Hyper.
Être DJ, c’est comme être ingénieur ou médecin, ce n’est qu’une appellation large qui comprend différentes pratiques. On peut en identifier trois principales :
- DJ résident.e : performe souvent dans les mêmes clubs, bars ou restaurants.
- DJ événementiel : est engagé.e pour des mariages, des événements corporatifs, etc.
- DJ invité.e : est invité.e dans les évènements à grand déploiement comme les festivals de musique (et grassement payé). Ici, on peut penser à Kaytranada ou David Guetta.
Arrondir les fins de mois
Nastya Nvrslp et Tartine incarnent bien la réalité des DJ résident.e.s. Toutes deux actives sur la scène techno, elles se produisent régulièrement dans des clubs et sont membres de collectifs qui organisent des soirées.
Originaire d’Ukraine et installée à Montréal depuis trois ans, Nastya Nvrslp, a fondé le collectif Mutualité l’été dernier. Comme plusieurs DJ, elle a commencé dans sa chambre avant de décrocher ses premières gigs il y a un an et demi. Depuis, elle a performé dans plus d’une centaine d’événements, notamment au Piknic Électronik, mais aussi en Ukraine, en Allemagne et en Pologne.
À Montréal, le cachet moyen pour une soirée tourne autour de 200 $, me révèle Nastya.
Un montant qu’elle juge insuffisant comparé à l’Europe où elle est payée entre 400 et 500 € par gig (environ 750 $). « Malheureusement, les promoteurs ne veulent pas vraiment augmenter les salaires des DJ parce que la plupart des profits proviennent du bar, qui ferme à 3 heures du matin alors qu’en Europe, ils vendent de l’alcool 24 heures sur 24, ce qui leur permet de gagner plus d’argent et de payer davantage le DJ. »
Bien que les affaires roulent pour Nastya Nvrslp, elle ne peut vivre uniquement de ses platines et travaille dans un bar. Elle envisage poursuivre sa carrière à Berlin, pivot de la scène techno, où les opportunités sont plus nombreuses, selon elle.
Tartine a commencé ses premières gigs il y a un an et demi en parallèle de ses études. Membre organisatrice du Doppler Effect, elle planifie des soirées pour mettre en avant des DJ underground internationaux. Elle a également créé Bazar Studio, un espace où les DJ peuvent s’entraîner sur du matériel professionnel, une initiative qu’elle gère bénévolement. Ses cachets oscillent aux alentours de 100 $ de l’heure, mais elle confirme que les plus grands noms de la scène techno montréalaise peinent à vivre uniquement de leur art.
Les mariages, un potentiel lucratif
Si être DJ résident ne fera pas de vous un.e millionnaire, sachez que remixer The Weeknd au mariage de votre cousin sera plus fructueux. C’est ce que fait Joshua Cenacle alias YKTV (You know the vibe) qui jongle entre des événements corporatifs et des gigs. Membre du collectif Vibebenders, il mélange hip-hop, jazz et afro dancehall. Il se produit trois fois par semaine dans différents lieux grâce à ses résidences hebdomadaires.
Pour ses gigs classiques comme au Ginkgo ou au 212, il est payé entre 300 et 600$ par soirée, mais c’est lors des évènements privés que les cachets grimpent.
« Un mariage peut rapporter entre 1000 et 5000$, voire plus selon l’ampleur de l’événement ».
YKTV donne aussi des cours de DJ dans des écoles et prépare sa première performance à l’Igloofest. Cependant, il reconnaît que ce mode de vie peut être exigeant : « Rentrer à 3 heures du matin, c’est difficilement compatible avec une vie de famille ». Il souhaite donc développer sa réputation à titre de producteur, bien conscient « qu’il faut toucher un peu à tout ». L’avantage de produire, c’est que « la chanson va durer dans le temps » alors qu’en tant que DJ, il faut avoir une présence permanente, sans quoi on est oublié.
En faire son entreprise
Aaron Hyper représente une minorité de DJ qui parviennent à vivre très confortablement de leur activité. Installé à Montréal depuis 2018, ce DJ house français a commencé à mixer dès l’âge de 14 ans. Quatre ans plus tard, il organise dans son lycée ses premières soirées. À 20 ans, il arrête ses études pour se consacrer entièrement à son activité.
Quand il a commencé, il était payé au noir. « Il y a 10 ans, on repartait du club avec une enveloppe de cash, ce qui était complètement illégal. Mais le truc, c’est qu’on était passionné par la musique et par ce métier, et on n’avait pas vraiment le choix parce que c’était comme ça que ça fonctionnait ». De nos jours, les DJ signent quasiment toujours un contrat, que ce soit en France ou à Montréal, m’affirme-t-il.
Le DJ a également mixé lors de mariages et pour des entreprises. À une époque, il enchaînait plus d’une vingtaine de prestations pendant la période des fêtes, mais il a arrêté depuis. « Ça ne m’intéresse plus. »
Depuis trois ans, Aaron est résident à La Voûte, un restaurant qui se transforme en club au Vieux-Montréal, où il joue chaque samedi.
Cette régularité lui rapporte environ 700$ par soirée.
En complément, il a monté une entreprise qui met en relation des DJ et des clients. Il recommande des DJ, gère leurs horaires, organise des événements et fournit son expertise en tant que DJ et directeur musical et artistique. Cette diversification lui rapporte entre 120 000 et 160 000$ brut par an, dont 75% proviennent de son activité de DJ. Cependant, il rappelle que cette réussite reste exceptionnelle : « À Montréal, on n’est même pas 10 ».
Tout miser (et espérer!)
Être DJ, c’est naviguer entre instabilité et opportunités. Si les revenus peuvent être imprévisibles, le métier offre une grande liberté pour les passionné.e.s prêt.e.s à persévérer et à bâtir un réseau solide, car la rémunération des DJ repose avant tout sur leur popularité. C’est un cercle vertueux : plus tu es connu.e, plus tu attires de monde aux soirées, et plus tu es payé.e.
Ce n’est pas la job qui permet de s’acheter un condo du jour au lendemain, mais pour celles et ceux qui sont prêt.e.s à faire quelques concessions (animer la fête d’anniversaire du petit neveu de ton coiffeur?) les possibilités sont là!