Logo

Combien ça coûte faire un bébé quand on est deux mamans?

Le sperme, ça coûte cher.

Par
Arianne Maynard-Turcotte
Publicité

J’ai récemment écrit un article intitulé « J’tu obligée d’économiser avant d’avoir un bébé? ». En faisant mes recherches, j’ai réalisé que j’allais devoir parler uniquement des couples qui ont des enfants « facilement », c’est-à-dire des couples hétérosexuels qui n’ont pas de problème de conception. J’avais pas le choix, parce que la réalité des couples homoparentaux est vraiment différente : les coûts grimpent vite quand on doit acheter du sperme ou trouver une personne qui portera l’enfant!

« On n’a pas d’argent pour un cash down de maison, nous c’est un cash down de bébé! »

Comme il y a tellement de types de familles et d’histoires différentes de conception, au lieu de faire un article qui relaterait seulement certaines réalités, j’ai plutôt décidé de vous raconter une de ces histoires-là : celle d’Annabelle et d’Émilie qui ont déboursé 6000$ pour du sperme.

Publicité

On va rentrer dans le vif du sujet : combien ça coûte faire un bébé quand on est deux mamans?

Émilie : Ça dépend si tu choisis le réseau public ou si tu vas au privé. Nous, on a choisi le réseau public pour être suivies en milieu hospitalier avec une banque de sperme à identité ouverte. Jusqu’à maintenant, ça nous a coûté 6000$ de sperme, 2000$ en hormones pis 500$ de stationnement. (rires)

Annabelle : C’est niaiseux, mais à quatre échographies par cycle, à 13$ de stationnement chaque fois, ça monte vite ! On va à Sainte-Justine pis même si on se stationne autour, c’est des parcomètres. On le calculait dans notre budget de bébé.

Justement, comment vous avez fait le choix de faire des inséminations au public avec un donneur en banque ouverte? Parce qu’il y a vraiment plein d’options…

Émilie : On a suivi une formation de la Coalition des familles homoparentales qui explique tous les choix pour tous les types de familles, autant les gens seuls, les parents trans, gais ou les lesbiennes.

Publicité

Annabelle : Ils t’expliquent tous les pour et les contre de toutes les méthodes, jusqu’à te trouver un donneur sur Kijiji.

On peut trouver des donneurs sur Kijiji?

Émilie : Y a une légende à Montréal que pas mal toutes les lesbiennes connaissent, c’est le Donneur Masqué. Il paraît que tu peux le trouver sur Kijiji ou Craigslist : c’est un donneur qui va se crosser chez les filles avec un masque, il donne son sperme pis il part. Apparemment qu’il y a beaucoup d’enfants de familles lesbiennes qui viendraient de lui.

Annabelle : On sait pas c’est qui. C’est peut-être un prédateur sexuel qui aime ça se masturber devant les gens. C’est super dangereux pour les maladies transmises sexuellement pis héréditaires, il est pas testé rien ! Il est peut-être gentil aussi, pis c’est une solution gratuite, mais nous on était pas prêtes à ça.

Est-ce qu’il y aurait eu une autre option gratuite?

Annabelle : Oui nous on aurait aimé ça le faire « maison », avec quelqu’un dans un cercle pas trop près ni trop éloigné de nous, mais c’est pas facile de trouver un donneur qui a la même vision de la parentalité que nous.

Publicité

Émilie : On a eu une proposition d’un ami d’ami qui voulait nous donner du sperme. Le problème c’est qu’il voulait être coparent avec nous, ça ne nous convenait pas. On voulait pas une famille à trois parents.

Ça a été quoi la première étape pour acheter votre sperme?

Émilie : Toutes les personnes qui achètent du sperme au Canada sont obligées de voir une psychologue, même les couples straight, pis au privé aussi.

Annabelle : Ça a pris huit mois avant qu’on voie la seule psychologue de Sainte-Justine spécialisée dans l’achat de sperme, pis le rendez-vous a duré genre 15 minutes. Elle a vu qu’on avait déjà eu toutes les réflexions pis qu’on avait déjà choisi une banque à identité ouverte, c’est ça qu’eux favorisent.

Pourquoi c’est ce qu’ils favorisent? En fait, c’est quoi les possibilités?

Annabelle : Y a la banque complètement anonyme pis la banque à identité ouverte. Mais les recherches en psychologie montrent que t’es mieux de prendre celle à identité ouverte parce qu’il y a une possibilité de savoir c’est qui le géniteur. C’est mieux pour l’enfant qu’il y ait une possibilité de savoir c’est qui, comme ça c’est son choix à lui.

Publicité

Émilie : C’est ça, dans la banque complètement anonyme, t’as aucune possibilité de savoir c’est qui le donneur. Si l’enfant veut éventuellement savoir c’est qui le donneur, y a aucun moyen…

Combien ça coûte, juste un échantillon de sperme? Pis vous le choisissez comment?

Émilie : Ça inclut-tu le prix du vin qu’on a bu pendant qu’on jugeait les monsieurs? (rires) Pour vrai, on se sent vraiment des mauvaises personnes quand on choisit le sperme, parce qu’on juge esthétiquement — à partir de photos de parties du corps — des personnes qui sont juste crissement gentilles de donner leur sperme!

Annabelle : Nous, on a choisi une banque américaine, parce que dans la banque à identité ouverte canadienne les choix sont vraiment réduits. Fait que pour nous, c’est 1000$ par échantillon, incluant la livraison.

Publicité

Aviez-vous calculé un budget à l’avance?

Annabelle : J’ai sorti 5000$ de mon CELI pour ça, pis on économise depuis un bout. On savait que ça coûterait cher, mais on pouvait pas prévoir combien d’essais ça va prendre donc tout notre argent est dirigé vers ça.

Émilie : Y a des gens qui vont en voyage, ben nous au lieu d’aller passer une fin de semaine dans une auberge, on garde l’argent pour acheter du sperme. L’affaire c’est qu’il faut toujours avoir un 1000$ de coussin pour acheter du sperme. Parce que quand t’as tes règles, donc que tu réalises que l’insémination d’avant n’a pas marché, t’as deux jours pour commander du sperme pour le recevoir à temps pour ton ovulation. Faut que tu l’aies, le 1000$!

Annabelle : On n’a pas d’argent pour un cash down de maison, nous c’est un cash down de bébé!

C’est quoi les autres dépenses?

Annabelle : Moi, mes hormones me coûtaient 250$ par cycle, mais ça dépend des gens. Pis ça c’est la portion qui est pas payée par les assurances, mais on a quand même de bonnes assurances à la job.

Publicité

Émilie : Pis on est chanceuses, parce que les deux on a des horaires flexibles et une boss vraiment compréhensive. Sinon on aurait épuisé toutes nos banques de maladie pis nos congés c’est certain : on allait à l’hôpital aux deux jours pour savoir si Annabelle ovulait! D’où le 500$ en stationnement. (rires)

À combien d’essais vous avez droit?

Émilie : On a droit à neuf essais par enfant, après il faudrait payer pour tous les rendez-vous pis la procédure d’insémination, on n’aurait pas été capable de se permettre ça.

Annabelle : On a fait six essais au total. La troisième insémination a fonctionné, mais j’ai fait une fausse couche. À partir de là, le compteur repartait à zéro parce qu’on avait techniquement eu un bébé « viable ». Là, on a refait trois autres inséminations… et on attend de savoir si la dernière a fonctionné. On se croise les doigts!