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Combien ça coûte des «vacances» en Corée du Nord?

Un séjour de cinq nuitées au pays de Kim Jong-un.

Par
Alexandre Perras
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L’été approche, le mercure grimpe et la saison des vacances arrive à grands pas. Vous avez le goût de faire différent cette année et sortir des sentiers battus? Vous voulez aller là où aucun de vos amis Instagram n’est allé?

Pourquoi ne pas essayer l’Asie? La Chine peut-être? Trop « capitaliste » à votre goût? Alors voilà! Pourquoi ne pas visiter la Corée du Nord cette année?

Le photographe montréalais Drowster l’a fait, lui, sortir des sentiers battus.

Le photographe montréalais Drowster l’a fait, lui, sortir des sentiers battus. Quoiqu’il le fasse pas mal tout le temps, ce dernier était avide d’une nouvelle destination.

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« J’ai toujours été fasciné par ce pays et j’étais particulièrement curieux de voir un monde sans pub », explique d’entrée de jeu le photographe. Après des voyages en Géorgie, au Laos, en Iran et en Irak (notamment), la Corée du Nord était une destination de choix pour le Montréalais.

Maintenant de retour à Montréal, avec plus de 300 photos sur ses cartes mémoire (oui, les photos sont « autorisées » en Corée du Nord), il nous raconte comment il s’y est pris pour voyager dans l’un des pays les plus secrets au monde. Et combien ça lui a coûté.

Récit d’un touriste au pays de Kim Jong-un

« Le timing était bon. J’avais l’argent pour y aller, je venais de compléter quelques bons contrats, alors je voulais en profiter avant que ça change. Je voulais voir l’état actuel des choses. En tant que photographe, mais surtout en tant qu’humain, c’est juste fascinant de découvrir avec mes propres yeux, sans le filtre d’un écran. »

Le Montréalais ne s’en cache pas, c’était pour lui un rêve de visiter ce pays.

« J’ai vécu mes dernières journées dans la déprime totale. »

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« À ma première journée, j’étais tellement excité. Je sautais partout. Je ne pouvais pas croire que j’y étais. À ma deuxième journée, j’ai commencé à réaliser ce qui se passe dans ce pays et combien c’est douloureux d’être témoin de tout ça. À ma troisième journée, je commençais à mal filer. Je trouvais ça injuste, ça me faisait chier. Et j’ai vécu mes dernières journées dans la déprime totale. »

L’image la plus significative que Drowster m’a donnée pour décrire son expérience : le Truman Show.

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L’organisation

Étonnamment, le photographe a pu régler son voyage en un après-midi.

Il faut dire qu’il n’y a pas 150 000 façons de visiter la Corée du Nord. Et la sélection des activités se fait à la carte avec les quelques agences spécialisées qui offrent cette destination.

« Vous avez le goût de faire ça, ça, ça et ça? Alors voici le prix pour ça, ça, ça et ça. Voici les méthodes de paiement. Avez-vous des questions? Envoyez-nous votre photo de passeport. »

Pas trop difficile jusqu’ici.

Le transport

Il n’y a aucun vol en direction de Pyongyang, la capitale du pays, à moins que vous partiez de Beijing, en Chine. Les prix varient. Au moment où le photographe a organisé son voyage, ça coûtait 700 euros pour faire l’aller-retour.

Le train est aussi envisageable, et c’est 340 euros aller-retour par personne en partance de Beijing.

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C’est aussi possible de se rendre à la frontière pour ensuite traverser en bateau.

Il a choisi le train à 340 euros et a déboursé 60 euros de plus pour obtenir le visa nécessaire pour visiter le pays.

Le prix

Le tarif à la journée, en formule « budget » coûtait 219 euros, soit autour de 333 dollars canadiens. À noter que le photographe n’a pas pris part aux tours de groupes proposés par l’agence de voyage, ce qui aurait été plus économique.

« Ce prix de base inclut tout. Le transport à l’intérieur du pays, donc ton conducteur, tes deux guides, le prix des activités et des trucs à visiter, ton hôtel, ta bouffe, ta bière. »

Le photographe s’est prévu cinq nuitées en périphérie de la capitale, soit un montant total de 1 095 euros pour la durée du séjour.

Toutes les activités sont prévues, et payées, avant d’arriver en territoire nord-coréen.

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Toutes les activités sont prévues, et payées, avant d’arriver en territoire nord-coréen. L’entreprise donne un itinéraire fixe, qui peut être modifié une fois sur place avec les guides au début de chaque journée.

« Une des activités que j’avais de prévue à mon horaire nécessitait des habits chics. Mais j’arrivais du Bangladesh… disons que je n’étais pas vraiment équipé. On est allé au zoo à la place. »

Les activités

Les journées commencent autour de huit heures le matin. Après un petit déjeuner à l’hôtel, vous commencez les activités.

« Soit tu pars en trip ailleurs dans le pays, ce qui prendra toute une journée et beaucoup de déplacements, soit c’est une journée dans la capitale avec plusieurs petites visites. »

Que ce soit le zoo, les musées, ou toute autre activité qui se déroule en périphérie de la capitale, vous serez accompagné par vos guides. Il n’y aura pas d’arrêts non planifiés.

« Des pit stops sont prévus pour pouvoir acheter de l’eau, des cigarettes ou même des souvenirs, comme un portrait de Kim Jong-un. À ces endroits, tu peux payer en yuans chinois, en euros et en dollars américains. C’est vraiment drôle de payer avec toutes ces devises. »

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Les souvenirs

« J’achète jamais de souvenirs en voyage, mais là je me suis gâté. Cinq bouteilles d’alcool, j’ai acheté des cigarettes pour mes ami(e)s qui fument, j’ai ramené sept livres que j’ai achetés dans une librairie “pour étrangers” avec des livres traduits dans toutes les langues. »

Durant le périple, un arrêt dans un « supermarché » est prévu à l’horaire. L’activité est vendue comme une expérience typique puisqu’il est finalement possible de vivre « comme les locaux ».

« Pour la première fois, tes guides disparaissent et c’est une des seules fois ou t’es “libre”. »

« Pour la première fois, tes guides disparaissent et c’est une des seules fois ou t’es “libre”. Tu peux acheter n’importe quoi dans le magasin et c’est vraiment ridiculement peu cher. »

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C’est d’ailleurs le seul endroit où il est permis de toucher et dépenser l’argent local, le won nord-coréen. Par contre, une fois le magasinage terminé, tu dois laisser l’argent à tes guides. Il n’est pas question d’en garder dans ses poches.

Des vacances?

« Ce n’était pas reposant du tout. Les seuls autres touristes avec qui j’ai eu la chance de parler m’ont dit qu’ils se réveillaient deux à trois fois par nuit parce qu’ils étaient trop stressés. »

La simple impression d’être surveillé ne pouvait quitter l’esprit du Montréalais. Les passeports sont d’ailleurs saisis le temps du séjour pour empêcher aux plus aventureux d’aller explorer sans la surveillance de leur guide.

« À chaque nouvelle information que tu reçois, il y a toujours un doute qui plane sur sa véracité. »

« C’est l’ensemble du portrait qui est épuisant. Essaie de ne pas virer fou ou être atteint par le fait de te faire mentir non-stop pendant six jours… Ça te fait réaliser que ton propre monde peut être une complète illusion, jamais on ne pourra en être certain. À chaque nouvelle information que tu reçois, il y a toujours un doute qui plane sur sa véracité. Ça te remet en question philosophiquement. »

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Et le photographe en a vu du pays et des situations de misère humaine. Celui qui, on le rappelle, a visité certains pays du Moyen-Orient n’avait jamais rien ressenti de semblable.

« Ce fut clairement un rush d’adrénaline comme l’Irak l’a été. En fait non, c’était plus difficile que l’Irak. C’est le voyage le plus dur émotionnellement que j’ai vécu. L’Irak c’était du fun comparé à ça. »

Grand total

Ça coûte donc 1495 euros, soit autour de 2295 dollars canadiens pour des « vacances » de six jours en Corée du Nord à partir de Beijing. Ce montant inclut l’hébergement, les activités, le transport, le visa, et le pourboire pour les deux guides et le chauffeur, qui a été laissé à la fin du séjour.

Si vous pensez faire le voyage depuis Montréal, sachez qu’un aller-retour pour Beijing ajoutera entre 900$ et 1300$ à la facture de votre voyage, tout dépendant de votre date de départ.

3500 $ canadiens

Selon le regard qu’on y porte, ce n’est pas trop cher payé pour un voyage avec deux guides personnels et un chauffeur privé en permanence…

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Mais il suffit juste de réfléchir au contexte du voyage et à ses conditions pour réellement comprendre la signification et l’impact que ça peut avoir sur soi.

« Ce fut clairement un rush d’adrénaline comme l’Irak l’a été. En fait non, c’était plus difficile que l’Irak. »

Parce qu’être témoin, bien que très brièvement, de l’emprisonnement physique, mais surtout mental, en Corée du Nord, ça ne peut pas simplement se résumer en un investissement monétaire.

Et c’est certainement pas une opportunité pour flasher sur Instagram.