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Chasser la morosité au Jardin botanique

Le retour du printemps est particulièrement bon cette année à la Mecque des fleurs de Montréal.

Par
François Breton-Champigny
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« C’est LA semaine pour voir les tulipes! » lance un jeune homme tout excité à sa copine en s’aventurant sur le chemin menant au Jardin botanique. Je ne connais rien aux fleurs, mais à voir la quantité de tulipes de toutes les couleurs autour de moi, je crois qu’il a raison.

En tout cas, les nombreux visiteurs qui affluent vers cet emblème de la métropole ont choisi leur journée pour respirer de l’air frais et parfumé. Le soleil est au rendez-vous et on sent l’arrivée de l’été malgré un petit vent tenace en ce jeudi après-midi de début mai. Deux jeunes femmes en profitent d’ailleurs pour faire un photoshoot devant un magnifique arbre en fleurs qui rappelle un peu un cerisier japonais version québécois.

Après plus d’une année à scruter de fond en comble les murs de nos logements en raison du confinement, j’ai voulu chasser la morosité ambiante et célébrer l’arrivée du printemps en faisant un petit coup de sonde dans ce havre du beau où la nature est reine et où la COVID n’est pas la bienvenue au royaume.

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Prendre un break de la pandémie au grand air

Je commence mon épopée du côté du Jardin de Chine. Sur le chemin, j’interpelle un jeune couple qui flâne en bavardant. «On en a profité, c’est la seule journée qui fait beau depuis un bout», lance Val Piton. Travaillant depuis peu dans un centre de vaccination, une job qu’il «adore» et trouve «très gratifiante», il a pris sa journée de congé pour se balader au grand air avec sa copine Pénélope au Jardin botanique. «On voulait aller au Biodôme à la base, mais c’est plein jusqu’en juin», explique Pénélope, qui n’en est pas à sa première escapade dans ce complexe naturel puisqu’elle fréquente le cégep de Maisonneuve tout près.

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Comme la très grande majorité des gens, le couple a trouvé difficile la dernière année, surtout en ce qui a trait à la socialisation. «C’est vraiment ça le plus rough: pas pouvoir voir les gens qui comptent pour nous», confie Pénélope.

«C’est vraiment ça le plus rough: pas pouvoir voir les gens qui comptent pour nous»

Pour l’heure, Val et Pénélope essaient de ne pas trop penser au quotidien «un peu plate» et se concentrent sur leur balade fleurie. «Notre coup de cœur, c’est les serres. Il faut que t’ailles voir ça avant de partir», me lance Val avant de continuer son chemin avec sa douce.

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Je prends son conseil bien en note, puisque c’est ma première fois au Jardin botanique. Mon excuse? Je viens de Sherbrooke et mes écoles primaire et secondaire favorisaient le Biodôme et l’Insectarium lors des voyages scolaires. Il faut avouer que de voir des manchots et des gorfous plonger dans notre face et goûter à des bonbons aux insectes est pas mal plus cool quand on a 11 ans que d’admirer des tilleuls du Tibet…

Je continue ma route lorsque j’aperçois de drôles de bassins à ma droite pas très loin de l’entrée du Jardin de Chine.

«Dans quelques semaines, ils seront remplis de magnifiques fleurs, m’explique Jacinthe, jardinière au département de l’aquatique, pendant qu’elle arrose les carrés de terre encore un peu tristounets. On arrive à la mi-avril pour préparer la saison. C’est une période de “ménage” où on doit nettoyer les bassins, enlever les feuilles fortes, dégager les racines, enlever les sédiments et hydrater les plantes en masse».

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La jardinière «adore» son travail qu’elle considère comme «valorisant» et se compte bien chanceuse de pouvoir travailler dehors et non pas «confinée dans un bureau». Elle confie avoir vécu une période d’adaptation l’an dernier. «[Le Jardin botanique] a ouvert plus tard donc on a dû travailler plus fort encore pour rattraper tout ce qu’on avait pas pu faire en présaison. C’était assez demandant».

«Ça parait que les gens sont écoeurés de la COVID et qu’ils veulent sortir prendre l’air. On voit sur leurs visages qu’ils apprécient encore plus les lieux»

Avec l’assouplissement des mesures sanitaires qui arrivent en même temps que l’éclosion des bourgeons, Jacinthe est bien contente de revoir les visiteurs butiner les différentes sections du Jardin botanique cette année. «Ça parait que les gens sont écoeurés de la COVID et qu’ils veulent sortir prendre l’air. On voit sur leurs visages qu’ils apprécient encore plus les lieux».

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Ça fait rire les oiseaux, ça chasse les nuages

Après plusieurs détours, j’arrive enfin au fameux Jardin de Chine. C’est un coup de coeur instantané.

On se croirait dans un village chinois bucolique tout droit sorti d’un film de Disney. La magnifique architecture mariée aux cours d’eau paisibles et aux fleurs multicolores me jette à terre. À en voir la quantité de gens qui déambulent dans le jardin, je ne suis clairement pas le seul à apprécier l’endroit.

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«On a pris une marche de Rosemont pour venir jusqu’ici et profiter du beau temps », me dit Claude flanqué de son épouse Madeleine, assis sur un banc sous un genre de chapiteau pour «prendre une petite pause». Le couple aime bien s’aventurer jusqu’ici plusieurs fois par année. «J’ai déjà entendu dire que c’était un des plus beaux Jardins botaniques au monde. J’ai pas de misère à le croire», confie Claude.

«J’ai déjà entendu dire que c’était un des plus beaux Jardins botaniques au monde. J’ai pas de misère à le croire»

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Lorsque je leur demande quel est leur coup de cœur, j’ai droit à un «Oh boy!» bien senti. «Il y en a trop! Les serres sont incroyables, le Jardin de Chine, le Jardin japonais, tous les plans d’eau. Ce sont tous des endroits sublimes!» selon Madeleine, qui confie avoir particulièrement apprécié les créations horticoles lors des Mosaïcultures internationales de 2013.

Le plus gros point négatif de la pandémie pour les tourtereaux? Ne pas pouvoir fréquenter leurs enfants et leurs petits-enfants comme ils l’auraient voulu. «On s’est vu à distance quelques fois, mais c’était crève-cœur de ne pas pouvoir les serrer dans nos bras…», avoue avec émotion Madeleine.

Aller au resto et jouer au golf avec des amis sont aussi des activités que Claude a hâte de pouvoir refaire.

Je prends quelques clichés du Jardin de Chine et j’improvise le reste de mon parcours. J’arrive finalement sur le bord d’un étang près du Jardin des Premières-Nations où un jeune garçon essaie d’attraper une tortue pendant que sa mère tente de calmer un bambin en crise de larmes. Les crapauds et les oiseaux rivalisent la position de lead singer de ce concert naturel étonnamment apaisant.

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Parlant d’oiseaux, je remarque que plusieurs visiteurs ont des caméras avec des zooms plus longs que leur bras. Je me donne comme mission d’interroger un membre de leur espèce lorsque je tombe sur Dominic avec sa machine en bandoulière.

Dominic est un habitué du Jardin botanique. «Ici, c’est un paradis pour la photographie d’oiseaux. Tu peux venir 12 mois par année et il y a toujours des espèces à prendre en clichés», m’explique-t-il.

«Ici, c’est un paradis pour la photographie d’oiseaux. Tu peux venir 12 mois par année et il y a toujours des espèces à prendre en clichés»

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Visiblement, l’homme à l’appareil photo imposant a une petite dent contre la Ville et sa gestion du Jardin botanique pendant la pandémie. «Tous les autres parcs de l’Île étaient ouverts l’an passé en avril, sauf le Jardin botanique. C’est niaiseux! On a manqué l’arrivée de plein d’oiseaux qui viennent spécialement ici à cause de ça!»

Au moins, l’institution a ouvert ses portes à la même date que d’habitude cette année et le photographe a pu en profiter pour capturer des images de pics et de carouges à épaulettes, qui sont légion par les temps qui courent. «Ça fait depuis les années 80 que je fais la photo. J’ai fait autant de l’architecture que du nu, mais les oiseaux, c’est vraiment un sujet passionnant et challengeant. Ça bouge, ça vit et il faut être vite sur la gâchette pour ne pas les manquer», résume Dominic.

«Ça fait depuis les années 80 que je fais la photo. J’ai fait autant de l’architecture que du nu, mais les oiseaux, c’est vraiment un sujet passionnant et challengeant»

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L’après-midi tire à sa fin et je n’ai même pas visité la moitié du complexe horticole. Je m’étais promis de faire un tour aux serres avant de partir comme me l’avaient conseillé Val et Pénélope. J’y mets donc le cap avant la fermeture.

Premier constat: c’est beau. Deuxième constat: c’est chaud et humide.

Je m’aventure dans la première salle avant d’interpeller trois amis qui admirent des plantes tropicales. «Je viens souvent avec les jeunes de la Fondation des Auberges du Coeur dont je m’occupe», explique Olivier. Eddy lui est souvent venu quand il était jeune, mais le spectacle ne l’impressionne plus autant qu’avant. « Ma famille vient d’Haïti, donc je suis habitué aux plantes et aux fleurs colorées. Ce n’est pas si spécial pour moi». De son côté, Ève apprécie la balade colorée avec ses amis. «J’ai hâte de voir les immenses nénuphars! C’est mon highlight du Jardin!», confie-t-elle.

Eddy (à gauche), Olivier et Ève
Eddy (à gauche), Olivier et Ève
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Olivier espère que les « shows de lanternes » referont leur apparition cette année. «C’était vraiment magique!», laisse-t-il tomber.

J’ai un meeting virtuel dans quelques minutes. Je salue le trio et lui souhaite bon courage puis je sors des serres.

Le soleil est encore bon. Les visiteurs fourmillent toujours dans le Jardin botanique et profitent de cette belle fin d’après-midi.

En regardant ce spectacle, je me demande ce qui est le plus beau dans tout ça: le retour des tulipes ou celui d’une (certaine) normalité lumineuse après les ténèbres de la dernière année.