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C’est-tu si pire si mes enfants partagent une chambre?
Avec la crise du logement et le coût exorbitant de l’immobilier au Québec, de nombreuses familles font le choix de faire dormir leurs enfants dans la même chambre.
« Le monde me trouve courageuse, avec un petit air d’incompréhension », m’écrit Marie-Florence Gagnon au sujet de son choix moins « conventionnel ». Mère de deux enfants, un fille de 4 ans et un garçon de 7 ans, elle a acheté, dans la foulée d’une séparation, un petit appartement muni d’une seule chambre à coucher à Trois-Rivières.
« On économisait pour s’acheter une maison depuis quelques années, alors en se séparant, j’avais quelques économies. J’ai regardé pour des loyers, des maisons et TOUT est tellement cher », souligne la mère de 29 ans.
Récemment déménagée de Montréal, Marie-Florence a payé 225 000$ pour son appartement trifluvien qui venait déjà meublé. « Je n’aurais jamais trouvé de maison à ce prix », croit-elle.
Selon une étude menée par Royal LePage, le prix médian d’une maison unifamiliale à Trois-Rivières s’est élevé à 355 200$ dans les derniers mois de 2023. Un bon de presque 15% par rapport à l’année précédente. (Dans la région du Grand Montréal, ce prix a atteint 629 700$ pour la même période.)
Quand elle a la garde de ses enfants, Marie-Florence compte dormir sur le sofa-lit avec sa plus jeune et laisser la chambre à son garçon. « Je me dis que vu que j’ai les enfants juste une semaine sur deux, je rattraperai mon sommeil pendant ma semaine seule », lance-t-elle.
En famille en ville
À Montréal, Josie, mère d’un bébé de 8 mois et d’un garçon de 4 ans, paie quant à elle un loyer de 2500$ pour son 5 et demi, où elle a emménagé avec sa famille en 2021. « Les loyers avaient augmenté, mais pas autant [que ces deux dernières années] alors on a réussi à trouver dans notre budget », soutient-elle.
La famille dispose de trois chambres à coucher dans son appartement de Villeray, mais, télétravail oblige, l’une d’elles sert de bureau. Heureusement, le partage de la chambre se passe mieux que prévu. « On endort la plus jeune en premier et mon plus grand après. C’est surprenant, je croyais qu’ils allaient s’entre réveiller, mais pas du tout », dit-elle.
Selon Craig Canapari, directeur du centre du sommeil pédiatrique de Yale, aux États-Unis, le partage de la chambre, « même s’il implique souvent des compromis, est parfaitement gérable. » Il peut même comporter des avantages, par exemple en aidant les enfants anxieux à mieux dormir, écrit-il dans un texte paru dans le New York Times.
Le médecin pédiatre rappelle que cette pratique de donner aux enfants leur propre chambre est relativement récente aux États-Unis. Jusqu’à l’ère victorienne, les dortoirs séparés étaient un « luxe réservé aux classes aristocratiques », poursuit-il.
De grandes maisons vides
De nos jours, la grande maison unifamiliale, avec plusieurs chambres, un sous-sol et un garage, demeure en effet un idéal en Amérique du Nord. Une sorte de symbole de réussite.
Au Québec, les ménages plus petits habitent des maisons chaque fois plus grandes, révèlent les données de l’Office de l’efficacité énergétique de Ressources naturelles Canada mises en lumière par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
« En 60 ans, la taille moyenne de la maison unifamiliale neuve a donc augmenté de 76% », écrit le chercheur Colin Pratte. Paradoxalement, constate-t-il, le nombre de personnes par ménage est passé de 4 à 2,2 pendant la même période.
Aux États-Unis, c’est le même phénomène. De 1960 à 2000, le nombre de chambres disponibles pour chaque enfant dans un ménage moyen est passé de 0,7 à 1,1, selon les calculs du sociologue Michael J. Rosenfeld à partir des données du recensement américain, cités par le magazine The Atlantic, le mois dernier.
Malgré tout, tous les ménages n’accèdent pas ou ne souhaitent pas accéder à ce “rêve américain” version immobilier. Josie, elle, n’a pas l’intention de quitter son logement de sitôt. Elle et son conjoint ont même espoir de pouvoir l’acheter un jour, si l’occasion se présente. « On l’aime beaucoup. Je pense qu’on pourrait le garder longtemps, au moins jusqu’au secondaire des enfants », confie-t-elle.
Quant à Marie-Florence, elle espère déménager dans plus grand, toujours à Trois-Rivières, d’ici deux à trois ans. « Si le marché ou mon salaire le permet », précise-t-elle.