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C’est-tu si pire si j’emmène pas mes enfants dans la famille à Noël?

Disons que le ratio effort/plaisir est souvent minime.

Par
Philippe Côté-Giguère
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La pandémie (et la pause obligée des rassemblements familiaux) a fait réaliser à certains parents que, parfois, faire 6 heures de route pour se rendre à Rouyn-Noranda — ou à Terrebonne, qui sait? — avec de jeunes enfants pour célébrer les Fêtes avec la famille n’était pas nécessairement leur activité préférée.

Disons que le ratio effort/plaisir est souvent loin de justifier tous les tracas — et les mille et une gogosses — qui viennent avec une visite de quelques heures à peine chez la parenté. Ce constat peut amener des personnes à considérer l’idée de sauter le party de Noël traditionnel pour donner un petit break à leur charge mentale, malgré la pression sociale subie par les parents pour que leur progéniture vive des moments exceptionnels durant cette période.

Pour mieux comprendre ce qui entre en ligne de compte quand vient le temps de prendre ce genre de décision, j’ai eu l’occasion de discuter avec une mère qui a décidé de sauter le séjour en région cette année, et une autre, qui y songe en raison de sa mauvaise relation avec son père.

Voici ce qu’elles avaient à me dire.

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Une pause parfois nécessaire

Henriette* est âgée de 38 ans et Simon, son conjoint, en a 41. Ils sont les parents de Béatrice, un bébé de 8 mois, et d’Hector qui aura bientôt 3 ans. Tous les quatre habitent ensemble, à Montréal, dans un appartement. La grande famille d’Henriette réside dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Avec l’arrivée de la petite dernière, Henriette anticipait le périple annuel en vue du temps des Fêtes. Après y avoir pensé comme il faut, elle a finalement annoncé à sa mère qu’elle préférait prendre une pause pour 2024, une première depuis la fin de la pandémie, en raison de la distance, tout en ajoutant que leur prochaine visite n’irait probablement qu’à l’été prochain. Ses proches ont bien réagi à l’annonce.

« Ma tante nous a écrit sur Facebook pour inviter tout le monde pour la soirée du 24 décembre en disant qu’on était les bienvenus à rester dormir. Je lui ai répondu qu’on sautait cette année et qu’on la remerciait pour l’invitation. Elle n’a pas posé plus de questions que ça. Il faut aussi dire que deux de ses fils sont séparés, alors ça arrive que les enfants ne soient pas là parce qu’ils sont dans la famille de leur mère. Je pense qu’elle n’a pas trouvé ma décision surprenante. »

La mère de famille m’explique que le périple en région est particulièrement éreintant, en raison de la distance, oui, mais aussi que la courte durée passée auprès de ses proches n’en valait pas nécessairement la chandelle. Aussi, ses parents n’offrent pas beaucoup d’aide à Henriette et son conjoint avec les tâches liées aux enfants, ce qui ajoute à la charge du quotidien. Et les spécialistes le disent : il est important de garder une certaine routine avec les jeunes enfants, même lors d’événements spéciaux, comme les célébrations de fin d’année.

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« Avec deux enfants, je trouve ça fatigant, le temps des Fêtes. Mes parents ont quand même été fins, ils se sont un peu équipés. Ils ont acheté une bassinette, une chaise haute, une barrière pour l’escalier. C’est super apprécié, mais ça reste qu’il n’y a pas de jouets… »

« Je pense que mes parents sont contents de les voir, mais ils ne savent pas trop comment interagir avec eux. »

Il faut aussi savoir que Béatrice et Hector sont les deux seuls petits-enfants dans la famille immédiate d’Henriette qui a aussi une sœur. Comme les visites au Saguenay–Lac-Saint-Jean se font assez rares en raison de la distance qui sépare la maison de la trentenaire à celle de ses parents, ces derniers ne voient pas régulièrement les petits, ce qui cause une drôle d’ambiance lors de leurs séjours.

« C’est un cercle vicieux : on n’y va pas souvent, ils ne prennent pas de nouvelles, ne font pas de FaceTime avec les enfants. Hector ne les connaît pas et est parfois apeuré en les voyant. […] Au lieu d’essayer de l’amadouer un peu, ma mère va s’en aller dans une autre pièce. Il y a un malaise constant. »

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Tous ces éléments ont pesé lourd dans la balance quand Henriette a réfléchi à la façon dont elle voulait passer son temps des Fêtes, cette année. Elle en est venue à la conclusion qu’il serait préférable d’éviter tout ce trouble et la charge mentale qui vient avec, une décision qu’elle a prise par elle-même avant de l’annoncer à son conjoint, qui appuyait son choix.

Henriette me confie cependant que leurs road trips vers le Saguenay–Lac-Saint-Jean devraient reprendre dès l’année prochaine, à moins d’une situation hors de l’ordinaire (virus, tempête, etc.), bien qu’elle ne soit pas fermée à l’idée de sauter un autre Noël, si nécessaire.

« Je me permettrais de refaire ça si le besoin est, mais idéalement, j’aimerais y aller. Je ne suis pas hyper proche des membres de ma famille un peu plus élargie, mais je m’entends bien avec eux et j’aime les voir. »

« Il y a une partie de moi qui se sent un peu coupable. Je me dis que ma mère aimerait sûrement voir les enfants quand même, que ça lui fait un peu de peine, même si elle ne me le dira jamais. Après ça, c’est à mon père et ma mère de l’exprimer. Je ne peux pas le faire à leur place. »

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Ne pas être pris pour acquis

Du côté de Léa, mère de deux garçons de 3 et de 7 ans, c’est plutôt la relation difficile avec son père qui l’amène à se questionner à savoir si la visite traditionnelle des Fêtes chez sa tante est vraiment nécessaire. Il faut savoir que suite à la séparation de ses parents, la femme de 36 ans a surtout grandi avec sa mère et que son père a joué un rôle effacé durant l’enfance et l’adolescence de Léa. Aujourd’hui, il voudrait bien se faire appeler « grand-papa » par les deux enfants de sa fille, sans s’impliquer concrètement dans leurs vies d’une façon ou d’une autre, ce qui rebute la mère de famille.

« Le temps des Fêtes, c’est pour être avec les gens qui font partie de la famille au quotidien, ce qui n’est pas son cas. Être un grand-père, ce n’est pas un acquis. Il faut faire des efforts et c’est à lui à démontrer un peu d’initiative. Je ne le ferai pas à sa place. »

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Ce qui cause aussi une certaine frustration chez Léa, c’est que ses deux enfants sont très sociables et donnent beaucoup d’affection à leur grand-père biologique lors de leur visite annuelle à Noël. Éventuellement, elle compte expliquer la situation à sa progéniture et commence d’ailleurs à le faire avec le plus vieux, ce qui est loin d’être facile.

« J’ai commencé un peu avec l’aîné, mais c’est délicat. Je ne veux pas qu’il pense que c’est de sa faute s’il y a un froid entre son grand-père et moi. Ce sont des sujets plus difficiles à expliquer à un enfant qui n’a pas toutes les connaissances et l’expérience d’une vie. C’est important de ne pas entrer dans les détails pour ce qui est du côté négatif de la relation, mais il faut quand même expliquer pourquoi on voit moins cette personne pour ne pas créer de déception ou de peine chez les enfants. Je veux avant tout les protéger. »

Si Léa hésite aussi à se rendre au brunch de Noël organisé par sa tante année après année, c’est qu’elle a parfois l’impression d’être un poisson hors de l’eau durant les quelques heures que dure l’événement et de faire semblant que tout est normal, alors que ce n’est pas le cas.

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« Je trouve ça très fake. C’est comme si on était dans un film. On fait semblant que tout va bien, que le passé n’existe plus. Dans la vie, ça ne fonctionne pas comme ça. Aussi, je suis moins proche que je ne l’ai déjà été de cette partie de ma famille, donc je reste dans le small talk. Disons que ça ne me motive pas à me retrouver dans ces rassemblements familiaux là. »

La trentenaire croit qu’elle pourrait facilement se passer de ce moment, mais qu’elle continue de s’y rendre par gentillesse, d’abord et avant tout pour sa tante, avec qui elle a une bonne relation. Elle admet également que la proximité — elle habite à 15 minutes de l’endroit où a lieu le rassemblement — rend la visite plus facile et qu’elle arrêterait probablement d’aller à la fête de Noël familiale si une plus grande distance la séparait de sa parenté.

À l’occasion des Fêtes, je vous souhaite donc de faire ce que bon vous semble avec votre petite famille et de savoir imposer vos limites, même si cela peut créer des remous. Parce que les vacances, c’est pas censé être un fardeau. Tant pis, si vous ne voyez plus les pointages à Candy Crush d’un de vos oncles parce qu’il vous a bloqué sur Facebook.

Joyeuses Fêtes à tous les parents! Essayez de vous reposer un peu.

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