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C’est-tu si pire si je sacre devant mon enfant?

C’est-tu si pire si je sacre devant mon enfant?

Ou les vertus insoupçonnées des mots d’église.

Par
Christian Letendre
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On a beau avoir les meilleures intentions du monde, personne n’est à l’abri d’un coin de meuble qui rencontre un orteil de façon un peu trop violente. Le « câlisse! » qui en résulte est aussi instinctif que le sentiment de culpabilité ressenti en constatant que les oreilles chastes de votre enfant se trouvaient dans la même pièce que le meuble maudit.

A-t-on raison de prôner la censure? Les sacres sont-ils aussi dommageables qu’on le croit?

Bref, c’est-tu si grave de sacrer devant votre enfant?

On a travaillé câlissement fort pour trouver la réponse.

Les bienfaits des mots d’église

Avant de vous demander si les gros mots peuvent être néfastes pour votre enfant, vous devriez vous demander s’ils le sont pour vous. Étonnamment, la science semble très favorable au langage coloré.

Certains spécialistes prétendent que les sacres aident à renforcer les relations à l’intérieur d’un groupe. Après tout, on jure entre gens qui se respectent et se font confiance, alors qu’on se garde une petite gêne dans les environnements plus formels. D’ailleurs, les gros mots permettent de s’affranchir des marqueurs sociaux.

Pratiquement tout le monde les prononce, que l’on soit chef de parti politique ou invité au party de fête de Kevin.

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Le linguiste Benjamin Bergen avance quant à lui que les gens qui sacrent sont perçus comme étant plus authentiques, drôles, accessibles et honnêtes.

Une autre étude affirme que ceux qui profèrent les insultes les plus variées ont un quotient intellectuel plus élevé.

Et crier des gros mots quand on a mal aiderait à mieux tolérer la douleur.

On serait fou de ne pas en faire profiter nos enfants, non?

Personne n’est à l’abri

L’argument préféré des apôtres du juron, c’est que les enfants finiront bien par en entendre quelque part. Alors pourquoi pas à la maison?

Le psychologue américain Timothy Jay tend à leur donner raison : selon ses recherches, les enfants commencent à dire des mauvais mots dès l’âge de deux ans et leur vocabulaire en comprendrait entre 30 et 40 au moment de commencer l’école, qu’ils viennent de vous ou non.

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Cela dit, il ne faut pas non plus en abuser. Selon le professeur de langues Michael Adams, l’attrait des sacres réside dans leur caractère transgressif. Ils doivent garder une part de leur inacceptabilité sociale, sans quoi ils deviendraient simplement des mots normaux.

Bref, un sacre occasionnel aura nettement plus d’impact que si vous en câlissez un ostie à chaque deux crisses de mots, tabarnak.

Tout est dans la manière

L’important, si vous échappez involontairement un « ostie! » ou un « saint-ciboire! » devant votre enfant, c’est de lui expliquer pourquoi c’est arrivé, et qu’il y a des endroits et des moments où les gros mots passent mieux.

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Les spécialistes précisent que les enfants sont capables de maîtriser plusieurs niveaux de langage et de moduler leur discours selon qu’ils parlent à leur enseignant ou à leurs amis.

Apprendre à jurer serait d’ailleurs une partie essentielle de leur développement, puisque ça les aide à comprendre les sentiments des autres de manière plus nuancée.

Des études datant d’aussi loin que les années 1930 démontrent aussi que les mauvais mots remplacent rapidement les morsures, les coups et les cris à mesure que les enfants se développent.

Coudonc, y as-tu des mauvais côtés à sacrer?

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Choisir sa cible

Échapper des jurons une fois de temps en temps devant votre enfant est donc plutôt inoffensif. Mais si vous les lui adressez directement, c’est une autre paire de manches.

Quand il s’agit de dénigrement ou d’injures à son endroit, le développement social et cognitif d’un bambin peuvent être mis en péril. Il a aussi plus de risques d’être un enfant anxieux, et même de développer des états dépressifs.

Bref, sacrer devant son enfant : oui. Sacrer après son enfant : crisse non.

Comment se retenir?

En fin de compte, tout est une question de préférence. Si ça ne vous dérange pas que votre enfant utilise des gros mots, libre à vous d’en dire devant lui. Mais si vous préférez qu’il ne sacre pas, vous devrez vous retenir. Et c’est souvent plus facile à dire qu’à faire.

Heureusement, il existe plusieurs trucs pour vous aider à vous sevrer des jurons. À commencer par le célèbre pot à sacres, dans lequel on dépose un montant prédéterminé chaque fois qu’une injure est proférée. Le danger, c’est que tout le monde se mette à sacrer jusqu’à ce que le pot soit assez rempli pour acheter la nouvelle Switch.

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Vous pouvez aussi mandater quelqu’un pour vous rappeler à l’ordre chaque fois que vous utilisez un gros mot. Assurez-vous toutefois de choisir une personne à qui vous ne tenez pas particulièrement, parce que ça se peut que vous vous mettiez à la détester.

Sinon, il y a toujours la méthode un peu plus agressive de faire claquer un élastique sur votre poignet chaque fois que vous sacrez. C’est un peu l’équivalent du collier électrique pour les chiens, et ça doit être efficace parce que personnellement, je n’ai jamais entendu un chien lâcher un gros « sacrament ».

La méthode la plus éprouvée demeure de remplacer les sacres par des variantes moins offensantes. Et ça tombe bien, on vous a justement concocté une liste d’alternatives aux mots d’église les plus communs. Vous pourrez donc vous y référer quand vous voudrez faire sortir le méchant sans fâcher le p’tit Jésus.

Mot interdit

Alternatives

Ostie

Ostiche, estiche, osprit, esprit, osto, ostifi, ostind’beu, ouistiti

Tabarnak

Tabarouette, tabarnouche, tabarnache, tabarnane, tabeurn, torpinouche, tabourette, taboulé, Toblerone, topeudliteul (merci François Pérusse!)

Crisse

Crime, criffe, christophe, cristobal, Christmas, crime poffe, crime bine

Câlisse

Câline, câlique, câlasse, câlife, câlibine, câlibouère, cârosse

Calvaire

Calvâsse, calvince, calvinisse

Sacrament

Sacrifice, sapristi, sacrebleu, sacremouille, sac à papier

Ciboire

Cibole, ciboulot, ciboulette, siffleux, géribouère

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