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C’est-tu si pire si… je n’assiste pas aux matchs de mon enfant ?

Ou comment naviguer entre ennui et culpabilité.

Par
Philippe Papineau
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Le sport, c’est génial. D’abord pour la santé physique, pour peu qu’on se donne en intensité dans sa pratique du badminton ou dans sa ligue de balle-molle. Et c’est une bonne façon de croiser d’autres humains et de faire sortir le méchant. Puis, quand c’est au tour de nos enfants de s’y mettre et que le calendrier familial sur le frigo se remplit à la vitesse grand V de pratiques et de matchs aux quatre coins de la ville, c’est… moins l’fun?

Mettons tout de suite au clair une affaire : oui on les aime nos enfants quand ils courent tous après le ballon de soccer et on veut le meilleur pour eux, même quand la notion de but sur balles sonne comme de la physique quantique. Sauf que… c’est-tu si pire si je confie ma fille à un autre parent et que je saute mon tour de temps en temps? Question de savoir, en direct, qui a raté son espuma aux Chefs, de scroller à l’infini sur mon compte Instagram ou juste de me souvenir c’est quoi, exister en tant qu’adulte? Vais-je briser ma progéniture?

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J’ai demandé à Charles-Étienne White-Gosselin, un doctorant en psychologie à l’UQAM, de m’aider à y voir plus clair. Étant lui-même un grand sportif, il a orienté sa thèse sur les processus sociaux entre pairs dans le sport, plus précisément chez les enfants et les adolescents.

Favoriser l’attachement

Commençons avec un plan large. « Est-ce que c’est important pour un parent d’être présent à chacun des matchs, à chacune des pratiques? La réponse est fort probablement non, c’est pas grave. Par contre, ce qui est important, c’est que l’enfant se sente soutenu. Et est-ce que l’enfant a plus de chance de se sentir soutenu dans son sport si le parent assiste aux matchs et aux pratiques? Fort probablement que la réponse est oui », résume le doctorant.

Bon, on voit le portrait. Les mots-clés à avoir en tête pour la suite sont « sentiment de soutien », « implication positive », et puis la massue, « théorie de l’attachement ».

Cette dernière peut prendre quelques cours universitaires à détailler, mais notre spécialiste nous la résume ainsi : quand on assiste aux matchs des enfants, on vient favoriser un attachement dit « sécure » avec nous.

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« C’est lorsque l’enfant est capable d’explorer, est capable de prendre des risques, de vivre de l’adversité, sans nécessairement avoir besoin de ses parents, mais que si jamais il est dans une situation épeurante ou qu’il est confronté à l’échec, bien, il sait qu’il peut toujours se tourner vers ses parents pour obtenir du réconfort et de l’affection », explique Charles-Étienne.

Différents types de soutien

Le fait que l’enfant se sente soutenu est donc au cœur de l’affaire, mais White-Gosselin ajoute que cette notion peut s’exprimer de différentes façons. Il y a plus à penser que notre simple présence physique, assis sur un banc dur en plein soleil à crier : « Let’s go pinotte, les yeux sur la balle! »

Cette implication positive peut, entre autres, être nourrie en faisant du sport pratiqué par son enfant une priorité. « Ça ne veut pas dire de mettre le sport d’un enfant au centre de tout, mais plutôt de lui accorder de l’importance, note le doctorant. Par exemple, dans notre horaire et aussi dans le budget par rapport aux autres sphères de la vie. Il s’agit de trouver un certain équilibre et que l’enfant ne soit pas le seul à vouloir mettre ça au centre de sa vie. »

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Ça, Maxime Brossard, père de trois enfants sportifs, mise beaucoup là-dessus. Son plus vieux joue au hockey et au baseball et ses deux plus jeunes filles s’adonnent au plongeon. Avec les années, son taux de présentéisme a fléchi, question de gestion d’horaires, mais aussi, avoue-t-il, de « sentiment de redondance ». « Mais on investit beaucoup de temps et de ressources dans leur sport, on veut démontrer qu’on est là pour eux, qu’ils sont pas tout seuls là-dedans. »

Impliquez vos enfants (au lieu de vous fatiguer)

White-Gosselin souligne aussi que le simple fait de s’intéresser aux activités sportives de son enfant est une bonne pratique.

« L’idée, c’est surtout d’éviter de n’avoir aucune idée de ce que notre enfant fait », explique-t-il.

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C’est là une approche qu’a adoptée Sarah, aussi mère de trois enfants dont le plus vieux, Louis, joue au soccer depuis dix ans. « J’ai jamais été une fan de sport, mais j’ai appris les différentes manœuvres, c’est quoi un coup franc, un tir de pénalité… Après, il est bien content quand on en reparle. “T’as vu, tel joueur, quand il a fait ça?” Ou “l’arbitre a été tough là-dessus”. Je sais qu’il est content de cette discussion-là. »

Après, souligne notre doctorant, il faut aussi être à l’écoute des demandes et des besoins de l’enfant — aime-t-il arriver tôt à sa pratique ? — tout en évitant d’apporter « un support complètement disproportionné dans le sport par rapport aux autres sphères de la vie. »

Sarah estime pour sa part que son Louis, 14 ans, est mûr pour une bonne dose d’autonomie. Déjà qu’il prend seul les transports en commun pour aller à l’école, pourquoi ne pas faire de même pour une pratique? « C’est ton sport, c’est ton engagement aussi. Démontre-nous que tu te débrouilles, que tu trouves des solutions, que t’es motivé », illustre-t-elle. Quitte à couper la poire en deux en offrant le lift du retour pour jaser du travail de l’arbitre.

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