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C’est-tu si pire si je dors encore avec mon enfant de 4 ans ?

On a demandé l’avis de Mélanie Bilodeau, psychoéducatrice.

Par
Brigitte Hébert-Carle
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Un lendemain de nuit tourmenté, ma fille a (encore) dormi avec nous une partie de la nuit. Je me sens couci-couça, entre un début de virus et un manque de sommeil causé par le tirage de cheveux et les coups de pied. Les yeux dans la graisse de bine, je me dirige dans la salle de bain pour prendre ma température. Pas de fièvre. Je n’y crois pas, donc je remets le thermomètre dans ma bouche. Ma cocotte me rejoint et me regarde d’un drôle d’air. « Maman, c’est pas celui qu’on utilise pour mettre dans mes fesses, ça? ». On peut dire que le manque de sommeil altère un peu mon jugement.

Le cododo ne fonctionne plus pour moi, mais si ma fille vient nous rejoindre une fois de temps en temps dans notre lit, est-ce que c’est si pire que ça?

LE CODO-QUOI?

Qu’est-ce que le cododo, exactement? C’est le partage de chambre ou de lit, sous toutes sortes de formes : que ce soit une chambre familiale avec plusieurs lits, des matelas au sol à côté du lit de l’enfant ou des parents, etc.

Le cododo est aussi le « mot-qu’on-ne-peut-pas-prononcer » entre parents. Disons que j’en connais peu qui se vantent de dormir avec leur enfant, surtout quand celui-ci a 4 ans!

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Pour éclaircir le sujet du cododo et ses répercussions possibles sur nos enfants, j’ai parlé avec Mélanie Bilodeau, psychoéducatrice spécialisée en parentalité sécurisante et en petite enfance et autrice de Être un parent sécurisant : le sommeil du tout-petit.

Donc, est-ce qu’on scrappe nos enfants si on leur permet de dormir avec nous?

La réponse de Mélanie Bilodeau est claire : « Ben non, tant que ça répond aux besoins de tout le monde et que ça ne transgresse pas les limites personnelles du parent et de l’enfant. Le cododo, c’est un accommodement au sommeil parmi tant d’autres, qui répond aux besoins de tout le monde, dans un moment X de sa vie.» Ça se peut que le parent, ça le rende heureux, de dormir avec son enfant, mais s’il transgresse ses propres limites (mal de dos, courbatures, fatigue), c’est peut-être le moment de modifier ses habitudes de sommeil partagé.

MÉTRO-BOULOT-CODODO

On mène tous des vies de fou, on se couche fatigués. Si notre bout de chou se réveille en pleine nuit pour nous réclamer, c’est souvent plus simple d’acheter la paix et de le laisser grimper dans notre lit, même si notre sommeil ne sera pas top notch. L’idée de devoir se lever pour le raccompagner dans son lit jusqu’à ce qu’il s’endorme étant un plus grand défi que la traversée du pays de Jay Du Temple à la course.

Est-ce que c’est grave, de faire passer son sommeil en premier et de tolérer le partage de lit?

« Aucune étude ne prouve que le cododo a des impacts psychologiques sur notre enfant et son développement, au contraire! », rassure la psychoéducatrice.

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C’est très récent, dans notre histoire, que le cododo est tabou. Au début du 19e siècle, les enfants ne dormaient pas seuls : les familles étaient nombreuses, et on retrouvait parfois 14 individus dans une maison de 4 chambres. Même aujourd’hui, dans un contexte de crise du logement, certains n’ont pas le choix de partager une chambre, par manque d’espace.

On dort en collectivité depuis la nuit des temps. Il y a 2 millions d’années, on passait la nuit dans des grottes en tribu. C’est donc très occidental de souhaiter que nos enfants dorment dans un espace séparé de celui des parents. Dans d’autres cultures, c’est une pratique courante, tout le monde dort ensemble. « S’il y avait des impacts négatifs à long terme sur les enfants qui dorment avec leur famille, il y aurait juste les enfants occidentaux qui auraient du bon sens et les autres cultures n’auraient pas d’allure », relativise l’autrice.

NOTRE COCO PASSE AVANT LE CODODO

Selon Mélanie Bilodeau, il y a plusieurs « mauvaises raisons » de pratiquer le cododo, surtout lorsqu’on fait passer nos besoins avant ceux de nos tout-petits.

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Par exemple, certains parents partagent leur lit par anxiété, de peur que leur enfant ne meure dans leur lit, la nuit. D’autres le font pour éviter de dormir avec leur conjoint.e et fuir une certaine pression sexuelle. Il y a aussi le parent qui s’en sert pour combler ses propres besoins affectifs ou pour se réconforter, pendant une période d’anxiété, comme une séparation ou un deuil.

Si ça dure quelques nuits, il n’y a pas lieu de s’alarmer, mais à long terme, c’est problématique. « Ça peut nuire à la confiance en soi de l’enfant parce qu’on est en train de lui dire que la nuit, c’est potentiellement dangereux, qu’il peut lui arriver quelque chose et qu’on n’a pas confiance en sa capacité de dormir seul. On ne valorise pas son indépendance », selon la spécialiste.

APPRENDRE À S’ENDORMIR SANS PARENT

Le cododo en soi ne nuit pas à l’autonomie générale de l’enfant, mais il peut retarder l’autonomie au sommeil lorsqu’il est fait au milieu de la nuit.

Un bambin qui n’a pas appris à se réendormir sans parents risque davantage de se réveiller la nuit et de chercher leur présence. Il reproduit ce qu’il a appris.

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Là, je l’avoue, shame on me. S’il y a une chose que je regrette, c’est de ne pas avoir appris à ma fille à s’endormir seule plus tôt. Je relisais récemment le Mieux-Vivre pour voir si j’avais manqué un bout, mais non c’est bien là, entre deux paragraphes. Si c’était de moi, ce serait EN MAJUSCULE ET EN GRAS. Par contre, si ce n’est pas un problème pour vous de voir apparaître la petite face de votre kid au bout de votre lit, la nuit, c’est bien parfait (je vous envie), mais si vous préférez garder votre lit juste pour vous, il faut le lui faire comprendre.

À 4 ans, est-il trop tard pour apprendre à mon enfant à s’endormir seul? Mélanie Bilodeau propose la méthode du retrait progressif. Il faut amener notre tout-petit à tolérer qu’on se distance de lui peu à peu jusqu’à ce qu’on sorte de sa chambre. Mais armez-vous de patience! Ça peut prendre des semaines, voire des mois, et faire couler beaucoup de larmes! Normal, si ça fait 4 ans que l’enfant s’endort avec un parent, puisqu’on ne peut pas lui demander de changer ses habitudes du jour au lendemain. Il risque alors de ressentir de la détresse.

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Une panoplie de solutions existent pour favoriser le dodo en solo de votre petit mousse, et qui sont adaptées aux valeurs et limites de chacun. Il y a de l’espoir : un jour, notre enfant risque de quitter le lit parental par lui-même. Et on s’entend qu’une fois ado, il ne voudra plus rien savoir, même si on le supplie parce que ça nous manque.

D’ici là, il faut prendre soin de notre santé physique et mentale, et dans un monde idéal, ne jamais se tromper avec le thermomètre à foufounes….