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C’est-tu pire si j’aime pas les amis de mon enfant?

C’est-tu pire si j’aime pas les amis de mon enfant?

Qu’est-ce que je peux faire, autre que les sortir de chez nous par le fond de culotte?

Par
Florence Tison
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Il y en a une, à la garderie. On est arrivés depuis à peine une seconde qu’elle nous crie déjà qu’il ne faut absolument pas prendre ce qu’elle a laissé sur la table de la cour. C’est à ELLE, on ne TOUCHE PAS. Elle le répète 14 fois à volume aigu avant que j’aie eu le temps d’enlever les manteaux de mes enfants.

Un coup d’œil vers ladite table, et c’est bien ce que je pensais : trois ou quatre plumes de pigeon. Je me retiens à quatre mains pour ne pas lui dire que jamais je ne toucherais à ses plumes parce que de un, c’est dégueulasse, et de deux, ON S’EN TAPE. C’est comme ça tout le temps. Elle me fait suer.

Un autre ami, super allumé, veut toujours jouer avec ce que mon gars a dans les mains. Il le lui demande, parce que ses parents l’ont élevé, mais le lui arrache des mains en même temps. À. Chaque. Fois. Laisse-le donc tranquille avec ton FOMO du jouet, pense la maman ourse en moi. Il me gosse.

Et mon enfant n’a que trois ans! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire quand des amis vont débarquer chez nous? Je me souviens encore d’amies à moi qui me faisaient passer des examens écrits pour déterminer si je pouvais rester dans la gang. Je pense que je verrais rouge si ça arrivait à mes enfants.

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Alors, est-ce que c’est grave si j’aime pas les amis de mes enfants? Et surtout, en tant que parent, quelle est ma marge de manoeuvre

J’ai posé la question au Dr André Plamondon, professeur titulaire et directeur des programmes de 1er, 2e et 3e cycles en psychoéducation à l’Université Laval, et grand spécialiste des relations parent-enfant.

Les amis de la garderie : le contrôle du contexte

Au préscolaire, les parents l’ont facile. Les enfants n’ont pas de téléphone pour s’appeler mutuellement et jouent ensemble quand on le veut bien, ou sinon en contexte surveillé à la garderie.

« On peut offrir un contexte qui correspond à nos attentes et valeurs », résume le professeur Plamondon.

S’il y a des amis impolis, prompts à la colère ou qui ne partagent pas, on peut « éviter cette contagion-là » pour nos enfants, en gardant en tête qu’on ne peut pas contrôler un enfant qui n’est pas le nôtre.

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Mais si vous avez l’intention d’user du Tu ne joues plus avec!, faites-le tôt, chers parents : passé un certain (jeune) âge, ce n’est plus conseillé. Notre pro de la psychoéducation nous explique pourquoi.

Encourager les choix d’amitié éclairés

À la maternelle, on contrôle déjà moins qui sont les amis de notre enfant, parce qu’ils se voient à l’école.

Rendu au primaire, on ne devrait plus exercer ce contrôle-là tout court, souligne le professeur Plamondon. À la place, il faut enseigner à nos enfants comment faire des choix d’amitié éclairés, qu’on espère « être comparables à ceux qu’on valorise ».

« On peut avoir des préférences pour les relations de notre jeune, poursuit le docteur en psychoéducation, mais quand on essaie d’implanter des choses, la personne que ça aide vraiment, c’est nous. »

Il s’agit plutôt de développer l’autonomie de l’enfant et sa capacité à faire ses propres choix. Un peu comme quand on laisse aller notre enfant dans les modules de grands : il faut prendre sur soi et enterrer notre anxiété en serrant les dents. Allez, fonce dans la vie et dans l’amitié!

Au fait, comment encourager des choix éclairés?

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« Il faut s’assurer d’expliquer les rationnels pour que le jeune soit capable de les appliquer lui-même quand on ne sera pas là, et même plus tard dans la vie », explique (avec beaucoup de sagesse, je dois dire) le professeur Plamondon.

Ces rationnels (un terme qui reviendra très souvent au fil de notre conversation), ce sont les raisons pour lesquelles une relation d’amitié est positive, nourrissante, porteuse de bonheur, et c’est d’encourager de telles relations (et d’en montrer l’exemple, comme je le fais régulièrement avec un souper de chums de filles un peu chaudailles, mais pleines de cœur).

Décider des amis à la place de nos petits, c’est un peu comme les mettre dans la ouate : ils n’apprendront jamais d’eux-mêmes ce qui importe dans une relation d’amitié.

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« Si je suis diabétique et qu’on me dit de ne pas manger de gâteau sans m’expliquer pourquoi, je vais manger de la crème glacée et je ne serai pas plus avancé », illustre le chercheur.

Le contrôle comportemental v.s. le contrôle psychologique

Pour s’aider à mieux éduquer son enfant, un parent peut essayer de faire la différence entre le contrôle comportemental et le contrôle psychologique, explique le Dr Plamondon. Les comportements, c’est, par exemple, contredire l’autorité et faire de l’intimidation alors que le contrôle psychologique concerne les émotions et la pensée du jeune, ce qui « est le plus néfaste », met en garde le professeur.

Plus précisément, le contrôle psychologique, c’est dire à ton enfant qu’on ne veut pas qu’il apprécie la personne qu’il apprécie. À force de beurrer épais, l’enfant peut finir par se sentir coupable, et risquer de s’opposer davantage à ses parents.

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« Le contrôle comportemental est moins néfaste et plus facile à implanter de façon positive, indique le professeur Plamondon. On met des directives plus claires sur ce qui est attendu : que tu ne fasses pas d’intimidation à l’école. »

Pour le reste, on peut s’intéresser à la vie de notre jeune, ce qui l’encourage à nous parler. On peut souligner que, quand il se tient avec le grand Kévün, il revient de mauvaise humeur à la maison (sans dire que le grand Kévün, c’est un pas fin).

Si on interdit à un enfant de jouer avec un Kévün, il n’apprendra rien, et pourrait même trouver un autre Kévün qui a le même comportement de pas fin… et tout est alors à refaire.

Pire, souligne le professeur Plamondon : l’enfant va peut-être juste apprendre à nous cacher des choses de peur de se faire chicaner, alors qu’au contraire, on veut encourager le dialogue le plus possible.

On veut garder le lien.

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Quand doit-on capoter?

Rendu au secondaire, comment vais-je agir face à des amis mal élevés, toxiques ou carrément délinquants? Sans doute, une conversation malaisante avec des parents ou des responsables du milieu scolaire pourrait alors s’avérer nécessaire.

« Le bénéfice doit vraiment être pour le développement de l’enfant, avertit le professeur Plamondon, et pas juste pour notre inconfort et notre préférence. »

Si on arrive à une telle intervention et qu’on n’en explique pas le fameux rationnel à notre enfant, il n’aura rien appris, poursuit le chercheur. On peut, par exemple, demander si l’ami sera là pour aider en cas de besoin. C’est plate à dire, mais l’amitié devrait être gagnante-gagnante.

Bon – si vous n’aimez pas les amis de vos enfants, mettez de l’eau dans votre vin. Vous avez le droit d’en abhorrer une couple, mais malheureusement, vous ne pouvez pas empêcher vos enfants de vivre leur vie. Pratiquez-vous tout de suite, parce que des choix avec lesquels vous n’êtes pas 100% en accord, ils risquent d’en faire plus d’un au cours de leur vie.

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